L'entreprise

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Published : May 26th, 2008
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Si l’homme aspire à s’élever, alors il n’y a pas d’autres moyens de s’élever que d’entreprendre, prendre des décisions et assumer sa part du risque inhérent à la condition humaine. A chaque secousse financière, on découvre les mêmes peurs et les mêmes complaintes, comme si l’on redécouvrait à chaque fois que l’homme marche nécessairement en équilibre sur un fil ténu. Comme il ne connait jamais l’avenir, il est obligé de spéculer. Telle est l’aventure humaine qui peut être, à de nombreux égards, insupportable.


Dans sa dimension économique et sociale, cette aventure humaine se concrétise aussi dans l’entreprise. Historiquement, les pays qui ont connu la prospérité économique sont ceux qui ont permis le développement de l’esprit d’entreprise. Cet « esprit » se concrétise chaque jour dans la vie des entreprises, dans la recherche incessante de nouvelles combinaisons productives et de nouvelles façons de répondre aux besoins des hommes. Rien ne saurait être ici figé et acquis. Le prix de l’énergie augmente, c’est un fait. On ne se bat pas contre un fait au risque de se frapper la tête contre le mur. Alors il faut modifier la manière de produire, adopter de nouvelles méthodes, entreprendre à nouveau sur de nouvelles combinaisons de facteurs, avec de nouveaux facteurs de production.



De ce point de vue, si la société est comparable à un organisme vivant, les entreprises sont comme les cellules essentielles de ce tissu social extrêmement complexe et malléable : elles lui donnent vie et vigueur, souplesse et dynamisme. L’entreprise a pour fonction de créer plus de richesses (output) qu’elle n’en consomme (input), richesses sans lesquelles tout progrès général serait bien illusoire. La création des richesses passe avant tout par le travail des hommes et des femmes de ce pays ; et notamment par l’accomplissement de chacun dans son travail car tous les progrès de la science économique ne pourront jamais nous faire oublier qu’il n’y a de richesses que dans les hommes à condition qu’ils soient actifs et entreprenants.

Les formidables avancées technologiques, qui ont permis d’automatiser non seulement les tâches physiques les plus pénibles mais aussi les fonctions intellectuelles les plus répétitives, ont montré finalement toute l’importance des ressources humaines - et du « capital humain » pour utiliser le langage des économistes - dans la réussite des entreprises. Car il y a dans l’homme quelque chose de spécifique qui ne pourra jamais être automatisé ni banalisé et qui fait que le travail restera la source essentielle de toute production. Ces mêmes éléments, difficilement quantifiables et palpables, font que les relations professionnelles ne sont jamais simples : on ne gère pas les hommes comme des machines.
Mais elles ne sont pas nécessairement conflictuelles même si les rapports humains sont chargés de tensions inévitables. L’entreprise est tout autant un lieu d’affrontements que de coopérations, de compétitions que d’organisations. C’est aussi le cas d’une famille, d’un orchestre ou de toute autre organisation humaine. Les hommes sont toujours en interaction au sein des entreprises, chacun étant motivé par un objectif personnel et un objectif commun. Difficile de faire primer l’un sur l’autre.
Et les entreprises sont en constante interaction entre elles, comme ces interactions complexes entre les atomes qui font la matière. Mais c’est aussi pourquoi aucune organisation ne pourra se substituer au tissu des entreprises.

Dans son ouvrage consacré à l’entreprise, Michel Drancourt met en évidence les conditions qui ont permis l’existence, la création et le développement des entreprises
[1]. Pour entreprendre, il faut croire en l’avenir. De ce point de vue, l’entreprise est un instrument contre le fatalisme. La pénurie n’est pas une fatalité pour peu que les hommes s’organisent, accumulent du capital et innovent. Pour entreprendre, il faut avoir le souci de l’efficacité. Pour ce faire, la maîtrise du temps et des coûts permet de démultiplier les résultats. Toute l’histoire de l’entreprise est une lutte permanente contre le gaspillage en vue d’une meilleure allocation des ressources, que l’on sait si rares et précieuses. Pour entreprendre, il faut avoir la liberté de disposer des résultats de son action. L’économie s’épanouit à mesure que la liberté progresse. Entreprendre est une façon d’exprimer ce désir de liberté. Enfin, la liberté n’aurait pas de sens sans la discipline des contrats et de l’Etat de droit. Les contrats relient les hommes au sein des entreprises et le respect de ces contrats – donc finalement la confiance – sera la condition de la viabilité des entreprises. De ce point de vue, le temps de travail devrait être une affaire de contrat et non une affaire de loi.

Malgré nos nombreuses difficultés économiques, et notre indécrottable tendance jacobine à nous tourner vers le tout-Etat, toute l’histoire de notre pays montre que les français sont profondément attachés à ces valeurs positives qui expliquent les sursauts des nations et fondent la prospérité. Pour peu qu’on les écoute, pour peu qu’on les laisse agir, les français montrent (souvent à l'extérieur des frontières) avec talent leur fougue entrepreneuriale ou leur attachement à l’entreprise, à la propriété privée et à l’innovation, caractéristiques essentielles de nos économies contemporaines. D’ailleurs, les termes « entreprise » et « entrepreneurs » sont typiquement français, les Américains parlant de « company » tandis que les Anglais utilisent le vocable « firm ».
C’est pourquoi il faut bien leur rendre hommage de temps en temps, en montrant un visage plus positif de l’entreprise, trop souvent décriée comme étant un lieu d’exploitation ou de harcèlement. Malgré la tempête en cours, n’oublions pas que les banques sont aussi des entreprises dont l’activité est essentielle au fonctionnement quotidien de nos économies.

[1] Drancourt M. [1998], Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’antiquité à nos jours, Presse Universitaire de France, Paris.






Jean Louis Caccomo

Chroniques en Liberté


Jean Louis Caccomo est Docteur en sciences économiques de l'université d'Aix-Marseille II et maître de conférences à l'université de Perpignan. Il intervient comme expert international dans de nombreux programmes de coopération (Maroc, Algérie, Ukraine, Thaïlande, Mexique, Syrie, Comores, Chine, Canada, USA).



Les vues présentées par Jean Louis Caccomo sont les siennes et peuvent évoluer sans qu’il soit nécessaire de faire une mise à jour.   Les articles présentés ne constituent en rien une invitation à réaliser un quelconque investissement.  L’auteur, 24hGold ainsi que toutes parties qui leur seraient directement ou indirectement liées peuvent, ou non, et à tout instant, investir ou vendre dans tous les actifs présentés dans ces colonnes. Tous droits réservés par 24hGold.






 







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Docteur en sciences économiques de l'université de la Méditerranée et Maître de conférences – HDR - à l'IAE de l'université de Perpignan. Médaille du Bibliographical Institute of Cambridge (London, 2012), il est spécialiste de croissance économique ainsi que chercheur en tourisme international et consultant pour l’Organisation Mondiale du Tourisme (Nations-Unies). Il signe des chroniques économiques dans la presse nationale (Les Echos, Le Monde, le Figaro, Economie-Matin) et internationale (l’AGEFI le quotidien suisse des finances, le Boston de Providence aux USA, le Québécois Libre à Montréal). Il anime enfin, depuis plus de 15 ans, un blog à vocation pédagogique, Chroniques en liberté, à l'attention de ses étudiants et du grand public. Ouvrages [1] Les défis économiques de l'information, la numérisation, L'Harmattan, Paris 1996. [2] L’innovation dans l’industrie du tourisme - Enjeux et stratégies. En co-écriture avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris, 2001 [3] L’épopée de l’innovation – Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris, 2005. [4] L’innovation dans l’industrie du tourisme. Enjeux et stratégie, avec B. Solonandrasana, L’Harmattan, Paris 2006. [5] Fondements d’économie du tourisme. Acteurs, marchés, stratégies. De Boeck Université, Bruxelles 2007. [6] Le modèle français dans l’impasse, Tatamis Editions, Paris 2013. [7] Histoire thématique et contemporaine des faits économiques, Ellipses, Paris 2015. [8] Analyse de la finance internationale : le grand naufrage, en co-écriture avec Faouzzi Souissi (Trader),The Book Edition, Paris 2019.
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