Vous le savez peut-être : depuis fin janvier, les entreprises ont l’obligation de faire parvenir à leurs salariés le nombre d’heures disponibles sur leur Compte Personnel de Formation, afin que ceux-ci, munis de ce nombre magique, de leur numéro de sécurité sociale, d’un brin de courage et de patience et d’une solide dose de calme, frétillant d’aise à l’idée de pouvoir enfin se former, aillent s’inscrire sur le site de Gouvernemaman qui leur expliquera bien tout comment il faut faire. Trois mois se sont écoulés, profitons-en donc pour faire un petit bilan.
Et comme prévu, avec la précision et la régularité qu’on pouvait attendre d’une nouvelle usine à gaz collectiviste, paperassière et administratophile, c’est un échec : Selon Jean Wemaëre, le président de la Fédération de la formation professionnelle, ce fameux Compte Personnel de Formation a de toutes les difficultés possibles à se mettre en place. Rooh, zut alors.
Pourtant, et comme d’habitude pour nos fins politiciens aguerris à ce genre de cascades administratives rebondissantes, ce n’était pas faute d’avoir empilé les chatons mignons, les bonnes intentions et les concepts futuristes technoïdes à pénétration marketing maximale pleins de promesse : le CPF, sur le papier et dans la loi, c’était l’assurance de la « portabilité des droits », de la « sécurisation des parcours professionnels », de la « latéralisation des potentialités salariales », du « renforcement de l’employabilité » ou de la « confrontation constructive avec la réalité ». (Attention ami lecteur, plusieurs concepts bidons se sont introduits dans cette liste. Sauras-tu les retrouver ?)
Mais voilà : plus de trois mois après, sur les 23 millions de bénéficiaires potentiels dont une grosse partie a effectivement bien été obligée de s’inscrire sur le site de Gouvernemaman, … une seule personne a pu bénéficier d’une formation. Oui. Vous avez bien lu. Une seule personne, sur 23.000.000, aura trouvé le moyen, la méthode, la petite combine ou sera parvenue à relever tous les défis que le nouveau parcours personnalisé de formation offre à ceux qui veulent se former en France dans le cadre de ce que propose l’État et ses délicieuses administrations.
On peut le dire, c’est un méga flop sans aucun calcul, un gros bide pour le ventre mou de la République, un four total, une Bérézina, un ratage complet, un Epic Fail livré en conteneurs.
Mais rassurez-vous tout de suite : devant une telle catastrophe, la trajectoire ne sera pas du tout modifiée. Ouf ! Nos administrations, Pôle Emploi et l’AFPA ne seront pas obligés de s’adapter à un changement, ce qui leur évitera un syndrome de stress post-traumatique.
En attendant, la source des petits soucis ayant conduit à ce qu’il convient bien d’appeler un nouveau Waterloo gouvernemental ressemble à s’y méprendre à celle qu’on a pu identifier pour les précédentes catastrophes réformes proposées et mises en places par le même gouvernement (et d’autres avant lui, soyons honnêtes). Eh oui : les mêmes causes débiles provocant les mêmes effets consternants, il y avait fort à parier qu’en ne changeant rien aux méthodes ridicules de « réformes », on obtienne la même chose que l’un de ces précédents échecs fumants auxquels nos politiciens nous ont déjà habitués.
Il y a bien sûr l’explication toute trouvée de l’informatique, alpha et oméga moderne des merdoiements pratiques pour camoufler l’incompétence des preneurs de décision : si quelque chose ne marche pas, c’est très sûrement et avant tout parce qu’un ordinateur, un programme ou un informaticien ont fait quelque chose de travers quelque part et non parce que le cahier des charges était flou, les responsabilités mal cadrées, les fonctionnalités demandées n’ont pas arrêté d’évoluer ou le périmètre de l’applicatif de changer. Et concrètement, on se retrouve avec près de 25 000 demandes bloquées dans la plateforme en ligne administrée par la Caisse des Dépôts. Comme c’est étonnant !
Au-delà de ce problème informatique, c’est plus généralement les problèmes habituels de mauvaise communication entre les différents organismes concernés, un grand classique de la gestion de projet interministériels ou gouvernementaux, ainsi qu’une non moins habituelle précipitation gouvernementale qui est pointé du doigt par Jean Wemaëre :
« Il y a eu un problème de transition. Le gouvernement a voulu aller très vite, mais le site internet n’était pas prêt. La précipitation a créé des ratés. »
Une unique formation dispensée dans le cadre du CPF, sur plusieurs millions d’inscrits, c’est effectivement « un raté », qui montre assez clairement qu’encore une fois, les politiciens ont choisi d’ignorer la réalité et les contraintes du réel, qui imposent parfois de prendre un peu de temps, pour décider, à l’arrache, d’un truc certes plein de bonnes intentions mais mal boutiqué. « L’intendance suivra » ? Apparemment, pas cette fois.
En outre, on ne pourra pas passer sous silence le problème de contenu des formations, majoritairement longues, diplômantes mais universitaires et donc calibrées pour des personnes sans emploi, pas du tout adaptées à la majorité des inscrits, dont l’emploi du temps chargé incite à se diriger vers des formations courtes. Comme c’est bizarre ! On dirait qu’encore une fois le Service Public n’est pas du tout un service à l’écoute de son public !
Enfin, on se devra de mentionner l’ergonomie toute particulière du site destiné à recevoir les inscriptions des détenteurs de droits. Entre la sempiternelle utilisation de codes APE/NAF que seuls Pôle Emploi et l’INSEE utilisent encore, les absences parfois troublante de liens hypertextes sur certaines listes, l’utilisation de termes obscurs (« maintenicien », par exemple), l’obligation de rentrer des critères flous dans les recherches qui débouchent sur plus de 200 résultats qui ne seront jamais montrés, le candidat à une formation est rapidement découragé.
Bien sûr, ces petits soucis provoquant ce bel échec ne seraient rien sans un versant économique joliment poivré : les entreprises du secteur de la formation ont nettement senti le passage à la nouvelle usine à gaz puisque la chute moyenne de leur chiffre d’affaires va de 15% à 20%, exactement ce dont le pays a besoin actuellement. Autrement dit, on amène doucement mais sûrement à la ruine tout un secteur de l’économie française qui s’avère pourtant crucial pour relever le pays. C’est stupéfiant.
À l’évidence, il va très bientôt falloir une Formation pour comprendre comment mettre à profit son Compte Personnel de Formation. Dès lors, la conclusion s’impose d’elle-même : ce pays est foutu.
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