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Avant que
l’homme ne lui découvre des qualités, l’argent
métallique n’était qu’une simple ressource
naturelle ayant peu d’utilité. Ses diverses expériences
avec le métal lui ont permis de l’apprécier davantage
jusqu’à l’accepter comme moyen d’échange,
c’est-à-dire comme monnaie. L’argent métallique a
servi de monnaie pendant des siècles, voire des millénaires. Ce
n’est que tout récemment qu’on l’a remplacé
par une monnaie de papier. Les gouvernements n’en sont pas à
leur première expérience avec de la monnaie fiduciaire, mais
toujours ils ont dû revenir au métal, car on ne détruit
pas une loi économique par la législation.
L’argent
comme marchandise
Une ressource naturelle disponible en quantité limitée peut
trouver, grâce à l’ingéniosité humaine, des
applications illimitées. À l'inverse, l’abondance
d’une ressource naturelle ne la rend pas utile pour autant. Bien que le
pétrole, l’aluminium, le radium et l’uranium soient
présents sous terre depuis des millions d’années, ces
ressources ne sont utilisables économiquement que depuis à
peine 150 ans. Ce n’est donc pas la rareté ou l’abondance
en soi qui donne de la valeur à la ressource, mais son utilité
en combinaison avec sa disponibilité et son
accessibilité.
Il n’en va pas autrement de l’argent métallique. Au moins
trois secteurs d’activités l’utilisent: photographie,
joaillerie/argenterie et électrique/électronique. À
l’exception du pétrole, l’argent métallique est la
marchandise qui possède le plus d’applications industrielles. Il
est nécessaire aux films, rayons X et imagerie médicale.
Malgré l’avènement du digital en photographie il ne faut pas
croire à la disparition de l’argent pour autant. Les films 35mm
sont devenus plus abordables, par conséquent plus utilisés
notamment dans les pays en voie de développement.
On se sert de l'argent comme biocide dans les salles de bains et autres lieux
propices aux germes; comme super conducteur dans la construction de trains
suspendus de façon magnétique; comme catalyseur pour
transférer la chaleur et la lumière et de plus en plus dans le
matériel électrique et électronique. Notons que dans la
très grande majorité de ses applications l’argent ne
constitue qu’une infime partie du produit fini, ce qui rend la demande
peu sensible à une augmentation de prix.
La demande d’argent est telle que les producteurs ne peuvent fournir.
Sa production est déficitaire depuis quinze ans. La différence
est comblée, en partie, par la récupération, notamment
des films recyclés. Bien que l’argent soit pratiquement
indestructible il n’est que partiellement récupérable.
L’argent est donc consommé. Malgré cela, son prix a
été maintenu artificiellement bas notamment grâce
à des «contrats à termes» (de vente)
contrôlés par une poignée de firmes. Cela est possible
pour quelques raisons: la petitesse du marché, les fausses
idées véhiculées à son sujet (abondance et
inutilité du métal) et un certain laxisme réglementaire
relativement aux autres marchés. Bien que les gouvernements aiment la
réglementation, ils préfèrent la réglementation
qui fait leur affaire(1).
Un autre facteur qui maintient bas le prix de l’argent est une pseudo
location du métal par quelques firmes. Celles-ci empruntent le
métal auprès des rares banques centrales qui en
détiennent encore un peu, pour ensuite le vendre. En principe, le
métal doit être retourné à qui de droit, mais
étant donné que les gouvernements n’ont jamais
été des plus soucieux de leurs actifs ils laissent faire. Quand
bien même les banques centrales demanderaient leur dû elles ne
pourraient en récupérer qu’une partie, car cet argent a
été consommé par l’industrie. Si elles exigeaient
le retour du métal lui-même, son prix s’enflammerait, ce
qui n’est pas nécessairement dans leur intérêt.
Elles ont donc l'habitude de chercher des ententes négociées.
Selon quelques analyses, dont celle de la Commodity Futures Trading
Commission (organisme de réglementation américain),
l’inventaire disponible d’argent est réduit à
l’équivalent de six moins de consommation(2). À cause du bas prix de
l’argent, de nouvelles technologies qui permettraient une augmentation
marquée de production semble improbable.
Ainsi, nous avons une importante réduction des stocks, une demande
plus grande que l’offre et des industriels qui risquent de commencer
à accumuler le métal pour s’assurer de ne pas en manquer.
Ces raisons devraient suffire pour prédire une hausse du prix de
l’argent, mais vous pouvez également compter sur l’aide
empoisonnée des gouvernements qui dévaluent leur monnaie,
poussant ainsi les gens à se réfugier dans les métaux
précieux pour ne pas perdre leur pouvoir d’achat.
L’argent
métallique comme moyen d’échange
Le métal blanc n’est pas uniquement l'objet d’une demande
industrielle, mais également comme monnaie. Au même titre que
l’or l’argent a de tout temps servi de monnaie, car il
possède les qualités qui lui permettent de jouer ce rôle.
Il est malléable, divisible, durable, rare, facile à entreposer
et à transporter et maintient sa valeur. Ces qualités font de
l’argent métallique un meilleur candidat, au titre de monnaie,
que l’argent de papier ayant cours légal. L’argent fiduciaire perd continuellement de sa
valeur d’échange, car il est créé à
volonté par les gouvernements. Pour cette raison, l’argent
métallique constitue une menace pour les gouvernements,
d’où l’intérêt qu’ils ont à le
dénigrer et à tenter d’en réduire le rôle
quitte à ce que cela se fasse en privilégiant les uns au
détriment des autres. Cependant, si l’argent de métal
constitue une menace pour les gouvernements il n’en est pas une pour
l’homme, de sorte que nous avons intérêt à
reprendre le contrôle de la monnaie. Tant que nous leur laisserons ce
pouvoir ils nous refileront la facture.
Voyez comment les étatistes accusent les spéculateurs,
notamment les cambistes, d’être la cause des crises
monétaires, alors que ces derniers doivent leur existence à la
monnaie fiduciaire imposée par leurs accusateurs! Dans un
régime de liberté où la monnaie est métallique,
les spéculations sur la valeur de la monnaie sont inexistantes, car
celle-ci se mesure au poids. Le ridicule ne tue peut-être pas, mais si
nous lui confions le pouvoir il nous rend tous plus pauvres.
La création massive de monnaie au cours des trente dernières
années a réduit considérablement le pouvoir
d’achat des gens. Si plusieurs ont pu profiter des conséquences
de cette inflation dans différents marchés, d’autres, de
plus en plus nombreux, en payent le prix. Cette perte de pouvoir
d’achat amènera de plus en plus de gens à échanger
leur monnaie fiduciaire pour de l’argent de métal qui, bien
qu’il ne porte pas intérêt, possède
l’énorme avantage de ne pas perdre de sa valeur.
Les gouvernements ont de tout temps tenté de réduire le
rôle du métal comme monnaie, mais jamais ils n’y sont
parvenus pour une période prolongée et toujours avec des
résultats catastrophiques. Ils empêchent le peuple de
l’utiliser comme moyen d’échange, mais continuent de
l’entreposer dans leur banque centrale. Ils nous demandent notre
confiance quant à la monnaie fiduciaire qu’ils émettent,
mais sont incapables de se faire confiance entre eux. Cependant, il n’y
a pas qu’imposture de leur part, mais également ignorance.
Octroyer le pouvoir à un ignorant n’en constitue pas moins une
grave erreur. Cela ne signifie pas qu’il faut confier le pouvoir
à celui qui prétend savoir; il faut plutôt ne pas le
confier du tout.
Un retour à une monnaie métallique est peut être plus
près que l'on pense, car les conséquences de la création
massive de monnaie fiduciaire lors des trente dernières années
ne pourront être cachées longtemps sous le tapis.
La monnaie fiduciaire
comme moyen d’échange
Le graphique ci-dessous indique la masse monétaire créée
aux États-Unis depuis 1960. La masse monétaire au Canada, en
Europe et au Japon croît sensiblement au même rythme. Les
États-Unis ne sont donc pas les seuls coupables d’inflation. La
différence notoire entre ces monnaies réside dans le fait que
le dollar américain est utilisé partout dans le monde comme
moyen d’échange.
La monnaie
fiduciaire crée une illusion de richesse, mais un endettement
réel. Les détenteurs étrangers de la dette
américaine accumulent les dollars à leur risques et
périls, car celui-ci se dévalue à vue d’oeil. Les
gouvernements pensent contrer ce mal en dévaluant leur propre monnaie,
mais ils ne font que jeter de l’huile sur le feu. Ils croient que
l’alternative de cesser d’acheter le billet vert est pire encore.
À cet égard, peut-être ont-ils raison dans la mesure
où ils rendraient alors ce mal plus apparent.
Les conséquences de l’inflation sont nombreuses et ne frappent
pas tout le monde également. Si quelques-uns en profitent le temps de
constater une hausse des prix de leurs actifs, la majorité finit par
être touchée d’une manière ou d’une autre. Il
y aura toujours des gens qui seront moins affectés que d’autres
par l’inflation, mais plus grandes seront sa durée et son
ampleur, moins de gens elle épargnera et plus graves seront ses
conséquences. Or, la création de monnaie fiduciaire depuis
l’abandon de l’étalon-or, et cela presque partout dans le
monde, est parmi les plus importantes de l’histoire.
Dans pareille circonstance, les gouvernements dévaluent leur monnaie.
Une intervention monétaire ratisse large et entraîne rapidement
d’autres interventions. Nous assistons alors à une hausse des
subventions, accusations et représailles. L’homme de
l’État a tendance à se servir de tous les pouvoirs
à sa disponibilité pour se sortir de l’impasse. La guerre
n’est jamais exclue. L’utilisation de monnaie fiduciaire ne
constitue aucunement un moindre mal. Au contraire, il s’agit d’un
pouvoir de plus, et non le moindre, entre les mains de quelques-uns.
Un des moyens de recouvrer la liberté perdue par la constante
dévaluation de la monnaie fiduciaire est de récupérer la
monnaie métallique qui a jadis été confisquée par
les hommes de l’État. Il est même possible qu’un
gouvernement donne l’exemple en faisant de l’argent
métallique la monnaie officielle. Cela ne manquerait pas de créer
des remous à l’échelle mondiale, mais pourrait
également avoir un effet domino. La Chine, le Mexique, voire toute
l’Amérique du Sud pourraient revenir à l’argent
métallique comme moyen d’échange, tandis que
d’autres pays pourraient choisir l’or. Le choix du métal a
moins d’importance que la substitution du métal à la
«monnaie de crédit».
Scénario impossible me dites-vous? Les gouvernements ont toujours
dévalués leur monnaie d’une manière ou d’une
autre et jamais une monnaie fiduciaire n’a survécu. Étant
donné que tous les hommes d’État cherchent à
garder le pouvoir ils n’auront d’autre choix que
d’envisager un retour à une monnaie métallique lorsqu'ils
verront que c'est la seule solution à la catastrophe
économique. On ne se débarrasse pas de l’or et de
l’argent métallique à coup de lois. Ces métaux
précieux ont agi à titre de monnaies durant des
millénaires et les gouvernements ne peuvent en disposer à leur
guise.
En conclusion, du strict point de vue industriel l’argent
métallique semble à deux doigts d’exploser étant
donné une réduction importante des stocks et une demande qui ne
cesse de croître. Ajoutez à cela l’insouciance et la
prodigalité des hommes de l’État et vous avez de bonnes
raisons de croire que l’argent à 5$ l’once est chose du
passé. Étant donné cet horizon économique, un retour
à une monnaie métallique, telle l’argent, est souhaitable
dans les plus brefs délais.
André
Dorais
André Dorais a étudié en philosophie
et en finance et vit à Montréal. Essai originellement
publié par Le
Québecois Libre
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