Le mot du jour est « moche ».
C’est ainsi que Steen Jakobsen, directeur des systèmes d’information et
économiste en chef chez Saxo Bank, décrit la campagne présidentielle
américaine, les contrats sociaux, la dette publique et la productivité.
La situation est moche, nous dit
Jakobsen, et « l’échec est presque garanti » peu importe qui est
élu.
Cet article a été rédigé par
Steen Jakobsen. La version originale est disponible ici : US Election: Nothing to lose — #SaxoStrats
Elections aux Etats-Unis :
il n’y a plus rien à perdre
Mon discours est intitulé Moche :
ne vous battez-pas contre les gens « moches », ils n’ont plus rien
à perdre.
Pour moi, c’est là l’essence
même de la campagne électorale américaine. La triste vérité qui englobe cet amas
de mensonges, c’est que celui qui finira par être élu entrera dans l’Histoire
comme le premier « non-président » - celui qui nous aura poussé à
voir, à demander et à avoir besoin d’autre chose.
Malgré les gros titres hauts en
couleurs et la façon presque Maccarthiste dont les médias grand public
traitent la personne de Trump, les élections n’auront rien à avoir avec son
personnage et avec ses opinions plus ou moins dégénérées : Trump ne
représente qu’un catalyseur du changement. Il est le candidat
anti-établissement, mais il n’est pas la vision que nous nous faisons de l’avenir.
Ultimement, Trump pourrait
encore gagner malgré (plutôt que grâce à) sa personne.
Mais cela n’excuse pas les
médias pour ne pas s’en être pris à Clinton. Si elle était élue, elle serait
la présidente la moins appréciée de l’Histoire des Etats-Unis, et je doute
que ses politiques puissent nous apporter quoi que ce soit de bon.
Le monde n’a pas besoin de plus
de politiques similaires à celles d’Obama. Il se peut qu’il ait créé des
emplois, mais les revenus moyens des Américains ont chuté sous son
administration. Qu’est-ce que cela signifie ? Obama a présidé sur une
économie qui a créé des emplois, certes, mais des emplois de moindre valeur.
Pendant son mandat, la croissance a été plus faible que sous n’importe quel
autre président. Et n’oublions pas l’accumulation de dette.
Je suis certain que même cet
économiste pourrait créer des emplois avec tout l’argent dépensé par Obama.
Politiquement parlant, je suis
agnostique à 100%. A dire vrai, je ne suis même pas certain que ces élections
aient de l’importance. Non, il n’y a pas de nouvelle tendance. Non, Clinton n’est
pas la solution. Il ne s’agit que de repositionnement générationnel et de
renégociation du contrat social.
Nous avons pour la dernière fois
traversé des évènements similaires dans les années 1960, après que les
enfants de la seconde guerre mondiale se sont tournés vers la paix, l’amour
et la drogue. C’est aujourd’hui à la génération du mur de Berlin d’ouvrir les
yeux. Et elle a décidé de se concentrer sur un sentiment anti-établissement -
et, encore une fois, vers la drogue.
Le véritable problème des
élections aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, est la gestion des contrats
sociaux qui ont été brisés. La société a été forcée si loin de son équilibre
naturel en termes de marché, d’homogénéité sociale, d’égalité et de
productivité qu’un retour à la normale impliquera un lourd prix politique et d’importantes
pénalités en termes de croissance et de perspectives d’avenir.
Pour dire les choses
différemment, lorsque nous observons le cours de l’Histoire, nous réalisons
qu’une partie du processus d’évaluation est de sentir, de ressentir et de
goûter tout ce dont nous n’avons pas besoin pour pouvoir avancer vers ce qui
importe : une meilleure version de la société, une meilleure version de
nous-mêmes.
Le cycle des prochaines
élections est un cycle de protestations, qui sera suivi d’une crise et d’un
nouveau départ.
Je crois fermement, comme je l’ai
déjà dit, que les êtres humains ont besoin d’échouer pour pouvoir changer.
Pour ce qui est de cette dynamique, la campagne électorale américaine manque
de satisfaire tous nos besoins sauf un : l’échec est presque garanti.
Si Clinton gagne, alors la
probabilité d’une récession augmentera immédiatement, et nous nous en
retournerons aux années 1970 et à une Maison blanche qui ne sera pas sans
rappeler le Politburo.
Si Trump gagne, alors nous avancerons
vers un soulèvement politique de grande ampleur à mesure que le monopole des
deux partis sur la sphère politique se transformera en un agenda social
contre la globalisation, l’ouverture des frontières et le commerce… la seule
chose qui ressortira de ce changement ne sera que le fait de changement.
Les élections à venir n’auront
pas de gagnant, uniquement des perdants – mais ne désespérez pas. Les
Etats-Unis et l’économie du monde se relèveront avec une force
impressionnante. La sphère politique est simplement en train de s’aligner au
malaise économique causé par les banquiers centraux.
La volatilité et l’incertitude
seront élevées ces neuf prochains mois (jusqu’aux élections allemandes), mais
au final, la réalité devra reprendre le dessus.
C’est là la meilleure nouvelle
de toutes. En acceptant l’idée que les contrats sociaux aient besoin d’être
corrigés, nous pourrons profiter d’une rapide reprise économique dès les
élections américaines de mi-mandat de 2018.
Les électeurs n’ont plus rien à
perdre. Ils ont soif de changement. Comprenez-le, et vous pourrez naviguer le
prochain cycle d’élections en toute confiance.
Steen Jakobsen est directeur des
systèmes d’information et économiste en chef chez Saxo Bank
Commentaires de Mish
Il suffit de retirer un seul mot
au titre pour le rendre plus correct : « l’échec est garanti »
- Les politiques
commerciales seront un échec sous Trump comme sous Hillary
- Hillary aura
bien plus de chances de déclencher une nouvelle guerre majeure
- Aucun des
candidats ne prévoit de réduire le déficit
- Hillary ne
réparera pas Obamacare, elle ne fera qu’en alourdir le fardeau
- Le Congrès
pourrait empêcher Trump de réviser Obamacare
- Hillary
soutiendra la liberté de choix, pas Trump
Pas un jeu de pile ou
face
Ce n’est pas un jeu de pile ou
face. Les nominations d’Hillary à la cour suprême ne pourront qu’être des
abominations.
Pile : vous perdez. Face :
vous perdez aussi. Au point peut-être de terminer en guerre avec la Russie.
Je ne suis pas d’accord avec
Steen, qui pense que ces élections ne sont pas de grande importance. Pour
moi, elles sont cruciales, et pour plusieurs raisons – bien que je sois tout
à fait d’accord avec l’idée que nous sortirons perdants quelle que soit l’issue
du vote.
Une rapide reprise
économique ?
J’aimerais remettre en question
l’idée que nous puissions enregistrer une reprise économique rapide dès 2018.
Pourquoi ? Je doute qu’Hillary
adopte des réformes significatives. Je doute aussi que les banques centrales
décident bientôt de faire autre chose que ce qu’elles ont fait ces trois
dernières décennies.
Regardez la démographie de l’Asie
et de l’Europe. Et les bulles sur l’immobilier en Chine, au Royaume-Uni, en
Australie et au Canada.
Nous avons de gros problèmes
structurels. Le risque d’effondrement est bien réel. Comment pourrons-nous
réparer la zone euro ?
Si cette rapide reprise dépend d’un
effondrement, alors nous traverserons sans aucun doute une reprise fulgurante,
mais jusqu’où ? Et qu’adviendra-t-il des 8% de rendements estimés des
cotisations de retraite ?
C’est moche, en effet.