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Au-delà
des critiques sur la faiblesse des engagements pris lors du dernier sommet de
Terre organisé par les Nations Unis au mois de juin à Rio de
Janeiro au Brésil, ce que l’on retient, c’est le désormais
célèbre leitmotiv environnementaliste:
« sauver la planète n’a pas de prix ».
Depuis le premier sommet, organisé à Stockholm en 1972, ce
slogan s’est traduit dans les politiques publiques par une incitation
à augmenter les dépenses destinées à
protéger des écosystèmes en danger et à limiter
les différentes formes de pollution et d’émissions gaz
à effet de serre.
Il
est toutefois crucial de noter la rareté non seulement des ressources
environnementales, mais aussi des ressources qui sont employées pour
les préserver. Ainsi, il est évident que l’augmentation
des dépenses environnementales ne peut pas être une
panacée car elle conduit implicitement à diminuer le montant
d’autres dépenses : éducation, santé etc. Si
l’on écarte d’entrée de jeux
l’hypothèse plutôt naïve et simpliste selon laquelle
les dépenses publiques environnementales auraient de véritables
retombées économiques, l’on peut comprendre rapidement
que sauver la planète à un prix !
Ironiquement,
le problème vient du fait que nous ne connaissons pas exactement ce
prix. Les prix dénotent un rapport entre deux biens réellement
échangés. Or les achats et les ventes des ressources naturelles
sont souvent limités (comme dans le cas de la plupart des forêts,
montagnes et cours d’eau), sévèrement encadrés
(comme dans le cas des minerais), ou encore interdites (comme dans le cas des
océans et de l’air). Placées sous
l’étiquette « biens communs », ces
ressources ne peuvent souvent pas faire l’objet des transactions volontaires.
Mais en l’absence de véritables échanges, nous ne pouvons
pas nous attendre à avoir de véritables prix. On est donc bien
loin de la situation de « marchandisation de la
planète » habituellement dénoncée par les ONG.
Au
contraire, le malaise environnemental contemporain fait simplement écho
à la difficulté de savoir comment rationnaliser les
dépenses environnementales ou comment évaluer leurs coûts
d’opportunité. Sans le système de prix, il est
pratiquement impossible de comparer des nuisances écologiques aussi
différentes que celles crées par l’émission de
plusieurs tonnes de CO2, par la marée noire dans le Golf du Mexique ou encore par les résidus corrosifs issus du raffinage de
bauxite déversés dans le Danube.
En
outre, les prix pourraient jouer un rôle fondamental dans la
rationalisation de la consommation des ressources environnementales. Leur
raréfaction se traduirait naturellement par des prix
élevés, qui limiteraient implicitement la consommation ou
encourageraient la mise en œuvre de moyens de production
supplémentaires. Ainsi, le danger de disparition qui menace
actuellement beaucoup de poissons (comme le thon rouge) doit être
interprété comme la conséquence d’une demande
particulièrement élevée encouragée par des prix
faibles, eux-mêmes favorisés par une exploitation gratuite des
océans en tant que « biens communs ». Si en
revanche les océans étaient – comme la plupart des terres
– des facteurs de production appropriables et échangeables, les
prix refléteraient plus exactement leur rareté.
Donc,
lorsqu’il s’agit d’agir concrètement pour
préserver les ressources naturelles, il devient crucial
d’abandonner le slogan ingénu selon lequel « sauver
la planète n’a pas de prix » et les oppositions
à la marchandisation des biens environnementaux, pour au contraire comprendre
leur prix réels. Certes, le
système des prix ne constitue probablement pas non plus une
panacée environnementale mais il constitue sans doute
l’indicateur le plus fiable dont nous disposons pour évaluer le
rapport réel entre les
intérêts de consommer et de protéger des ressources
naturelles.
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