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Ils s’amusent de la galerie

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Published : October 05th, 2010
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De sévères plans de rigueur se succèdent et s’amplifient dans une large partie de l’Europe. Pas uniquement en Grèce et Espagne, particulièrement touchés, mais également en Irlande, au Portugal et prochainement au Royaume-Uni.


Au prétexte que « le vrai risque serait de ne rien faire », George Osborne, ministre de l’économie britannique prédit que « notre plan va permettre une croissance de l’économie, c’est ce que j’espère », ne semblant pas en être trop certain. Toute la philosophie de sa « réforme de l’Etat providence » tient en une terrible phrase: il s’élève contre « la profonde injustice [d’un système] qui piège des millions de nos concitoyens dans la dépendance, tandis que des millions d’autres doivent en payer la facture ».


En Irlande, une quatrième version du budget est annoncée, prévoyant des coupes budgétaires supplémentaires d’environ 4 milliards d’euros, la banque centrale révisant à la baisse ses prévisions de croissance 2011 à 0,2%. En Espagne, le nombre des chômeurs a progressé durant le mois de septembre de 1,2% par rapport à août : plus de 4 millions d’Espagnols sont officiellement demandeurs d’emplois. Le gigantesque parc de logements neufs invendus ne bouge pas. Les Grecs préparent leur projet de budget 2011, les recettes n’étant pas au rendez-vous escomptés, ce sont les dépenses qui vont être réajustées. Le chômage va prévisionnellement monter à plus de 14,5% l’année prochaine, pour encore progresser l’année suivante, tandis que les prix augmentent en raison d’une fiscalité accrue.


La zone euro est coupée en deux, comme par une ligne de démarcation invisible. La partie sinistrée s’étendant progressivement sur la carte.


Les prévisions de croissance sont en général revues à la baisse, en proportion de la rigueur, ou bien sont de circonstance. Les statistiques du chômage se détériorent, rendant encore plus raide la pente à gravir. Après une nouvelle alerte due au périlleux sauvetage bancaire irlandais, en permanence au bord de la crise, l’Europe s’est installée dans l’attente de celle qui va lui succéder.


L’accalmie sur le marché obligataire qui a succédé à ce dernier épisode induit une détente sur les taux – y compris des pays les plus mal côtés – mais cela peut repartir dans l’autre sens à la première occasion et n’empêche pas les taux de rester inabordables pour les pays de la zone des tempêtes. Les Grecs bénéficiant du soutien des Chinois, prêts à aider à la souscription de leurs prochaines émissions obligataires de longue durée, après avoir démarché les pays du Golf. Une aide à la zone euro, alors que le ton monte avec les Américains.


Les banques donnent des signes renouvelés et inquiétants de fragilité, quand elles avaient jusqu’à maintenant réussi à les contenir ou même les masquer. La situation des Landesbanken allemandes – dont quatre sur huit sont des gouffres financiers ayant déjà absorbé 20 milliards d’euros – fait l’objet d’interminables concertations, afin d’aboutir à des restructurations qui traînent en longueur. Ce qui ne fera, une fois abouties, que rendre leurs faiblesses additionnées encore plus déstabilisantes. Les laissant tout aussi démunies devant la nécessité de lever des capitaux pour renforcer leurs fonds propres.


Les banques françaises, BNP et SocGen en tête, peinent à dissimuler les difficultés qu’elles vont rencontrer pour se conformer aux prochaines exigences de renforcement de leurs fonds propres, après avoir fanfaronné en expliquant qu’elles puiseraient dans leurs bénéfices. Alors qu’il est de plus en plus question que ces exigences soient accrues pour les mégabanques systémiques, au rang duquel elles se trouvent. Morgan Staney vient de rajouter du sel dans la plaie à ce propos, en publiant une étude, et les valeurs en bourse des principaux établissements financiers français continuent de régulièrement baisser.


Les banques britanniques, prises entre les conséquences de la crise économique et ces mêmes obligations, pourraient pour certaines d’entre elles avoir à nouveau besoin de l’aide de l’Etat, selon New Economics Foundation (NEF) un thinktank londonien qui a étudié leurs besoins de financement pour l’année à venir.


Il n’y a pas de complaisance à peindre plein d’incertitudes et de chausses-trappes ce tableau de l’Europe. Pas plus qu’il y en a à voir venir avec inquiétude les élections américaines et le risque d’une paralysie de l’exécutif qui en résultera probablement. Dans un contexte où les conciliabules se poursuivent, devant finalement aboutir début novembre à une nouvelle intervention financière de la Fed, qui chaque jour se confirme. La seule initiative qui peut peut encore être prise dans le contexte actuel, qui va aviver encore le désordre monétaire actuel.


De son côté, la Bank of Japan – en réunion pour deux jours en ce début de semaine – pourrait augmenter son programme d’injection de liquidités dans les banques et acquérir à nouveau des bons du Trésor japonais, son taux directeur étant quasiment déjà à son plancher, à 0,1%.


Le prochain G20 va donc devoir gérer une situation où les uns donnent la priorité à la relance en faisant tourner la planche à billet (Etats-Unis, Japon et probablement Royaume-Uni) tandis que l’Europe à contrario se crispe sur la réduction des déficits budgétaires. En fait de coordination, on fait mieux. Cela ne sera à l’avantage ni des uns, ni des autres.


Un autre grand sujet va s’inviter à la réunion de Séoul. Celui du désordre monétaire généralisé qui est en train de s’instaurer et qui résulte en premier lieu de la baisse se poursuivant du dollar, entraînant la revalorisation des autres devises. Les dirigeants Chinois ont beau jeu, dans ces conditions, à réclamer une « relative » stabilisation des cours des monnaies. Incluant le yuan dans le paquet. C’est en tout cas ce que vient de déclarer – pour couper court aux pressions dont il est l’objet – Wen Jiabo, le premier ministre, à l’occasion de l’Asem (Asia Europe Meeting) qui réunit 46 pays européens et de la zone Asie-Pacifique. La stabilisation devrait selon lui être relative pour ne pas dire totale – ce qui serait contraire à la doctrine monétaire en cours – sans qu’il définisse les moyens qui permettraient d’y parvenir dans un système à taux de change flottant sensé s’auto-réguler. D’accusateurs, entre temps, les Etats-Unis deviennent accusés.


Quand on écoute les échos des dérisoires négociations en cours à propos de la distribution des fauteuils au conseil d’administration du FMI, où les Européens et les Américains jouent au poker menteur, on ne s’étonne pas de l’impuissance qui règne à propos du marché monétaire. Ce n’est pas non plus la lettre que l’’Institut international de la finance (le lobby des mégabanques) vient d’adresser aux participants à l’assemblée mondiale du FMI qui va s’ouvrir vendredi qui modifiera le cours des événements. L’IFF y oppose à « l’unilatéralisme » qui se propage sur « les questions macroéconomiques, de commerce international et de changes » – qui « menace la stabilité du monde » – la nécessité « d’engager sérieusement une négociation multilatérale »…


Une musique un peu discordante va se faire entendre lors de cette assemblée à propos de la régulation financière. Une étude du FMI intitulée « Modeler le nouveau système financier » vient d’apporter de l’eau au moulin à ceux qui réclament le durcissement des mesures de renforcement des fonds propres des mégabanques. Tel Mario Draghi, président du Fonds de stabilité financière (FSB) qui prépare pour le G20 de nouvelles mesures destinées aux banques systémiques et s’inquiète, cette fois-ci sous sa casquette de gouverneur de la BCE, de l’existence de « banques zombies » devenues dépendantes du soutien financier de la BCE.


La remarque des économistes du FMI la plus intéressante est sans doute qu’il faudrait maintenant s’intéresser aux « institutions financière non bancaires », aux Etats-Unis le shadow banking. Car elles ne sont pas concernées par les dispositions annoncées ou encore en gestation. Enfin, selon cette même étude, le FMI décèle encore de multiples et graves problèmes dans l’encadrement du système financier mondial, n’éliminant pas la possibilité d’une nouvelle crise comme celle de 2008.


Ces préoccupations ne font que souligner l’inquiétude qui prévaut dans les cercles de régulateurs, qui ont conscience que le travail a été fait à moitié – pour être charitable – même s’ils ne remettent pas en cause la philosophie qui le veut. Ce qui renvoie aux décisions que prendront les politiques, alors que de grandes zones d’ombre continuent de subsister dans ce qui a déjà été annoncé par le Comité de Bâle.


Le FMI a de son côté annoncé qu’il allait soumettre 25 grands pays à un examen régulier de leur système financier, grâce à un « Programme d’évaluation ». Mettant l’accent sur les limites d’une surveillance nationale pour des établissements financiers qui se jouent des frontières, dans le but de valoriser ce que pourrait être sa contribution. Ce qu’il traduit dans sa note par la nécessité de mettre en œuvre des réformes «pertinentes au plan national et cohérentes à l’échelle internationale». Si l’on comprend bien, la cohérence internationale serait de son ressort.


Beaucoup de discours et fort peu d’actes: c’est ce qui ne peut que ressortir de la confusion dans laquelle plus que jamais baignent les cercles dirigeants des pays développés. Comment et combien de temps vont-ils encore s’amuser ainsi de la galerie ?



Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Il faut que l'on m'explique : La dette des gouvernements dont on nous rabache les oreilles, est une dette de l'etat envers les banques ? Quand les banques font naufrages, les états renflouent les banques ! C'est un peu sauvé son pire ennemi de la noyade, non ? Ou en tout cas un cercle (plus ou moins) sans fin, et surement vicieux, non ?
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Louis - 10/5/2010 at 10:47 AM GMT
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