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Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Nous
sommes désormais installés dans la crise sans savoir comment en
sortir, c’est la seule constatation solide possible dans
l’état actuel des choses. La plus optimiste également. Le
leadership mondial des Etats-Unis et de l’Europe, menacé par la
puissance chinoise, continue bien de s’exercer, mais d’une
manière toute particulière, comme premier de la classe dans la
crise !
Non
pas que la Chine ne rencontre pas ses propres difficultés ; elles sont
principalement de quatre natures. Une baisse très importante des
exportations, due à la récession mondiale et en particulier
américaine (en réalité désormais partiellement
structurelle). Un chômage d’ampleur montant, facteur d’instabilité
sociale préoccupante pour le régime. Une bulle financière
et immobilière résultant des efforts de relance provenant de
l’ouverture des vannes du crédit bancaire, qui n’a que
très partiellement atteint l’appareil productif. Et, enfin, une
grande difficulté à trouver rapidement le chemin d’une
croissance « saine » de rechange s’appuyant sur le
développement du marché intérieur.
Confrontée
à un arrêt brutal de ses exportations et à une lente
progression de son marché intérieur, la Chine ne va pas pouvoir
renouer de sitôt avec ses taux de croissance fulgurants. Et encore
moins « tirer » la croissance mondiale. En prenant la toute
récente décision de lancer le crédit à la
consommation en Chine, où il n’existait pas, le gouvernement
Chinois tente bien d’accélérer le mouvement. Mais
c’est s’appuyer sur les couches sociales qui ont
bénéficié de l’essor économique de la
dernière décennie, et laisser encore une fois le reste du pays
dans une situation d’arriération. C’est appliquer le
modèle social inégalitaire et déséquilibré
qui prévaut déjà dans les autres pays émergents
et recèle de nouveaux problèmes, les premiers étant non
résolus.
La zone Euro
oscille pour sa part entre la récession, de fugaces et modestes
incursions hors du rouge dans quelques pays, et la réalité
d’une déflation rampante générale, que l’on
cherche à éviter de reconnaître. Le prix du
pétrole et de l’énergie a été mis dans un
premier temps à contribution, avec force doctes explications
s’appuyant sur le fait qu’il était auparavant très
élevé et que sa baisse intervenue depuis était à
l’origine de la déflation, qui n’en était donc pas
une !
Mais
les chiffres ont la vie dure, même quand on écarte du calcul le
prix de l’énergie et des produits alimentaires, et que
l’on retrouve à l’arrivée le même signal de
déflation. Les espoirs de sortie de la récession vont devoir
faire place à la reconnaissance de la déflation. On peut
traîner à reconnaître que l’on est entré dans
celle-ci, mais on ne sait jamais quand on va en sortir. Les keynésiens
ont déjà perdu leur voix à force de crier que nous
étions dans la fameuse « trappe à liquidités
» qu’à connu le Japon, quand les liquidités
déversés en masse dans l’économie ne parviennent
pas à la relancer. L’expérience japonaise a montré
que l’on pouvait rester collé ainsi pendant longtemps.
La
rentrée va donc devoir être l’occasion de nouveaux
laborieux exercices de communication gouvernementaux. Mais ils ne suffiront
évidemment pas à exorciser le mal. C’est ce que le
gouvernement allemand semble avoir le mieux compris, en prenant déjà
de premières mesures Le BaFin, l’autorité
allemande de surveillance financière, vient de rendre publiques des
règles imposant aux banques de procéder à partir de la
fin de l’année à des stress tests réguliers, afin
de vérifier si leurs fonds propres sont suffisants pour faire face aux
chocs prévisibles à venir. Ceux-ci devront être
réalisés au niveau des groupes et non plus de manière
éparse, incluant les filiales étrangères et le hors
bilan. Autant de sages précautions. Il faut dire que le cas
d’Hypo Real Estate, la banque allemande
spécialisée dans le crédit immobilier, aujourd’hui
nationalisée à 90% et qui a déjà
bénéficié de 100 milliards d’euros d’aide
publique (en garanties) a traumatisé la classe politique allemande. Il
est question de devoir encore remettre au pot et d’en sortir les
actionnaires restant pour en prendre le contrôle à 100%. Le
rideau de fumée derrière lequel le gouvernement Français
navigue n’en apparaît que plus opaque. Surtout quand Christine
Lagarde, ministre de l’économie et des finances, se
réfugie derrière la nécessité d’un accord
international (impossible, elle le sait) pour réguler les primes et
les bonus du secteur financier, alors que le BaFin
prend de son côté le taureau par les cornes (enfin, on verra
à l’usage !).
Parlant
d’exercices de communication gouvernementaux, il faut évoquer la
préparation du plus grand d’entre eux, la prochaine
réunion du G20, les 24 et 25 septembre prochains à Pittsburgh
(Etats-Unis). Timothy Geithner sera les 4 et 5
septembre prochains à Londres, afin de participer à la
réunion des ministres des finances du G20 et afin de préparer
le sommet. Son ministère nous a déjà informé
qu’il sera évoqué « une série de questions,
notamment l’état de l’économie mondiale et les
progrès accomplis » depuis le précédent G20
d’avril dernier. Munis de ces précieuses précisions,
devons-nous attendre à ce que de grandes décisions de relance
soient prises ? Cela semble bien peu probable, tant chacun privilégié
désormais, replié sur son Aventin, sa propre analyse et ses
propres remèdes.
A
Pittsburgh, nous n’en apprendrons probablement pas d’avantage
à propos des mesures de régulation financière, pouvant
néanmoins considérer que ce qui est en cours
d’achèvement à propos des paradis fiscaux donne la mesure
de ce qui sera adopté finalement dans tous les secteurs de
l’activité financière. C’est à dire peu de
choses à l’arrivée. Aloïs von
und zu Liechtenstein,
chef d’Etat de la principauté du même nom, vient
d’ailleurs de déclarer à l’AFP : « Le
Liechtenstein va rester une place attractive (…) Il est difficile de
prédire quel secteur va croître à l’avenir, mais je
ne serais pas surpris si le secteur des services financiers allait vivre un
boom ». Comme tous les principaux paradis fiscaux, la
principauté multiplie les conventions fiscales bilatérales, en
vue de sortir de la « liste grise » de l’OCDE.
Concernant
le dispositif global de régulation financière, la nouvelle la
plus importante de ces dernières semaines aura été
l’annonce par le Trésor américain qu’il avait remis
sa copie au Congrès, qui dispose désormais de
l’intégralité du projet de loi gouvernemental, mais est
en vacances ! Des discussions acharnées sur des sujets techniquement
très pointus étant certaines, il est hasardeux de
prédire si les délais initiaux seront respectés, si la
loi pourra être votée par les deux assemblées fin de
l’année, afin d’être promulguée par Barack Obama. Nous serons en
attendant très largement suspendus à ce qui y sera finalement
inscrit comme mesures, afin de mieux apprécier l’étendue
des zones d’ombres qui subsisteront. Puisque c’est de cela
qu’il s’agit.
Ce
qui peut être rétrospectivement compris, en lisant les analyses
disponibles de ce projet, qui fait suite au « Livre blanc » rendu
public le 17 juin dernier, c’est de découvrir à contrario
à quel point inimaginable tout le secteur financier avait
été totalement dérèglementé, tout ou
presque étant possible, ce qui explique non seulement la crise, mais
l’extrême difficulté dans laquelle se trouve ceux qui
veulent défaire les écheveaux des produits financiers les plus
sophistiqués par qui le malheur est arrivé. Le cas de Lehman Brothers, dont la
liquidation va prendre des années, l’illustre aussi
parfaitement. La question est donc posée : à ce point de
complexité des produits financiers, toute régulation
n’est-elle pas en soi une gageure ? Tout dispositif de surveillance un
leurre ?
Installés
dans la crise, nous allons avoir le temps pour y réfléchir,
c’est déjà une consolation.
*Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
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» est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que
le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’
» qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos
contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait
aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut
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Paul Jorion,
sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix
dernières années dans le milieu bancaire américain en
tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié
récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ?
(La Découverte : 2007).
Les vues
présentées par Paul Jorion sont les
siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de
faire une mise à jour.
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invitation à réaliser un quelconque investissement. . Tous droits réservés.
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