Au cœur de l’infinité de paradoxes
tourbillonnant actuellement autour de la gouvernance Américaine, se
cache la dure réalité que nous ne pouvons plus gérer les
choses de la même manière que nous avons pu le faire jusqu’à
présent. Aucun candidat aux présidentielles n’est assez
honnête pour aborder le sujet et tous deux agissent comme s’il
existait une multitude d’astuces permettant de soutenir
l’insoutenable.
Pour le cas de Mr. Obama, ces petites astuces consistent
à payer des sommes de monnaie illimitées aux Too Big To Fail
afin d’éviter les menaces d’effondrement qu’elles
lui soufflent à l’oreille – ce qui revient essentiellement
à un racket d’otage. Une politique de gestion de la contraction
économique et de démantèlement des banques Too Big To Fail serait certainement l’unique moyen
d’éviter un effondrement incontrôlable, mais Mr. Obama ne
semble pas prêt à faire face aux difficultés
qu’elle représenterait. Il se contente donc d’espérer
que Bernanke continuera sa politique de faibles
taux d’intérêts, de plans de sauvetages et d’achats
d’obligations auprès de ses contacts privilégiés
– un amas de bêtises si abstruses que tous les économistes
de type Paul Krugmen pourraient y
réfléchir sans cesse jusqu’à la fin des temps sans
jamais en déceler les rouages internes.
Mr. Romney favorise quant à lui une panoplie de
fantaisies sorties tout droit de la stratégie de la Chambre des
Commerces. Celles-ci pourraient permettre à toutes les
activités de statu quo, employées par les plus fortunés,
de continuer grâce aux mains invisibles d’un corporatisme
illimité si le poids des restrictions gouvernementales et de la
dilapidation de l’argent public était éliminé. Son
associé de choix, Paul Ryan, devrait représenter
l’ensemble de ces notions – en plus d’attirer des membres
du Tea Party qui n’ont pas de souhait plus
cher que de retirer les mains du gouvernement de leur assurance
médicale. De toutes les manières, les fantaisies de Mr. Romney
finiront par être si inadéquates face aux forces contractiles
qu’elles reviendront à jeter la corde de l’Histoire au
beau milieu d’un ouragan d’évènements.
Alors que la course aux élections
s’apprête à entamer son dernier tour, attendez-vous
à assister à un débat incohérent quant à
l’avenir de la nation entre ces deux candidats personnifiant les
contradictions malheureuses du public qu’ils doivent flatter. Les
fantaisies de Romney me tentent un peu plus, certainement du fait de leur
étrange dimension psychologique. Le rôle d’Obama comme
messie de la morale libérale me paraît bien trop évidente
en comparaison.
Premièrement, il y a le problème de la
famille de Romney. Son père, George Romney, faisait partie des avatars
des grosses entreprises Américaines après la seconde guerre
mondiale. Il fut PDG d’American Motors, société
automobile clownesque qui vint compléter ce que l’on appelait
alors le ‘big three’
(GM, Ford, et Chrysler). American Motors produisait des voitures de perdants,
dont le Rambler, équipées de
sièges capables de se coucher complètement en arrière
pour faire office de chambre à coucher roulante. George Romney fut
élu gouverneur du Michigan à une époque où
l’Etat croulait sous tant de revenus qu’il aurait
été très difficile de mal gouverner – bien
qu’il y mit en place les prémices d’un effondrement qui
ont laissé derrière lui un amas de rêves brisés.
Il s’est opposé à Richard Nixon aux élections
présidentielles de 1968 et devint la risée de la nation
après avoir accusé des généraux Américains
de lui avoir fait subir un lavage de cerveau afin de le pousser à
supporter la guerre du Vietnam en 1967. Ce fut là une remarque
malheureuse, prononcée trop peu de temps après la sortir du
film Le Candidat de la Mandchourie
dont l’intrigue consistait en un lavage de cerveau des
Américains par les Chinois Communistes afin de manipuler les
élections aux Etats-Unis. La partie était finie pour George.
En cette époque d’ambitions dynastiques de Kennedys, de Bushs et de Browns, voici qu’apparaît un nouveau fils
désirant prendre en charge l’ambition familiale. On pourrait
penser que le public Américain finira bientôt par être
fatigué de cette routine, si tant est qu’il soit encore ce
peuple ‘indépendant’ et ‘exceptionnel’
qu’il se dit être. Hélas, aux Etats-Unis, tout ce
qu’il reste n’est que la triste tendance humaine à
institutionnaliser la hiérarchie sociale en amplifiant la culture des
médias à large diffusion. Il semblerait que les amoureux de
liberté que nous sommes n’aspirent qu’à être
dominés par des dirigeants héréditaires.
L’arrivée d’un Mitt sur la
scène présidentielle entraînerait certainement de
nombreux bouleversements dans une nation qui ne soit pas autant sous
sédation que la nôtre.
Penchons-nous un instant sur le sujet de la fameuse foi de
Romney, sur ce conte de fées qu’est le Mormonisme. Personne
n’ose pointer du doigt les incongruités enfantines d’un
tel système – bien qu’Adam Gopnik
ait failli le faire récemment -, parce qu’il est une
règle cardinale de notre culture anémique que de
déclarer toutes les croyances comme ayant une validité
égale. Le Mormonisme est cependant une religion de choix pour tout
homme décidant aujourd’hui de dénoncer le système
d’assistance médicale qu’il soutenait lui-même il y
a quelques années en tant que gouverneur du Massachussetts.
Gardez à l’esprit que, peu importe ce
qu’il se passera sous le chapiteau du cirque politique, la
tranquillité apparente de fin d’été n’est
qu’une illusion qui finira bientôt par se dissiper.
|