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La situation de trésorerie du gouvernement grec devient extrêmement tendue
et il est exclu d’attendre la fin avril, comme initialement décidé, pour
assurer le dernier versement du plan de sauvetage dont une extension a
été adoptée. « Nous nous sommes mis d’accord aujourd’hui pour dire qu’il y a
plus de temps à perdre » a déclaré hier Jeroen Dijsselbloem à l’issue d’une
nouvelle réunion de l’Eurogroupe. Un grand progrès si l’on se souvient de
Wolfgang Schäuble expliquant en substance lors d’un épisode précédent « nous
sommes d’accord pour constater notre désaccord ».
L’Eurogroupe n’a consacré qu’une demi-heure à l’examen des nouvelles
propositions grecques, comme si la cause était par avance entendue, et n’a
pris aucune décision. Sur la base de propositions grecques complémentaires
d’actions, les discussions vont se poursuivre à un niveau technique, à
Bruxelles et à Athènes, car la Troïka est de retour. La « conclusion
des discussions avec la troïka et un avis positif de ces institutions » est
une « précondition » à tout versement de fonds, a commenté le secrétaire
d’État allemand aux Finances, Steffen Kampeter.
En réintroduisant la Troïka dans le jeu, les dirigeants européens
cherchent à reprendre la main, afin de revenir au cadre précédent des mesures
sans fin d’austérité et de réformes auquel le gouvernement grec tente
d’échapper. Wolfgang Schäuble l’a exprimé en réclamant que celui-ci cesse de
travailler dans son coin – en tentant de préserver des mesures de justice
sociale – pour se mettre à travailler avec les institutions, sous-entendu sur
leurs bases.
La faute de ce nouveau blocage est portée au débit du gouvernement grec en
raison de l’insuffisance et du flou des mesures qu’il propose, ainsi que sur
leurs faibles recettes potentielles au regard des besoins de financement. La
palme revient au ministre français Michel Sapin qui justifie la visite
domiciliaire de la Troïka par la nécessité d’obtenir une claire compréhension
de la situation financière du pays, ce qui ne manque pas de sel vu la Grèce
était sous la tutelle de la Troïka qui ne pouvait rien en ignorer. Il faut
voir dans ce genre de déclaration une illustration de l’aveuglement des
dirigeants européens, portés par leur volonté de mettre le gouvernement grec
sous une pression maximum pour lui faire entendre raison : ils ont mal
calculé leur coup en repoussant à avril un versement et ne vont pas le
reconnaître. La détérioration de la situation économique grecque et la
situation chancelante des banques ne peuvent pas être considérées comme des
mauvaises surprises. Comme expliqué par Yanis Varoufakis, la Grèce ne va pas
à nouveau rentrer en récession, elle n’en est jamais sortie.
Il n’a même pas fallu attendre que les discussions à propos du plan d’aide
financière suivant démarrent pour qu’apparaisse le profond irréalisme
financier des décisions politiques des dirigeants européens. Là où la Grèce a
été plongée, elle ne peut pas trouver par elle-même les ressources de son
rétablissement, que ce soit à long ou même à court terme. Une seule voix
discordante a été entendue, celle de Jean-Claude Juncker, qui a déclaré : «
Ce qui m’inquiète, c’est que tout le monde n’a pas encore compris, au sein de
l’Union européenne, le sérieux de la situation en Grèce », avertissant qu’il
fallait prendre garde à ce que « la situation ne continue pas à se détériorer
». Mais il n’en a tiré aucune conséquence, tout du moins publiquement.
Entre le maximalisme des uns et le ventre mou des autres, qui va
l’emporter ? Coincé, il ne restera plus au gouvernement grec qu’une seule
carte à jouer, comme Yanis Varoufakis l’a clairement évoqué : celle d’un
référendum ou d’élections anticipées, afin que le déni démocratique auquel
les Grecs se heurtent retentisse dans toute l’Europe. Un précédent existe,
qui faute de passage à l’acte a abouti au départ du pouvoir forcé de George
Papandréou (avant de disparaitre du paysage politique), lorsqu’il a voulu
soumettre à referendum en octobre 2011 le plan de sauvetage de la
Grèce d’alors. Il est peu vraisemblable que Syriza reproduise la même erreur
et n’aille pas jusqu’au bout.
Ce n’est pas seulement la Grèce qui fait naufrage, c’est une politique
européenne qui est en train de sombrer. Sous le fruit d’une inconséquence
très persévérante.
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