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Il n’est pas
facile de situer Jean-François Revel dans l’histoire des idées récentes. Tel
est le défi que relève la biographie intellectuelle qui lui est consacrée et
qui vient de paraître aux Belles Lettres au mois de février 2014 : Jean-François Revel ou la démocratie
libérale à l'épreuve du XXe siècle, préface d'Alain Laquièze, dans la collection « Penseurs de la
liberté », dirigée par Alain Laurent. L’auteur, Philippe Boulanger est
docteur en droit public et a publié plusieurs essais sur le Proche-Orient et
l’histoire des idées. Il collabore d’autre part à diverses revues comme Le
Banquet et Commentaire.
Face à une gauche française profondément marxisée et à une
droite gaulliste et postgaulliste très nettement
hostile au libéralisme, Revel a toujours tenu à se définir comme un libéral
de gauche. À contre-courant de tous les partis politiques, son adhésion au
libéralisme n’a pourtant jamais été dogmatique. Comme l’explique Philippe
Boulanger :
Pour lui c’est une question d’expérience : le
libéralisme politique assure la paix civile, l'équilibre des pouvoirs et la
participation des citoyens à la vie politique ; le libéralisme économique
garantit mieux que l'interventionnisme étatique et le fiscalisme
l'efficacité et la justice sociale.
« L'une des thèses de Revel, écrit Boulanger, est que la société
libérale, certes imparfaite, est, en tous points, supérieure à la société
étatiste ou socialiste. Il adhère à l'idée que la ‘société ouverte’,
imparfaite, conduit plus sûrement l'homme vers davantage de félicité et
d'abondance que la ‘société dirigiste’, fermée, méfiante à l'égard de lui et
source de paupérisation et d'injustice » (p. 39).
Par ailleurs, Revel ne manque pas de mémoire. Il fut un temps où la
gauche française était libérale et il sait que les libéraux au XIXe siècle
ont été les premiers à poser la « question sociale ». Et c’est pourquoi dans Ni Marx ni Jésus, puis dans La Tentation totalitaire, Revel
appelle de ses vœux cette gauche libérale et moderne. Dans la décennie
quatre-vingt-dix, elle apparaît en Grande Bretagne et en Allemagne mais pas
ou trop peu, selon lui, en France.
Faut-il pour autant en conclure que Revel s'inscrit dans le courant dit
du « libéralisme social » ? Son biographe ne le croit pas :
L'opposition entre la performance économique et la
solidarité sociale n'avait aucun sens pour lui : pour redistribuer, il faut
tout simplement être riche. Certes, après la chute du communisme en Russie et
en Europe centrale et orientale, on pourra déceler sous sa plume, non parfois
sans étonnement, la satisfaction d'un certain « retour au socialisme»,
notamment dans les pays (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne) gouvernés par
une gauche libéralisée. Cette apparente contradiction peut s'expliquer par sa
conviction selon laquelle la mise en œuvre du libéralisme à la fois
économique et politique assure davantage de justice sociale, d'efficacité
économique et de stabilité politique que le socialisme marxiste férocement
étatiste. En d'autres termes, ce qui crée de la richesse et du bien-être, ce
n'est pas la nationalisation, mais la privatisation (p. 422).
Mais Revel a surtout été un formidable vulgarisateur. Et ce rôle de
diffuseur des idées libérales dans la grande presse – plutôt que dans les
cercles universitaires, explique sans doute le relatif confinement dans
lequel il est plongé depuis sa mort en 2006. Cette biographie, issue d’une
thèse de doctorat, vient à point nommé combler un certain vide.
À lire
également : Nicolas Lecaussin, « Jean-François
Revel », in M. Laine (dir.), Dictionnaire du
libéralisme, Larousse, coll. « À présent », 2012, p. 531-533.
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