Inquiétudes monétaires

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Published : April 30th, 2015
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Parmi les classes les plus informées, le cynisme n’a jamais été aussi répandu. Même les pom-pom girls de la CNBC et du Wall Street Journal se disent émerveillées par la lévitation des indices de valeur des actions et obligations. Ils nous parlent de la « correction de 20% » comme d’un regain de santé venue chasser la crasse pour nous apporter un nouvel épisode de « croissance » - ou d’une forme de croissance qui, comme le prétendu qui est venu remplacer la vérité, est devenu une approximation acceptable de la croissance authentique. La vérité, contrairement au prétendu, c’est que ceux qui nous parlent du regain de croissance ne croient plus eux-mêmes en leurs mensonges.

La suppression des taux d’intérêt et les fraudes comptables ont ravagé le système financier, et les difformités qu’elles ont créées se sont traduites par des guerres des monnaies, une instabilité des devises, l’effondrement des échanges et des crises politiques. Des années d’interventionnisme des banques centrales ont vu dérobé le capital du futur en faveur de la mise en place d’une économie Potemkine qui vise à dissimuler le tourbillon étourdissant des rendements décroissants des entreprises.  

Jusqu’à ce que les valeurs perdent bien plus de 20%, davantage de perversités viendront s’ajouter à l’amoncellement de fardeaux existants. N’est-il pas étonnant que certains groupes d’intérêts comme l’AARP ne se soient pas plaints de l’oppression des taux d’intérêts qui privent leurs membres de comptes en banque et d’intérêts sur leur épargne ? L’AARP, comme toutes les autres entreprises américaines, s’est tournée vers le racket. Mais ne vous en faîtes pas, elle disparaîtra bien assez tôt.

La situation continuera de s’aggraver lorsqu’apparaîtront de nouveaux bail-ins et de nouvelles tentatives d’empêcher les propriétaires de comptes bancaires d’accéder à leurs fonds. Un retrait supérieur à 2.000 dollars peut aujourd’hui entraîner une enquête de la part de l’IRS. La prochaine étape sera un plafonnement des retraits. Qu’en dira le public ? Qui sait… Beaucoup pensent que le gouvernement tente aujourd’hui de se débarrasser de l’argent liquide en faveur d’un régime monétaire entièrement électronique. Etant moi-même allergique aux théories de la conspiration, je suis assez sceptique face à cette idée, mais il m’est impossible de l’ignorer.

Une société sans argent liquide pourrait permettre au gouvernement un contrôle bien plus important sur les transactions monétaires de ses citoyens. Elle pourrait rendre bien plus efficace la redirection de recettes fiscales vers les coffres du Trésor. Il y aurait toutefois quelques problèmes. Un tel système ne réduirait-il pas énormément les prélèvements effectués par les sociétés de crédit ? Et qu’en serait-il des Américains les plus pauvres qui ne possèdent pas de carte de crédit ou de compte en banque, que ce soit parce qu’ils ne comprennent pas comment ils fonctionnent ou parce qu’ils se sont retrouvés coincés dans l’économie souterraine pour une raison ou pour une autre (pour avoir par exemple commis un crime lié à la drogue) ? Quelles alternatives perverses ce nouveau système pourrait-il produire ?

J’ai posé cette question la nuit dernière à un groupe d’individus ayant un niveau d’études universitaire, et leur réponse a été plus que surprenante : ils ont fait preuve de la complaisance la plus totale. Ils ont déjà l’habitude de payer pour toutes sortes de choses telles que du plastique, et leurs employeurs mutuels paient déjà de lourdes taxes sur les salaires qu’ils leur versent. Alors pourquoi cela aurait-il la moindre importance ? Ils n’ont pas été capables de comprendre qu’une société sans argent liquide pourrait leur barrer l’accès à leurs fonds. Ou, plus spécifiquement, ils n’ont pas été capables d’imaginer une urgence politique ou économique qui puisse provoquer une telle situation.

Ils pourraient le réaliser bien plus tôt qu’ils se l’imaginent. Selon certains, un évènement « correcteur » ferait son apparition sur la scène financière. Même la baisse de 20% supposément salubre du S&P pourrait générer une série d’appels de marge qui pourraient donner aux trompettes de Jéricho des airs de concert de gazou. Que feront les Américains lorsqu’ils ne pourront plus sortir leur argent des banques ? La dernière fois qu’une telle situation s’est présentée, la société était polie et réglementée, et les mitrailleuses étaient encore une nouveauté réservée à une armée relativement restreinte et au gang d’Al Capone. Derrière la nervosité financière d’une minorité informée se cache la peur de voir se développer des agitations sociales.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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