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Si l’homme aspire
à s’élever, alors il n’y a pas d’autres
moyens de s’élever que d’entreprendre, prendre des
décisions et assumer sa part du risque inhérent à la
condition humaine. A chaque secousse financière, on découvre
les mêmes peurs et les mêmes complaintes, comme si l’on
redécouvrait à chaque fois que l’homme marche
nécessairement en équilibre sur un fil ténu. Comme il ne
connait jamais l’avenir, il est obligé de spéculer. Telle
est l’aventure humaine qui peut être, à de nombreux
égards, insupportable.
Dans sa dimension économique et sociale, cette aventure humaine se
concrétise aussi dans l’entreprise. Historiquement, les pays qui
ont connu la prospérité économique sont ceux qui ont
permis le développement de l’esprit d’entreprise. Cet
« esprit » se concrétise chaque jour dans la vie des
entreprises, dans la recherche incessante de nouvelles combinaisons productives
et de nouvelles façons de répondre aux besoins des hommes. Rien
ne saurait être ici figé et acquis. Le prix de
l’énergie augmente, c’est un fait. On ne se bat pas contre
un fait au risque de se frapper la tête contre le mur. Alors il faut
modifier la manière de produire, adopter de nouvelles méthodes,
entreprendre à nouveau sur de nouvelles combinaisons de facteurs, avec
de nouveaux facteurs de production.
De ce point de vue, si la société est comparable à un
organisme vivant, les entreprises sont comme les cellules essentielles de ce
tissu social extrêmement complexe et malléable : elles lui
donnent vie et vigueur, souplesse et dynamisme. L’entreprise a pour
fonction de créer plus de richesses (output) qu’elle n’en
consomme (input), richesses sans lesquelles tout progrès
général serait bien illusoire. La création des richesses
passe avant tout par le travail des hommes et des femmes de ce pays ; et
notamment par l’accomplissement de chacun dans son travail car tous les
progrès de la science économique ne pourront jamais nous faire
oublier qu’il n’y a de richesses que dans les hommes à
condition qu’ils soient actifs et entreprenants.
Les formidables avancées technologiques, qui ont permis
d’automatiser non seulement les tâches physiques les plus
pénibles mais aussi les fonctions intellectuelles les plus
répétitives, ont montré finalement toute
l’importance des ressources humaines - et du « capital humain
» pour utiliser le langage des économistes - dans la
réussite des entreprises. Car il y a dans l’homme quelque chose
de spécifique qui ne pourra jamais être automatisé ni
banalisé et qui fait que le travail restera la source essentielle de
toute production. Ces mêmes éléments, difficilement quantifiables
et palpables, font que les relations professionnelles ne sont jamais simples
: on ne gère pas les hommes comme des machines.
Mais elles ne sont pas nécessairement conflictuelles même si les
rapports humains sont chargés de tensions inévitables.
L’entreprise est tout autant un lieu d’affrontements que de
coopérations, de compétitions que d’organisations.
C’est aussi le cas d’une famille, d’un orchestre ou de
toute autre organisation humaine. Les hommes sont toujours en interaction au
sein des entreprises, chacun étant motivé par un objectif
personnel et un objectif commun. Difficile de faire primer l’un sur
l’autre.
Et les entreprises sont en constante interaction entre elles, comme ces
interactions complexes entre les atomes qui font la matière. Mais
c’est aussi pourquoi aucune organisation ne pourra se substituer au
tissu des entreprises.
Dans son ouvrage consacré à l’entreprise, Michel
Drancourt met en évidence les conditions qui ont permis
l’existence, la création et le développement des
entreprises[1]. Pour entreprendre, il faut croire en l’avenir. De
ce point de vue, l’entreprise est un instrument contre le fatalisme. La
pénurie n’est pas une fatalité pour peu que les hommes
s’organisent, accumulent du capital et innovent. Pour entreprendre, il
faut avoir le souci de l’efficacité. Pour ce faire, la
maîtrise du temps et des coûts permet de démultiplier les
résultats. Toute l’histoire de l’entreprise est une lutte
permanente contre le gaspillage en vue d’une meilleure allocation des
ressources, que l’on sait si rares et précieuses. Pour
entreprendre, il faut avoir la liberté de disposer des
résultats de son action. L’économie
s’épanouit à mesure que la liberté progresse.
Entreprendre est une façon d’exprimer ce désir de
liberté. Enfin, la liberté n’aurait pas de sens sans la
discipline des contrats et de l’Etat de droit. Les contrats relient
les hommes au sein des entreprises et le respect de ces contrats – donc
finalement la confiance – sera la condition de la viabilité des
entreprises. De ce point de vue, le temps de travail devrait être une
affaire de contrat et non une affaire de loi.
Malgré nos nombreuses difficultés économiques, et notre
indécrottable tendance jacobine à nous tourner vers le
tout-Etat, toute l’histoire de notre pays montre que les
français sont profondément attachés à ces valeurs
positives qui expliquent les sursauts des nations et fondent la
prospérité. Pour peu qu’on les écoute, pour peu
qu’on les laisse agir, les français montrent (souvent à
l'extérieur des frontières) avec talent leur fougue
entrepreneuriale ou leur attachement à l’entreprise, à la
propriété privée et à l’innovation,
caractéristiques essentielles de nos économies contemporaines.
D’ailleurs, les termes « entreprise » et «
entrepreneurs » sont typiquement français, les Américains
parlant de « company » tandis que les Anglais utilisent le
vocable « firm ».
C’est pourquoi il faut bien leur rendre hommage de temps en temps, en
montrant un visage plus positif de l’entreprise, trop souvent
décriée comme étant un lieu d’exploitation ou de
harcèlement. Malgré la tempête en cours, n’oublions
pas que les banques sont aussi des entreprises dont l’activité
est essentielle au fonctionnement quotidien de nos économies.
[1] Drancourt M. [1998], Leçon d’histoire sur
l’entreprise de l’antiquité à nos jours,
Presse Universitaire de France, Paris.
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Jean Louis Caccomo
Chroniques en
Liberté
Jean Louis Caccomo est Docteur en sciences économiques de
l'université d'Aix-Marseille II et maître de conférences
à l'université de Perpignan. Il intervient comme expert
international dans de nombreux programmes de coopération (Maroc,
Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique, Syrie, Comores, Chine,
Canada, USA).
Les vues présentées par Jean Louis
Caccomo sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit
nécessaire de faire une mise à jour. Les articles
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