La disparition
récente de Margaret Thatcher a été l’occasion
d’exhumer un certain nombre de textes et de discours, dans lesquels
l’ancienne Prime minister défend une
vision libérale solide, en multipliant les bonnes formules et les
images marquantes.
L’une d’entre-elles
mérite d’être inlassablement
répétée : Il n’y a pas d’argent public,
il n’y a que l’argent des contribuables (« There is no such thing
as public money, there is
only taxpayers
money »). (
Ce rappel
élémentaire est en réalité fondamental car
c’est sur cette notion d’argent « public »
que repose l’essentiel du mythe de la dépense
« publique », et de la capacité de
l’État à assurer la soi-disant gratuité de tel ou
tel service.
Il n’y a
d'ailleurs pas plus de gratuité qu’il n’y a d’argent
public. Le coût du service « gratuit » a
simplement été reporté sur la dépense de
l’État, donc sur l’argent des contribuables. On devrait en
réalité parler de dépense obligatoire, et non de service
gratuit.
On entend par
exemple régulièrement qu’en France,
l’éducation est gratuite. Dans le même temps, on constate
que l’éducation nationale est le premier budget de
l’État.
C’est
ici que le rappel de Margaret Thatcher prend tout son sens :
Le premier
budget de l’État n’est pas payé par de
l’argent abstrait, qui remplirait la bourse imaginaire de
l’État Français, mais bien de l’argent pris aux
contribuables. Dans cette perspective, en France, l’éducation est
loin d’être gratuite. C’est même le premier poste de
dépense fiscale des ménages. Premier poste qui tend
d’ailleurs à être détrôné par le
remboursement des intérêts de la dette.
Effectivement,
à force de penser que l’argent est public et que la
dépense est gratuite, le déficit se creuse, et la dette
s’alourdit. Dette, qui dans la même logique, bien
qu'appelée publique, repose en réalité sur les
épaules de tous les contribuables, dans des proportions chaque jour
plus alarmantes (aujourd’hui environ 54 000 euros par contribuable).
Cette
situation aboutit à de grandes confusions. On finit par mélanger
monnaie et richesse en pensant qu'en créant de la monnaie,
l’État crée de la richesse. De même, on confond argent
gagné et argent emprunté en pensant que l'emprunt contribue
à l'enrichissement, alors que la charge des intérêts versés
au titre de la dette publique constitue un appauvrissement pour les
contribuables. Là encore,
Maggie avait une formule lapidaire : « on ne s'enrichit pas
en commandant un nouveau chéquier » (« you don’t grow richer by ordering another check book from the bank »).
Ces confusions
sont sans doute à l'origine de l'incapacité du personnel
politique et d'un certain nombre d'économistes keynésiens ou
monétaristes, à comprendre les crises en général,
et la crise qui s'étend depuis plus de cinq ans en particulier.
Ainsi, devant
l’échec de la dépense publique à susciter une
croissance durable, les gouvernements qui se succèdent apportent indéfiniment
la même mauvaise réponse : « il faut plus
d’argent public. »
Sortir de ce
mythe implique un retournement complet de perspective. Il n’y a pas de
gros « trésor » public, dont nous serions tous
plus ou moins bénéficiaires selon la prodigalité de
l’État. Il y a les richesses créées par les hommes,
et confisquées par l’impôt.
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