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Ils sont leurs meilleurs ennemis

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Paul Jorion.
Published : June 11th, 2010
1028 words - Reading time : 2 - 4 minutes
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Category : Editorials





Ce texte est un « article presslib’ » (*)



Encore confiné dans les coulisses de la finance, alors que la dette publique tient le devant de la scène, un autre terrible drame se joue actuellement, sur le modèle de ces romans-feuilletons qui ont connu leur heure de gloire au XIXe siècle. Ses épisodes ne se contentant pas de se succéder les uns aux autres, mais s’empilant dans le désordre, sans que les précédents aient pu connaître leur dénouement.

Les acteurs de ce drame masqué sont encore une fois les banques, et son décor déjà planté le marché obligataire. Mais celui-ci dégage de nouvelles perspectives. De nombreux émetteurs – Etats, entreprises et établissements financiers – font appel à des marchés qui, malgré le pluriel dont ils sont en général affublés, ne font qu’un. Tous les émetteurs y faisant appel simultanément, ses différents secteurs communiquent entre eux et se contaminent mutuellement. Ainsi, la hausse des taux de la dette souveraine se propage facilement sur ceux auxquels les entreprises et établissements financiers des mêmes pays sont assujettis.

Quel nouvel épisode découvrons-nous ? A la disette à laquelle la dette souveraine est promise, et les grandes entreprises sont déjà soumises, vient s’ajouter un troisième volet : les banques rencontrent à leur tour des difficultés grandissantes à se financer.

Les tensions sur le marché-interbancaire – financement à court terme – sont venues souligner la défiance qu’elles se manifestaient entre elles. D’autres signaux sont apparus. Le marché obligataire classique ne répondant plus que partiellement à leurs besoins, elles ont du se tourner vers celui des covered bonds, les obligations sécurisées.

140 milliards d’euros ont été levés sur ce marché en pleine expansion, soit à mi-parcours de l’année les deux-tiers du montant total de l’année précédente. La BCE ayant ouvert la voie en lançant un programme d’achat aux banques de 60 milliards d’euros de ces titres, qui va se terminer à la fin du mois.

Les banques trouvent ainsi des fonds qu’elles ne parviennent que difficilement à lever autrement. Même si elles ne bénéficient pas toutes, il s’en faut, du même traitement. La raison en est que ces obligations sont donc sécurisées, moins risquées, et que les investisseurs les préfèrent. Mais la profondeur de ce marché (la demande qu’il peut satisfaire) n’est pas connue, ce qui alimente l’inquiétude ambiante. La phase actuelle est encore de test.

En résumé, les banques, vivement priées par les régulateurs d’allonger la maturité de leurs emprunts dont la proportion à court terme n’a cessé de croître, afin de se renforcer, rencontrent de sérieux obstacles à le faire, ou bien craignent que cela ne soit prochainement le cas.

La BCE, assurant un rôle de plus en plus exigeant, essaye de contenir tous les incendies. Elle a du revenir sur l’interruption – annoncée en fanfare – de sa mise à dispositions de liquidités à trois mois et à six mois, afin de se substituer au marché inter-bancaire défaillant. Car c’est sur celui-ci que les banques font prioritairement rouler leurs emprunts. Elle est finalement intervenue directement sur le marché de la dette souveraine – ses achats ont déjà dépassé les 40 milliards d’euros à ce jour – afin d’éviter que les taux ne grimpent trop, atteignant par contagion l’ensemble du marché obligataire. Elle a également acheté aux banques pour 56 milliards d’euros de covered bonds à ce jour, agissant donc sur tous les fronts. A ce rythme, son bilan continue de gonfler, le risque d’un déséquilibre s’accroissant, pouvant nécessiter qu’elle soit un jour à son tour refinancée par… les Etats, qui sont ses actionnaires (l’une des craintes des Allemands).

Deux chiffres illustrent bien l’absurdité de la situation actuelle. Ses opérations dites d’open market (achats permanents et temporaires d’actifs) ont atteint la somme global de 850 milliards d’euros, tandis que 450 milliards d’euros en provenance des banques ont à l’inverse profité de son programme de « facilités de dépôt » au jour le jour, très faiblement rémunéré mais offrant le meilleur refuge possible.

Cela met en évidence que l’aversion au risque chère aux analystes est très forte. Mais où est donc passé l’appétit au risque si magnifié par les idolatres des marchés ? Faut-il croire qu’il ne se manifestait que lorsqu’il était, à tort, considéré comme inexistant ?

Ce serait une fâcheuse conclusion, alors que la demande est appelée à continuer de croître dans tous les secteurs du marché obligataire. Les Etats n’ayant pas atteint le pic de leur dette publique, les grandes entreprises ne rencontrant pas le meilleur accueil auprès des banques pour se financer, ces dernières devant faire face à de multiples exigences. Elles sont nombreuses: importantes dépréciations qui attendent toujours des jours meilleurs, refinancement de leurs opérations en cours (dont les LBO), augmentation générale des taux de défaut en raison de la situation économique, menaces de restructuration pesant sur leurs portefeuilles d’obligations souveraines, et enfin exigences à venir de renforcement de leurs fonds propres….

Le grand malade, c’est donc le système financier ! Il ne parvient pas à absorber les ondes de choc successives de son implosion initiale, en dépit de tous les soins dont il est entouré. Pour emprunter (à taux zéro) son propre jargon, le capitalisme financier a perdu la confiance qu’il avait auparavant en lui-même. Il ne parvient pas à retrouver son assise. Il est devenu son meilleur ennemi.

Au 1er juillet prochain, les banques de la zone euro vont devoir rembourser à la BCE les 442 milliards d’euros empruntés il y aura alors un an.



Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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