Lorsqu’une banque centrale
réduit les taux d’intérêt dans un effort de stimuler les dépenses, elle
réalise un transfert de richesse des épargnants au profit des spéculateurs de
tous poils. Bien que ce ne soit pas éthique, en termes économique, la
question éthique n’est pas de grande importance. Ce qui est important, et
c’est la raison pour laquelle le stimulus ne fonctionne pas comme prévu, est
qu’il n’existe pas de repas gratuit. Au niveau superficiel auquel opèrent les
économistes keynésiens, les politiques de suppression des taux d’intérêt
semblent fournir un repas gratuit ou du moins relativement peu cher. Mais la
facture se trouve finalement bien plus salée que si elle avait été payée dès
le départ.
Les gens comme Bernanke,
Yellen, Draghi et Kuroda admettent que leurs « accommodations
monétaires » portent atteinte aux épargnants à l’instant présent, mais
estiment que leurs bénéfices pour l’économie en général surpassent les désavantages
générés. Les banquiers centraux sont apparemment – du moins dans leurs
propres esprits – dotés d’une sagesse divine qui leur permet de déterminer
qui devrait s’appauvrir et qui devrait s’enrichir, toujours dans l’objectif
de redresser l’économie. Par exemple, voici comment la BCE a justifié ses
politiques de suppression monétaire en juin 2014 :
« La décision prise par
la BCE quant aux taux d’intérêt bénéficiera finalement aux épargnants, parce
qu’elle supporte la croissance et génère ainsi un climat dans lequel les taux
d’intérêt finiront par s’en retourner à un niveau plus élevé. »
Ou encore :
« L’objectif premier
d’une banque centrale est de rendre plus ou moins intéressant pour les
ménages et les entreprises d’épargner ou d’emprunter, mais n’a rien à voir
avec un esprit de punition ou de récompense. En réduisant les taux d’intérêts
et rendant l’épargne moins intéressante que l’emprunt, la banque centrale
encourage les gens à dépenser ou à investir. D’autre part, si une banque
centrale fait grimper les taux d’intérêt, elle encourage l’épargne plutôt que
l’emprunt, ce qui peut venir en aide à une économie qui souffre d’inflation.
Ce comportement n’est pas spécifique à la BCE, et s’applique à toutes les
banques centrales. »
Et nous voilà, plusieurs
années plus tard, encore une fois dans la même voie, malgré une absence
totale de succès des politiques précédentes. Les bénéfices qu’auraient dû
pouvoir en tirer les épargnants semblent plus éloignés encore qu’ils
l’étaient à l’époque.
Seule la dernière phrase du
deuxième extrait est vraie. La BCE est tout aussi pernicieuse que les autres
banques centrales. Pour croire le reste, une très mauvaise compréhension de
la théorie économique est nécessaire.
Le « temps » est
l’élément important que les banques centrales ignorent délibérément ou
accidentellement lorsqu’elles prononcent le genre d’affirmations incluses
dans la citation ci-dessus. Une hausse du niveau d’épargne ne signifie pas
une réduction des dépenses : elle signifie une réduction des dépenses au
moment présent, en faveur de dépenses accrues dans le futur. De la même
manière, une réduction du niveau d’épargne ne signifie pas une hausse des
dépenses, mais une hausse du niveau de dépenses au moment présent en faveur
d’une réduction des dépenses dans le futur.
N’est-il pas évident que ce
compromis entre des dépenses futures et des dépenses immédiates serait bien
plus efficace et bénéficierait bien plus à l’économie s’il était déterminé de
manière naturelle, et si les taux d’intérêt étaient autorisés à refléter les
préférences temporelles des individus ? Pour dire les choses autrement,
n’est-il pas évident que si des individus se trouvent dans une position
financière qui rend préférable l’épargne plutôt que les dépenses, la pire
chose à faire est de leur barrer la route et de les contraindre à emprunter
et à consommer ?
Ce n’est évidemment pas une
évidence. Parce que nos décideurs monétaires continuent de prendre les pires
décisions qui soient.