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Nous savions que la crise avait laminé les finances des Etats, de
l’économie publique et des familles. Jusque là rien de nouveau.
Mais en finance, quand quelqu’un perd, il y a automatiquement quelqu’un
d’autre qui gagne la même somme et peut-être plus. A moins qu’il ne s’agisse
de billets physiques que l’on flambe, c’est comme ça.
Nous allons donc nous intéresser aux grands gagnants de la crise
financière. S’il y en a plusieurs, voici un chiffre impressionnant qui vient
d’être communiqué:
1,4 trillions de dollars de cash dorment à l’abri dans les paradis
fiscaux (source
Oxfam).
Et à qui appartiennent donc ces océans de liquidités? Aux firmes
transnationales américaines! A quoi servent-ils? A rien. Que paient-ils comme
impôts? Rien. Est-ce légal? Oui. Est-ce immoral? Oui. Est-ce amoral? Oui.
Vous constaterez que la palme revient à Apple (181 milliards),
General Electric (119mia) ou Microsoft (109mia).
Nous avions dès juin 2015 relayé l’information selon laquelle Apple
nageait dans 194 milliards de cash qui lui posaient des soucis de gestion. (Les
banquiers centraux enfantent les concurrents des Etats: l’exemple de Apple).
Nous y avions aussi dénoncé l’exploitation d’enfants mineurs (- de 13 ans) et
la cartellisation de leur système de rémunération avec leurs collègues du
secteur…
Dans le cas de General Electric, le vice est poussé jusqu’à se faire
restituer pour 28 milliards d’impôts.
Les liquidités générées par les banques centrales
Ces trillions d’argent dormant est le fruit des politiques monétaires des
banquiers centraux. Toutes les politiques de QE et d’achats d’actions ont
généré des torrents de cash.
Vous ne serez pas étonnés d’y trouver les entités dans lesquelles
investissent vos banquiers centraux tels que Apple, Google, General Electric,
IBM. Oui, c’est normal. Leur politique monétaire qui
consiste à déverser des océans de liquidités dans le casino finissent là et
jamais au grand jamais dans l’économie publique ou réelle.
Ils ne sont pas dans le circuit réel puisque celui-ci est asséché. Les
patrons de PME/PMI, premiers employeurs locaux, qui ont des commandes
mais qui peinent au niveau de la trésorerie pourront rêver encore
longtemps de quelques miettes de cette manne permanente.
Comment peut-on avoir autant d’argent?
Voici une possible explication. Le marché des actions est survitaminé. La
capitalisation boursière est surfaite grâce aux programmes monétaires des
banquiers centraux.
Prenons l’exemple du Dow Jones. Il était à 6’600 début 2009. Il est
actuellement à … 17’493 points. Pas mal!
Il y a bien eu un petit coup de faiblesse à l’été 2011 mais l’accord de
septembre entre les grandes banques centrales qui consistait à déverser des
liquidités en échange de titres mal en point a aidé à booster le Casino
américain. La crise des liquidités des banques européennes a eu du bon
finalement.
Quel lien entre une capitalisation boursière flamboyante et les
liquidités?
La capitalisation boursière équivaut à la valeur de l’ensemble des
actions. Plus cette somme est élevée, plus la capacité d’endettement augmente.
Or, nous savons que les taux d’intérêt sont négatifs. Cela signifie que
non seulement ces entreprises ne paient pas d’impôts dans leur pays, mais
qu’elles sont payées pour bien vouloir s’endetter auprès des banques ou mieux
directement auprès des banquiers centraux qui paient les taux négatifs.
Une croissance du casino grâce à l’endettement:
Grâce à ces crédits, les banquiers commerciaux créent la monnaie
équivalente et croissent à leur tour.
L’endettement va augmenter le pot des produits dérivés hautement
spéculatifs ainsi que le trop peu connu « marché repo »,
institutionnalisé de puis fin 2011. Source: BCE –Marché euro
repo: améliorations dans la gestion des collatéraux et des liquidités(p.6)
Le casino poursuit son activité même si elle s’annonce funeste pour le
reste de la population.
La déflation pour le reste de la planète
A côté de cette euphorie sous les cocotiers, voici la masse des
populations qui compose l’humanité tout de même qui est laissée sur le
carreau. Les emplois ont été confisquées, les retraites aussi et les dépôts
bancaires ne manqueront pas de suivre.
Prenons l’exemple révoltant du peuple grec où les personnes âgées doivent
financer avec la misère qui leur reste, et ce après avoir été spoliées à tous
les niveaux (TVA augmentée, impôts revus, retraites réduites, patrimoine
collectif privatisé à bon compte, etc)…
Bref, chômage et baisse de retraites généralisés viennent
s’ajouter à l’assèchement des crédits aux PME et à ces trillions stockés de
manière stérile dans les paradis fiscaux. C’est plus qu’il n’en faut pour
créer une déflation et quand ceci dure une récession.
Les banquiers centraux, la clé de voûte
Les banquiers centraux sont la clé de voûte d’un Système qui devient une
hydre monstrueuse au fil des années.
Ils sont la courroie de transmission qui enrichit les uns et
assèchent les autres.
C’est par des transferts de capitaux, appelés investissements directs, que
les différences entre régions du monde devaient se réduire. Mais cette idée
qui aurait pu être louable à la base se transforme en pillage de toute la
planète.
En Suisse, où le processus d’investissement dans le monde avait démarré
dans les années 90 par des flux de capitaux assumés par le secteur privé,
s’est poursuivi à travers un financement massif mené par le secteur public
(bleu foncé)!
Ci-dessous le tableau des investissements directs vers et depuis
l’UE. Remarquez la place des Etats-Unis d’abord, grande gagnante du
processus et tout de suite après la place de la Suisse qui soutient le phénomène
avec l’argent public mais qui est bien en peine pour défendre sa
position dans les négociations bilatérales…
Et voici la répartition au sein de l’UE du poids des différents pays. Sans
surprise….
Nos banquiers centraux sont tout à fait conscients de ce qui se passe
puisqu’ils ont le détail de ces migrations financières. Ils font même
dans leurs statistiques la différence entre l’investisseur immédiat
(Vert)ou ultime (rouge)... En voici un exemple qui concerne les
investissements réalisés par des entreprises étrangères en Suisse:
Prenons l’exemple du Luxembourg , il est investisseur immédiat
pour 188 milliards de francs, mais ultime pour 42mia.
Le Luxembourg et les Pays-Bas sont en tête des investisseurs
immédiats en Suisse…. leur position change en tant qu’investisseurs ultimes…
Enfin, sans surprise les multinationales US sont les premiers
investisseurs ultimes en Suisse.
Le citoyen est le garant final du casino
Les crises ont permis l’accaparement de richesses illimitées
par ces firmes transnationales.
Les banquiers centraux sont absolument au courant du comportement non
citoyen de ces entreprises mais continuent de les soutenir avec les finances
publiques sans aucune contrepartie morale ou éthique….
Encore plus grave est le fait que ces entreprises qui ont oublié toute
forme de conscience humaine sont appelées à prendre le pouvoir politique en
lieu et place de celui des Etats…
Si le processus devait se poursuivre, l’esclavage reviendra. C’est une
certitude..
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