Les historiens du futur, blottis
autour de leurs lampes à graisse de phoque, manteaux de laine crottés sur le
dos, pourraient se souvenir de ce mois de juin comme ayant marqué l’instant
où le Pays des Merveilles des Kardashian, aussi connu sous le nom d’Etats-Unis,
aura finalement perdu son esprit collectif.
Soumises à votre approbation,
comme avait l’habitude de le dire le grand Rod Serling (le sénateur de Twilight Zone) : les
audiences préliminaires Russie-Russie-Russie sur la Colline du Capitole !
J’ai vu venir les dernières heures de ce grand cirque quand la petite dernière
du Sénat, Kamala Harris (D-Cal), a critiqué l’avocat général Jeff Sessions
quant à ses « contacts avec des représentants russes », et a dû
être réprimandée pour son impolitesse.
Note en passant : il est
désormais illicite pour les représentants du gouvernement des Etats-Unis de s’entretenir
avec des diplomates russes. Je me demande ce qui se passerait si les
représentants d’autres nations déclaraient déplacer un entretien avec des
diplomates américains. Le Parti démocrate semble croire que le monde serait
bien mieux placé sans tous les diplomates qui encombre les capitales. La
diplomatie doit mourir ! En voilà, une idée progressiste ! Apparemment,
l’avocat général Sessions aurait répondu à Harris en soulignant que l’Union
soviétique s’est effondrée il y a près de trente ans – voilà un ton qui sent
mauvais le privilège blanc, vous ne trouvez pas ?
Et puis il y a eu le Sénateur Mark
Warner (D-Va), directeur adjoint de la Commission du Sénat pour le
renseignement, qui est venu cuisiner Sessions quant aux capacités de guerre
cybernétique de la Russie. Pardon ? Tout d’abord, n’aurait-il pas été
plus judicieux de poser la question au Secrétaire à la défense, ou à des
généraux, ou encore au directeur de la NSA ? Sait-il même où commencent
et où s’arrêtent les fonctions de l’avocat général ?
Deuxièmement, existe-t-il encore
dans ce pays quelqu’un au QI supérieur à la température ambiante qui puisse
croire que les Etats-Unis ne sont pas similairement disposés à mener une
guerre cybernétique ? Ou que les nations avancées du monde ne cherchent
pas toutes à faire intrusion dans le cyberespace des autres ? Peut-être
est-ce là une manifestation de la névrose politique mieux connue sous le nom
d’exceptionnalisme américain, de l’idée même que nous soyons si différents de
tous les autres que ces autres pourraient tout aussi bien être des extra-terrestres.
Toutes ces absurdités suggèrent
que le mème de la Russie ait perdu de son élan, et que les forces dédiées à
la destitution de Trump auront peut-être à aller chercher d’autres bases
juridiques sur lesquelles se percher. Pour l’heure, elles sont en chemin vers
la sombre forêt de l’obstruction de la justice, le Projet Blair Witch de la
sphère politique, où tout étrange assemblage de branchettes brisées est un
signe certain de la bête tapie dans l’ombre – l’endroit parfait où partir à
la chasse aux sorcières.
Je demeure persuadé qu’elles
finiront par le renverser grâce au 25e amendement, qui autorise la
suppression d’un fonctionnaire incompétent sans la comédie de procédure
établie. Il suffit que des hauts-fonctionnaires tombent d’accord sur le fait
que l’individu en question doive s’en aller, après quoi ils le font simplement
s’en aller. Voilà qui nous laisserait avec Mike Pence aux commandes, une
sorte de dame de l’Eglise transsexuelle au penchant pervers pour les frères
Koch. De quoi refaire des Etats-Unis une grande nation, et vite, je n’en
doute pas un instant…
Et il y a aussi eu la fusillade,
par un partisan de Bernie Sanders, du chef de la majorité parlementaire,
Steve Scalise, et de bien d’autres sur un terrain de balles de Virginie. Serait-il
hyperbolique de dire que cet incident ressemble à une tentative de déclencher
une nouvelle guerre civile ? Même les éléments les plus hystériques de
CNN se sont empressés d’éteindre les feux de brousse qu’ils avaient allumés
en diffusant les informations de jeudi soir depuis le terrain de balles des
Washington Nationals, où se tenait le jeu de baseball caritatif annuel du
Congrès – comme si les individus qui peuplent notre territoire pouvaient être
extirpés de leur anomie par le bruit réconfortant du bois sur du cuir de
cheval. L’été n’en est qu’à ses débuts, mais y en a-t-il encore qui auraient
plus envie de sortir danser dans les rues plutôt que d’aller se cacher dans
la poubelle la plus proche ?