|
La France est
le pays où tout est possible. Non pas en matière de libre
entreprise, mais en matière de subvention. Aussi n’est-il pas
rare de voir des responsables de grandes entreprises françaises
réclamer leur part d’argent public et sommer le gouvernement de
faire quelque chose pour eux afin de protéger leur marché,
vendre leur produit, booster leur bénéfice. L’industrie
automobile en est un exemple.
Ainsi, le 12
juin 2012, Carlos Tavares, numéro 2 de
Renault, s’est plaint de ne plus avoir d’aides du gouvernement.
Et avec un aplomb à peine croyable pour un homme du secteur
privé, il a déclaré : « Ce que j'appellerais
de mes vœux, c'est qu'on soutienne le marché français et
européen ». En langage clair et précis,
« soutenir le marché » signifie que le
gouvernement français donne de l’argent public pour aider les
constructeurs automobiles à vendre leur voiture.
D’ailleurs,
il faut dire que le gouvernement français a été
généreux ces dernières années en mettant en place
deux subventions : la prime à la casse et le bonus-malus
écologique. L’État a déboursé pour le
premier 1 milliard d’euros entre 2009 et 2010, et pour le second 1,2 milliard
entre 2008 et 2011. Ce sont au total 2,2 milliards de subventions qui ont
été injectées dans le marché de
l’automobile. Tout cela aux
frais des contribuables français qui se retrouvaient à financer
les voitures de tout le monde sans s’en rendre compte. Voilà une
réalité rarement rappelée et pourtant tellement
basique : chaque prime, chaque bonus, chaque aide provenant de
l’État est une dépense publique effectuée avec
l’argent des français.
Les effets de
ces aides sont-ils durables sur le marché ? Les
chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis la fin de la prime
à la casse le marché s’effondre. Et le bonus-malus
écologique n’est pas aussi incitatif que la prime à la
casse auprès des clients potentiels. Dans son ensemble le
marché de l’automobile en France a connu une baisse des ventes
de 13,3%, sachant que les ventes des groupes français PSA Peugeot
Citroën et Renault ont chuté de 18% tandis que les groupes
étrangers reculaient de 6,9%. Ajoutons à cela que 15 000
emplois de l’industrie automobile disparaissent, 8 000 chez PSA
Peugeot-Citroën et 7 500 chez Renault.
C’est un
vrai sujet d’inquiétude pour les constructeurs français
d’autant plus qu’ils se trouvent pris maintenant dans un
étau. D’un côté il y a les Big
Three - GM, Chrysler et Ford – qui reprennent
des couleurs sur un marché américain qui renoue avec la
croissance : de 10,4 millions de voitures en 2009, la production est
passée à 15 millions en 2012. De l’autre
côté, il y a la Chine qui devient le premier marché
mondial automobile avec une prévision de 20 millions de voitures
produites pour 2013 et surtout des constructeurs chinois qui partent à
la conquête de marchés internationaux : la présence
du Guangzhou Automobile Group au salon de Detroit qui vient d’ouvrir
ses portes est plus que symbolique.
Devant un
marché en mutation, le retour de constructeurs qui se sont
adaptés et l’entrée en scène de nouveaux acteurs,
il est nécessaire d’avoir un vrai avantage compétitif
pour conserver ses parts de marché et en conquérir
d’autres. Malheureusement, en créant un marché soutenu
artificiellement par des primes, l’État n’a pas permis aux
entreprises automobiles françaises de se restructurer aussi
profondément qu’elles auraient pu le faire si elles avaient
été confrontées à une vraie logique de
marché. En d’autres termes, PSA et Renault n’ont pas
bénéficié de la « destruction
créatrice » résultant des périodes de crise.
Certes une partie de leur activité et de leur production aurait
peut-être disparu, mais en même temps ces constructeurs se
seraient adaptés aux réalités du marché et
auraient innové pour avoir un véritable avantage
compétitif. Mais voilà, malgré les apparences,
subvention ne rime pas avec innovation. Et l’État, en voulant
protéger son industrie automobile, l’a peut-être tout
simplement condamnée.
|
|