En avril dernier, les traders en métaux précieux étaient comblés lorsque
la Deutsche Bank a accepté de régler un litige datant de juillet
2014, l’accusant d’avoir manipulé le cours des métaux précieux avec un consortium
de banques. Pour mémoire, en juillet 2014, des particuliers avaient accusé un
groupe de banques faisant du négoce d’argent, incluant Deutsche Bank, Bank of
Nova Scotia et HSBC (plus tard, UBS vint s’ajouter aux
défenderesses), d'avoir manipulé les prix sur ce marché
de plusieurs milliards de dollars. La plainte, déposée à New York par le
plaideur J. Scott Nicholson, un résident de Washington, D.C., accusait les
banques, en charge du "fix", vieux de cent ans, de manipuler les
marchés physiques et des contrats à terme du COMEX depuis janvier 2007. La
plainte a ensuite obtenu le statut de recours collectif. Ce fut le premier
cas à cibler le "fix" de l’argent.
Cette conspiration, qui aurait débuté en 1999, a empêché le prix de
grimper d’environ 30 milliards $ en argent et produits financiers sur
l’argent échangés chaque année, ce qui aurait permis aux banques
d’engranger des rendements proches de 100% par an, selon les plaignants.
Plusieurs personnes s’attendaient à ce que cette affaire ne débouche sur
rien et que les banques défenderesses fassent traîner les choses indéfiniment
; après tout, leurs budgets étaient beaucoup plus grands que celui des
plaignants.
C’est pourquoi nous avons été surpris d’apprendre, hier soir, que non
seulement cette poursuite pour manipulation des métaux précieux n’a pas été
balayée, mais que la défenderesse principale, Deutsche Bank, a accepté de régler le litige sur les allégations selon
lesquelles elle aurait conspiré avec Bank of Nova Scotia et HSBC
Holdings Plc pour fixer les prix de l’argent au détriment des investisseurs.
Les termes du règlement n’ont pas été rendus publics, mais l’accord inclura
un versement d'argent de la banque allemande.
Comme nous l’avions rapporté à l’époque, il est clair "qu’il n’y
aurait eu ni règlement ni paiement si les banques n’avaient rien fait de
mal..." Selon Reuters, Deutsche Bank a signé une
lettre d'intention juridiquement contraignante et négocie un
compromis. La juge new-yorkaise Valerie Caproni, qui supervise le
litige, doit toutefois encore approuver ces accords. Une
porte-parole de Deutsche Bank a refusé de s'exprimer sur le sujet. Les
avocats des investisseurs n'ont pas répondu dans l'immédiat aux demandes de
commentaires.
Ce qui est aussi remarquable est que, dans un curieux revirement, la lettre de règlement révèle que les anciens membres du
cartel de la manipulation se tournent maintenant les uns contre les
autres :
« En plus de considérations financières importantes, Deutsche
Bank a aussi accepté de coopérer avec les plaignants, en leur fournissant des
messages instantanés et autres communications électroniques, dans le cadre du
règlement. Cette coopération de la Deutsche Bank aidera
substantiellement les plaignants à tenter de faire valoir leurs réclamations
contre les défendeurs non réglés. »
C’était la dernière fois dont nous avons entendu parler de cette affaire
jusqu’à aujourd’hui, lorsque la juge Valerie Caproni a écarté UBS Group AG de
la liste des prévenus.
La juge Caproni a déclaré que cela était approprié, car rien ne démontrait
qu’elle avait manipulé les prix, même si elle en avait bénéficié. "Au
mieux, les plaignants allèguent qu’UBS a adopté une conduite parallèle en
offrant des cotations (avec les autres membres du "fix") en-deçà
des prix du marché," explique la juge dans un document de 61 pages.
Cependant, le plus important est sa décision selon laquelle les
investisseurs peuvent poursuivre la Bank of Nova Scotia (Scotiabank) et HSBC
Holdings Plc pour manipulation et infraction aux lois antitrust, ce qui ouvre
la voie aux procès pour manipulation du "fix" de l’argent.
La juge Caproni a déclaré que les investisseurs avaient suffisamment
allégué que Deutsche Bank, HSBC et Scotiabank avaient violé la loi antitrust
américaine en conspirant de manière opportuniste pour déprécier le
"fix" de l’argent de janvier 2007 à décembre 2013 :
« Les plaignants ont rempli les critères de plausibilité, mais
tout juste, concernant leurs réclamations envers la fixation des prix et la
restriction illégale de transactions, sous la Section 1, basées sur les
allégations que les membres du "fix" ont conspiré de manière
opportuniste pour faire baisser le prix entre le 1er janvier 2007 et le 31
décembre 2013. »
Qui plus est, elle a aussi déclaré :
« La requête en irrecevabilité des membres du "fix" est
ACCEPTÉE en ce qui concerne les réclamations des plaignants pour infraction
aux lois antitrust dans la fixation des prix et la restriction illégale de
transactions, à partir de la période visée par le recours collectif jusqu’au
31 décembre 2006, et du 1er janvier 2014 jusqu’à la fin de la période visée
par le recours collectif. De plus, la requête en
irrecevabilité des membres du "fix" est ACCEPTÉE en ce qui
concerne les réclamations des plaignants envers l’usage de dispositifs de
manipulation, à partir du début de la période visée par le recours collectif
jusqu’au 15 août 2011, ainsi que les réclamations des plaignants pour trucage
d’offres et enrichissement illégitime.
La requête en irrecevabilité des membres du "fix" est
REJETÉE en ce qui concerne les réclamations des plaignants pour infraction aux
lois antitrust dans la fixation des prix et la restriction illégale de
transactions, lors de la période allant du 1er janvier 2007 jusqu’au 13
décembre 2013. De plus, la requête en irrecevabilité des membres du
"fix" est REJETÉE en ce qui concerne les réclamations des
plaignants pour manipulation des prix, usage de dispositifs de manipulation
après le 15 août 2011, complicité et le fait d’avoir agi comme agent
principal. »
En résultat, « nous demandons respectueusement au Greffier de
fermer les motions ouvertes aux numéros de dossier 73 et 75. La date limite à
laquelle les plaignants doivent établir le bien-fondé d’une reprise des
plaidoiries est le 17 octobre 2016. »
Cela signifie qu’une cour fédérale américaine a jugé qu’une poursuite – la
première du genre – est fondée, et elle pourra juger les réclamations
suivantes contre HSBC et Bank of Nova Scotia :
- Usage de dispositifs de manipulation
- Trucage d’offres et enrichissement injustifié
- Fixation des prix et restrictions illégales sur les
transactions
- Manipulation des prix
- Aide, complicité et agent principal
Nous en sommes donc au début du processus de divulgation, qui révèlera
jusqu’à quel point le marché de l’argent est manipulé (il y aura,
parallèlement, une procédure en parallèle au sujet de l’or) par les grandes
banques :
« Les parties, ainsi que les parties en référence au
Commodity Exch., Inc., Gold Futures & Options Trading Litig., Nol
14-md-2548 (VEC), doivent se réunir et discuter d’un calendrier pour le
processus de divulgation et la certification d'action collective. Les
parties doivent soumettre une proposition conjointe (si possible) ou des
propositions séparées (si une proposition conjointe est impossible) d’ici le
21 octobre 2016. Dans leur(s) proposition(s), les parties
doivent décider si le processus de divulgation devrait être
consolidé avec celle de Commodity Exch., Inc., Gold Futures &
Options Trading Litig., No 14-md-2548 (VEC), et s’il devrait inclure tout
autre élément dont elles aimeraient discuter lors de la conférence qui aura
lieu le 28 octobre 2016. »
Ou peut-être que non : comme le rapporte Reuters, les investisseurs prévoient d’obtenir un
accord préliminaire concernant une indemnisation, selon ce que leur avocat,
Vincent Briganti, a déclaré mercredi. Les termes de la demande n’ont pas été
divulgués.
En tout cas, le juge a décidé que « les parties doivent
comparaître pour une conférence préparatoire le 28 octobre 2016, à 15h, dans
la salle 443 du tribunal Thurgood Marshall, 40 Foley Square, New York, NY
10007. »
Cette action en justice est une des nombreuses poursuites déposées à la
Cour fédérale de Manhattan dans lesquelles les investisseurs accusent les
banques de conspirer pour "truquer" les taux ou les prix sur les
marchés financiers et des matières premières. Grâce à ce jugement, les
supposées banques « manipulatrices » seront bien plus enclins à
trouver un accord à l’amiable que de risquer un processus de divulgation.
Ci-dessous, la poursuite dans son intégralité.
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