|
L’emploi
est une source de richesse pour l’individu qui le détient, mais
il peut être aussi une source de pauvreté pour l’ensemble
d’une société. Une population qui n’a pas le choix
de payer les emplois de quelques-uns ne peut prétendre
s’enrichir par cette obligation. Il ne s’agit pas tant de
remettre en question les emplois du secteur public que leur mode de
rémunération. La légitimité d’un emploi ne
se fonde pas sur sa légalité, mais sur son respect de la
propriété. Lorsqu’on perd de vu cette
réalité, la richesse d’une société tend
à diminuer.
L’emploi
et son idéal de légitimité
|
Pour comprendre la création de richesse que procure un emploi pour
l’individu qui le possède et les consommateurs qu’il
dessert, on doit distinguer sa légalité de sa
légitimité. De manière générale, on
pourrait évoquer divers degrés de légitimité dans
la mesure où la légalité se rapproche de
l’idéal de légitimité, mais en guise de
simplicité, voire en toute rigueur, on se contentera de cet
idéal et on considérera tout le reste illégitime. Cet
idéal est de ne tolérer aucune agression entre les hommes et
conséquemment que tous les emplois soient établis non pas par
la force de la loi, mais par simple désir de servir les gens et
d’être rémunéré par eux par
l’entremise d’ententes et de contrats.
Dans la mesure
où l'on considère l’imposition comme étant une
violation de propriété et par suite une agression au sens large
– l’impôt n’a pas le consentement de chacun –,
on doit bannir toute rémunération qui utilise ce moyen. Par
conséquent, tous les politiciens et employés du secteur public
devraient modifier leur mode de rémunération, car il est
établi à même les impôts. Ils en paient, mais en
reçoivent davantage, donc ils n’en paient pas au net. La somme
qui leur reste, après les diverses déductions, constitue de
l’impôt pour le travailleur du secteur privé, bien que ce
montant ne soit pas qualifié comme tel sur le chèque de paie de
l’employé du secteur public. À partir de ce constat, on
peut mieux comprendre comment un emploi crée de la richesse pour
l’ensemble d’une société sans nuire à personne.
Emploi
établi librement vs emploi établi par la loi
|
L’emploi établi par la loi, c’est-à-dire
financé par l’impôt et relevant du secteur public ou, plus
précisément, d’un décret gouvernemental, est
peut-être plus payant que le même emploi établi librement,
mais son mode rémunératoire n’est pas pour autant
légitime. Sa légalité ne lui confère pas sa
légitimité, seulement une prépondérance
établie par la force. Afin que la loi prédominante ne soit pas
celle du plus fort, elle doit elle-même s’appuyer sur autre chose
que la menace de violence. La seule loi qui répond à ce
critère est la non-agression ou le respect de la
propriété. Dans la mesure où celle-ci est
respectée, la législation est légitime et la
rémunération de l’un contribue à
l’enrichissement de l’autre. Dans le cas contraire, la
législation est illégitime et la rémunération de
l’un s’établit sans l’accord de tous les partis
concernés, ce qui conduit à une plus grande pauvreté.
Les emplois
qui sont protégés de la concurrence peuvent être utiles,
voire nécessaires, mais la façon dont ils sont
rémunérés n’en est pas moins illégitime
puisque les contribuables sont contraints de les financer. Se contenter de
l’accord de quelques-uns pour soutirer la propriété
d’autrui est peut-être démocratique, mais certes pas
légitime. À cet égard, la majorité
démocratique s’apparente davantage à la loi du plus fort
qu’à une conception légitime de la justice.
L’emploi
établi par la loi et son inefficacité à rendre service
|
La rémunération établie par la loi n’est pas
seulement illégitime, mais également inefficace, car elle ne
permet pas d’affecter adéquatement les ressources. Celles-ci ne
peuvent l’être que dans la mesure où l’allocation
représente les choix de chacun. Or ces choix individuels ne peuvent
pas être transmis par un impôt collectif. L’impôt, en
pratique, vise un nombre important de contribuables sans égard
à la volonté particulière de chacun. La meilleure
façon de procéder à un échange, dans le but de
satisfaire ses besoins, demeure par l’offre d’un prix.
Certes, plusieurs ne
jurent que par l’imposition d’autrui pour
bénéficier soi-même des services, mais on doit
réaliser que, ce faisant, les choix sont dans l’ensemble
réduits, et là où ils sont réduits, la richesse
l’est autant. On maintient des services qui seraient modifiés
rapidement, voire abolis, si ce n’était de la trop grande
facilité à imposer et à taxer les gens. Plutôt que
d’adapter les services aux désirs des consommateurs, l’imposition
verse dans l’immobilisme. L’innovation et la création de
richesse sont réduites. Que l’on cherche la plus grande
efficacité ou la plus grande légitimité pour desservir
les gens, dans les deux cas on doit mettre de côté
l’imposition pour faire place au volontariat.
Plus de temps on mettra à distinguer l’emploi relevant de la loi
de l’emploi établi librement, plus on risque de
s’appauvrir. Il ne suffit pas de travailler pour enrichir les individus
d'une société, encore faut-il que l’emploi soit utile
à d’autres que le travailleur lui-même et, ce qui est plus
important, que personne ne soit forcé à le soutenir contre son
gré. Enrichir les uns au détriment des autres non seulement ne
crée aucune richesse, mais n’a aucun fondement moral. La
coercition, qu’elle ait ou non l’appui d’une majorité
démocratique, qu’elle soit flagrante ou établie
insidieusement dans les esprits par des arguments fallacieux, ne peut
d’aucune manière constituer le fondement d’une
société durable.
En somme, il ne faut
pas se laisser berner par les mots. Les emplois du secteur public ne sont ni
plus importants, ni plus légitimes que les emplois du secteur
privé. Tous les emplois visent à servir le public et ce
n’est pas parce que les uns sont rémunérés par
l’impôt que cela leur confère une
supériorité morale. Au contraire, la morale commence par la
non-agression et le respect de la propriété, de sorte
qu’on doit remettre en question la façon dont ils sont
rémunérés. Une rémunération établie
par l’entremise de l’impôt est non seulement
illégitime, mais inefficace, car l’impôt traduit mal,
voire pas du tout, les besoins des consommateurs, y compris ceux des plus
pauvres. La légitimité et l’efficacité vont de
pair en emploi comme ailleurs, et lorsqu’on comprend cela, on doit y
travailler pour le bénéfice de tous.
André
Dorais
André Dorais a étudié en philosophie
et en finance et vit à Montréal. Essai originellement
publié par Le
Québecois Libre
|
|