La
pression continue aujourd’hui à monter sur les marchés
mondiaux, alimentée par les inquiétudes et les doutes que
suscitent les situations américaine et européenne. Une formule
à modérer à laquelle nous sommes désormais
habitués et qui n’ose pas encore aller à
l’essentiel, à savoir qu’aucune issue crédible
n’est en vue.
Encore
et toujours repoussés, les problèmes restent sans
solution : résorber la dette publique supposerait de respecter un
plan de route qui se confirme être irréaliste, d’autant
que la croissance économique qui serait salvatrice reste introuvable,
comme s’il suffisait d’ailleurs de faire redémarrer un
moteur qui a calé !
Au
royaume des illusions, qui ne manquent pas, figure l’idée que
c’est en Asie que se trouve le salut.
Muni
de ce viatique et se souvenant des promesses chinoises d’acheter de la
dette européenne, faiblement concrétisées depuis lors,
Vittorio Grilli, le directeur général
du Trésor italien, a donc entamé la tournée des grands
ducs, à Hong Kong et à Singapour, afin de rencontrer des
acheteurs potentiels des obligations italiennes. La BCE ayant cessé
ses achats et le Fonds de stabilisation financière
n’étant pas encore en mesure d’accomplir sa nouvelle
mission pour s’y substituer, il y a urgence. José Manuel
Barroso, président de la Commission européenne, a jugé
« injustifiées » les tensions sur les
marchés tout en reconnaissant « la
gravité » de la situation. « Il est essentiel
d’agir rapidement en mettant en œuvre tout ce qui a
été décidé par les dirigeants de la zone
euro » en a-t-il conclu. Tout va donc s’arranger.
Dans
un tout autre domaine, mais puisant à la même source
d’inspiration, la mégabanque HSBC
continue son déploiement dans les pays émergents, en premier
lieu en Asie, prévoyant d’y embaucher 15.000 personnes au cours
des trois prochaines années, alors qu’elle a annoncé
débaucher 30.000 postes (10 % de son effectif) en Occident.
Poursuivant il est vrai deux objectifs à la fois : aller à
la rencontre des bonnes affaires sur les nouveaux marchés et diminuer
ses coûts pour mieux absorber celui qui va résulter de
l’accroissement réglementaire de ses fonds propres.
Sur
la même lancée, l’Union Bancaire Privée suisse
(UBP) vient de créer deux co-entreprises en Asie, « le
marché le plus dynamique de la finance mondiale ».
L’une à Hong Kong, l’autre à Taipei. L’UBP
est spécialisée dans la gestion de fortune.
Chacun
à leur manière, les États et les banques tendent la main
en Asie, les uns pour recevoir, les autres pour prendre. Pourtant, tout
n’y va pour le mieux.
Le
FMI vient de délivrer un satisfecit aux Chinois, saluant les
« progrès considérables » accomplis dans
la transformation de leur système financier, en vue de le faire
reposer davantage sur l’offre et la demande. Mais la rançon de
la gloire ne s’est pas faite attendre :
les engagements des banques sont colossaux, à la mesure des dettes des
collectivités locales et des grandes entreprises, comme de la bulle
immobilière. Générant une forte augmentation des prix
des produits alimentaires de base.
La
relance économique opérée dans l’urgence par les
autorités chinoises, afin de contrebalancer les pertes d’emploi
massives dans les industries exportatrices, en sont à l’origine.
Notamment par le biais d’une politique de grands travaux dont la
rentabilité à terme reste à trouver. En l’espace
d’un instant, les Chinois ont créé à leur tour une
montagne d’endettement et suscité une forte dépendance au
crédit. Voilà en réalité le résultat
salué par le FMI ! Aux prêts distribués par le
système bancaire s’ajoutent en supplément, de
manière plus souterraine, tous ceux qui sont consentis hors de ce
circuit et difficilement comptabilisables. Selon Fitch,
868 milliards d’euros seront prévisionnellement
consentis cette année par les banques, sur un total de 1.954 milliards.
La croissance chinoise est maintenue, mais sur quelles bases !
La
réorientation de l’économie chinoise vers son
marché intérieur, prévue par le plan quinquennal
2011-2015 qui a pour objectif de favoriser les dépenses des
ménages par opposition aux investissements et aux exportations, ne
connaît pas encore le commencement du début de son
exécution. De nombreux obstacles structurels et intérêts
en sont la cause.
Or,
la moindre dépendance de la Chine envers la dette américaine
– lui permettant de réorienter ses achats vers d’autres
cieux – est étroitement liée à cette
évolution de fond. Le marché américain reste le premier
débouché des produits chinois. Ce qui explique la virulence des
réactions chinoises enregistrées ces derniers jours à
propos de « l’irresponsabilité »
américaine.
Troisième
puissance mondiale, le Japon traverse de son côté une passe
très difficile. Le pays voit d’un côté ses
exportations menacées par une parité du yen par rapport au
dollar qui ne cesse de se détériorer, conséquence
directe de la faiblesse du dollar. Il en résulte, les dollars
convertis en yen, une moindre capacité du pays à financer sa
gigantesque dette, qui ne cesse de croître elle aussi. En début
de semaine, le yen était à son plus haut niveau
vis-à-vis du dollar, frisant celui qui avait été atteint
à la fin de la seconde guerre mondiale.
Il
va non seulement falloir financer le coût de la reconstruction des
zones dévastées, mais également indemniser les victimes
de la catastrophe de Fukushima. Le gouvernement vient donc de décider
de créer un fonds spécial, financé par des obligations
spéciales et dans un premier temps doté par ses soins de 18
milliards d’euros. Sur le papier, il est prévu que Tepco, l’opérateur de la centrale, prenne
à sa charge cette dette, mais c’est invraisemblable étant
donné la situation financière de l’entreprise, que le
gouvernement tient à bout de bras, la valeur de son action ayant
diminué de 80 %.
L’addition
s’alourdit. La crédibilité financière
américaine a été sauvée de justesse mais ses
performances économiques sont désormais ouvertement en
question. Les décisions du dernier sommet européen sont
déjà dépassées par les rebondissements en cours,
alors qu’elles ne sont pas encore mises en œuvre. Le Grand
Timonier chinois rencontre de plus en plus de mal à la manœuvre
et ne peut répondre à la nouvelle misère
financière du monde occidental.
À
monde globalisé, réponse globale.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
est un « journaliste presslib’ »
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