Parmi les classes les
plus informées, le cynisme n’a jamais été aussi répandu. Même les pom-pom
girls de la CNBC et du Wall Street Journal se disent émerveillées par la
lévitation des indices de valeur des actions et obligations. Ils nous parlent
de la « correction de 20% » comme d’un regain de santé venue
chasser la crasse pour nous apporter un nouvel épisode de « croissance »
- ou d’une forme de croissance qui, comme le prétendu qui est venu remplacer
la vérité, est devenu une approximation acceptable de la croissance
authentique. La vérité, contrairement au prétendu, c’est que ceux qui nous
parlent du regain de croissance ne croient plus eux-mêmes en leurs mensonges.
La suppression des taux
d’intérêt et les fraudes comptables ont ravagé le système financier, et les difformités
qu’elles ont créées se sont traduites par des guerres des monnaies, une
instabilité des devises, l’effondrement des échanges et des crises
politiques. Des années d’interventionnisme des banques centrales ont vu
dérobé le capital du futur en faveur de la mise en place d’une économie Potemkine
qui vise à dissimuler le tourbillon étourdissant des rendements décroissants
des entreprises.
Jusqu’à ce que les
valeurs perdent bien plus de 20%, davantage de perversités viendront s’ajouter
à l’amoncellement de fardeaux existants. N’est-il pas étonnant que certains
groupes d’intérêts comme l’AARP ne se soient pas plaints de l’oppression des
taux d’intérêts qui privent leurs membres de comptes en banque et d’intérêts
sur leur épargne ? L’AARP, comme toutes les autres entreprises
américaines, s’est tournée vers le racket. Mais ne vous en faîtes pas, elle
disparaîtra bien assez tôt.
La situation continuera
de s’aggraver lorsqu’apparaîtront de nouveaux bail-ins et de nouvelles
tentatives d’empêcher les propriétaires de comptes bancaires d’accéder à
leurs fonds. Un retrait supérieur à 2.000 dollars peut aujourd’hui entraîner
une enquête de la part de l’IRS. La prochaine étape sera un plafonnement des
retraits. Qu’en dira le public ? Qui sait… Beaucoup pensent que le
gouvernement tente aujourd’hui de se débarrasser de l’argent liquide en
faveur d’un régime monétaire entièrement électronique. Etant moi-même
allergique aux théories de la conspiration, je suis assez sceptique face à
cette idée, mais il m’est impossible de l’ignorer.
Une société sans argent
liquide pourrait permettre au gouvernement un contrôle bien plus important
sur les transactions monétaires de ses citoyens. Elle pourrait rendre bien
plus efficace la redirection de recettes fiscales vers les coffres du Trésor.
Il y aurait toutefois quelques problèmes. Un tel système ne réduirait-il pas
énormément les prélèvements effectués par les sociétés de crédit ? Et qu’en
serait-il des Américains les plus pauvres qui ne possèdent pas de carte de
crédit ou de compte en banque, que ce soit parce qu’ils ne comprennent pas comment
ils fonctionnent ou parce qu’ils se sont retrouvés coincés dans l’économie
souterraine pour une raison ou pour une autre (pour avoir par exemple commis
un crime lié à la drogue) ? Quelles alternatives perverses ce nouveau
système pourrait-il produire ?
J’ai posé cette question
la nuit dernière à un groupe d’individus ayant un niveau d’études
universitaire, et leur réponse a été plus que surprenante : ils ont fait
preuve de la complaisance la plus totale. Ils ont déjà l’habitude de payer
pour toutes sortes de choses telles que du plastique, et leurs employeurs
mutuels paient déjà de lourdes taxes sur les salaires qu’ils leur versent.
Alors pourquoi cela aurait-il la moindre importance ? Ils n’ont pas été
capables de comprendre qu’une société sans argent liquide pourrait leur
barrer l’accès à leurs fonds. Ou, plus spécifiquement, ils n’ont pas été
capables d’imaginer une urgence politique ou économique qui puisse provoquer
une telle situation.
Ils pourraient le
réaliser bien plus tôt qu’ils se l’imaginent. Selon certains, un évènement « correcteur »
ferait son apparition sur la scène financière. Même la baisse de 20% supposément
salubre du S&P pourrait générer une série d’appels de marge qui
pourraient donner aux trompettes de Jéricho des airs de concert de gazou. Que
feront les Américains lorsqu’ils ne pourront plus sortir leur argent des
banques ? La dernière fois qu’une telle situation s’est présentée, la
société était polie et réglementée, et les mitrailleuses étaient encore une
nouveauté réservée à une armée relativement restreinte et au gang d’Al
Capone. Derrière la nervosité financière d’une minorité informée se cache la
peur de voir se développer des agitations sociales.