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La monnaie de
la république de bananes américaine a connu à la fin mai
l'une de ses pires
semaines depuis des mois.
Ça fait déjà des années que les économistes
autrichiens prédisent son effondrement, compte tenu des politiques
inflationnistes de la Fed sous la gouverne d'Alan Greenspan et de Ben Bernanke, et de la précarité de cette
monnaie de papier depuis son découplage final avec l'or par le
président Nixon en août 1971. J'ai écrit un billet
là-dessus il y a un an et demi (voir « L'effondrement du dollar américain
»).
Alors que la
crise économique s'amplifiait l'automne dernier, le dollar a pourtant
connu un regain de force, ce qui semblait contredire cette prédiction.
Les marchés financiers, qui sont composés d'individus en chair
et en os qui lisent les idioties keynésiano-monétaristes
de la presse financière et n'ont qu'une compréhension
limitée de l'économie, avaient alors décidé de se
réfugier dans cette « valeur sûre » que sont les
obligations du Trésor américain. C'est leur réflexe de
moutons chaque fois qu'on se retrouve en période d'incertitude
à l'échelle mondiale depuis des décennies.
Cette fois cependant, le scénario ne se déroule pas de la
même façon qu'à l'habitude. Depuis l'automne, le
gouvernement américain et la Fed multiplient les plans de sauvetage et
de relance en créant des quantités monstrueuses de faux
crédit. Washington a à toutes fins pratiques nationalisé
les secteurs de la finance et du prêt hypothécaire, et
achève de nationaliser le secteur de l'automobile. Son déficit
budgétaire atteint des niveaux inimaginables il y a à peine un
an, alors qu'on se surprenait déjà des déficits
gigantesques du gouvernement Bush.
La reprise par la Fed, à la mi-mai, de son programme d'achats massifs
(pour 300 milliards $) de bons du Trésor (ce qui signifie que la
banque centrale crée de l'argent à partir de rien pour financer
directement le déficit du gouvernement) a fait réfléchir
les investisseurs, qui craignent de plus en plus que ces mesures ne
mènent à une poussée inflationniste et à une
dévaluation de la monnaie. Ce programme n'en est qu'un parmi les
nombreuses interventions de la Fed, qui a acquis au cours des deux
dernières années pour des centaines de milliards de dollars
d'obligations hypothécaires et autres titres toxiques.
Les acheteurs traditionnels de la dette américaine, comme les Chinois, commencent donc sérieusement
à avoir des sueurs froides et à chercher des portes de sortie,
même s'ils poursuivent leurs achats pour éviter un effondrement
trop rapide. Dans la semaine de mai, c'est le régime de pension
sud-coréen qui a annoncé qu'il prévoyait diminuer son
portefeuille d'obligations américaines au cours des prochaines
années.
D'autres part, une série de nouvelles laissant croire que des signes
de relance se manifestent (il s'agit en fait pour la plupart de nouvelles
montrant que la situation empire moins rapidement) a poussé des
investisseurs à délaisser les obligations américaines
pour acquérir des titres présumés plus risqués
à l'étranger. C'est la bonne chose à faire, mais pour la
mauvaise raison.
Tout cela fait donc en sorte que le dollar US a atteint, fin mai, son plus
bas niveau des cinq derniers mois à l'égard des autres
principales devises. Le dollar canadien, qui se transigeait dans les 70 cents
en mars, atteint maintenant les 90 cents. Malgré son déficit
important (le ministre des Finances a annoncé à la fin du mois
dernier qu'il s'élèverait non pas à 34 mais à 50
milliards $), le Canada fait figure de havre de prudence comparé
à l'orgie de dépenses et d'interventions qu'on observe au sud
de la frontière.
Pourquoi devrait-on se préoccuper du niveau du dollar et de la demande
pour des bons du Trésor américain? Parce qu'ils sont des
indicateurs clé de l'évolution de la crise et que ce qui arrive
sur ce plan finira par avoir un impact considérable sur nos propres
vies. Pour comprendre ce qui arrive et s'y préparer.
Le
prix d'une obligation varie inversement avec l'intérêt qu'il
rapporte. Ainsi, quand la demande diminue pour les obligations, leur valeur
baisse, et le taux d'intérêt qu'elles portent augmente
proportionnellement. Cette semaine, le rendement sur les obligations à
échéance de 10 ans a ainsi grimpé jusqu'à 3,74%, ce qui
dépasse le 3% qui prévalait en mars lorsque la Fed a
annoncé son programme d'achat de bons du Trésor et son
intention d'acheter encore plus de titres hypothécaires. C'est encore
peu, mais tout de même une indication que ce programme, qui a pour but
de maintenir les taux d'intérêt très bas, ne semble pas très bien fonctionner. Pour
éviter une hausse de taux, la Fed doit donc multiplier ses achats,
c'est-à-dire injecter toujours plus de faux argent dans
l'économie.
Lorsque les marchés décideront vraiment de laisser tomber les
obligations américaines, on assistera à un enchaînement
de phénomènes dont les répercussions sont
incommensurables. Les grands investisseurs comme la Chine, le Japon et les
pétromonarchies ne peuvent se permettre de laisser tomber le dollar,
puisque la valeur de leurs avoirs en dollar s'effondrerait. Mais si plusieurs
investisseurs plus modestes, mais suffisamment importants collectivement pour
avoir un impact, finissent par totalement perdre confiance dans les
politiques de la Fed et se mettent à vendre leurs obligations, on
pourrait assister à un effet d'entraînement. Les gros seront
alors dans une position intenable: vendre tout de suite pour limiter les
dégâts, ce qui aura pour effet d'amplifier le mouvement de
chute; ou attendre en espérant le contenir et peut-être tout
perdre si les autres ne font pas de même.
Un tel mouvement entraînera un effondrement du dollar et une chute du
prix des obligations – et conséquemment une hausse des taux
d'intérêt de ces obligations. La Fed n'aura alors que deux
choix:
1)
Poursuivre sa politique inflationniste en achetant massivement des
obligations pour soutenir leur valeur et maintenir les taux bas, ce qui
entraînerait une hyperinflation et un effondrement encore plus
accéléré du dollar, le largage de l'économie
américaine par le reste du monde et une chute draconienne du niveau de
vie des Américains; ou bien
2)
Changer sa politique à 180 degrés en augmentant les taux
d'intérêt suffisamment pour ramener les investisseurs, soutenir
le dollar et contenir l'inflation, ce qui entraînerait l'échec
des plans de relance des derniers mois, une accélération des
faillites des propriétaires de maisons incapables de se refinancer
à des taux trop élevés, une hausse
accélérée du chômage, des coupures budgétaires
gigantesques par un gouvernement incapable de financer sa dette, et une
contraction subite et massive de l'économie américaine.
D'un
côté, l'équivalent d'une fuite en avant et d'une
faillite; de l'autre, l'équivalent d'une diminution draconienne de sa
consommation pour rembourser ses dettes. Il n'y a pas d'autres façons
d'échapper à un endettement massif. Dans le second cas
cependant, si on arrêtait d'intervenir et d'empêcher
l'économie de se rééquilibrer, on pourrait au moins
préparer une reprise sur des bases plus solides après une
période difficile.
La baisse des dernières semaines annonce-t-elle la phase finale de
l'effondrement du dollar? Il est toujours impossible de le
dire, mais nous en sommes certainement plus près qu'il y a un an et
demi. L'analyse autrichienne se fonde sur des tendances inévitables
à la lumière de la logique économique, mais n'est pas
une boule de cristal. Les économistes illettrés
économiques conventionnels, qui n'ont rien vu venir et qui prévoient maintenant une reprise au cours
des prochains mois parce qu'ils croient en l'efficacité des
interventions du gouvernement et de la Fed, ne comprennent cependant rien
à la logique économique et se trompent encore une fois. D'une
façon ou d'une autre, la semaine prochaine ou dans un an, les
Américains devront payer pour avoir prodigieusement vécu
au-dessus de leurs moyens depuis des décennies et avoir
bousillé les fondements de leur productivité par
l'étatisation de leur économie.
Martin Masse
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