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L’épicentre de la guerre monétaire en Asie

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Published : October 20th, 2010
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A son tour, l’Asie est atteinte par la crise, principale victime de la guerre monétaire.


Une rencontre va donc y tomber à pic, tout en ne réglant rien ! Demain lundi, à Shanghai, la Banque populaire de Chine accueillera la fine fleur des banquiers centraux sous le parrainage du FMI. Zhou Xiaochuan, gouverneur de la PBoC, et Dominique Strauss-Kahn, que l’on ne présente plus, présideront la réunion.


Actuellement théâtre principal de la guerre des monnaies, l’Asie pourrait demain se révéler être le terrain et l’occasion d’un pas en avant en vue de la réforme du système monétaire international. Cette réunion pourrait permettre d’avancer les premiers pions, à moins que tout ne soit que plans sur la comète, dans un horizon totalement bouché.


En tout état de cause, nul ne doute que la réflexion se focalisera sur les prochains petits pas qui pourraient être ultérieurement accomplis, ceux-là mêmes que les dirigeants chinois affectionnent et n’ont cessé d’effectuer, mais en y associant dorénavant la région… et le FMI, qui ne voudrait pas être écarté de la partie.


Les achats chinois de terres agricoles, ainsi que leurs investissements dans les ressources minières et l’énergie, avec comme objectif commun de garantir leurs approvisionnements, sont bien connus. Leur accord dans le transport maritime avec le gouvernement grec n’est pas passé inaperçu. Mais leurs percées dans le domaine monétaire ont été masquées par les passes d’armes incessantes qui les ont opposés aux Etats-Unis. Elles ne sont d’ailleurs pas près d’être finies : en août dernier, le déficit commercial américain avec la Chine est de nouveau monté, pour atteindre 28 milliards de dollars en données brutes.


Dans un premier temps, des accords bilatéraux à la portée immédiate plus symbolique qu’autre chose ont été multipliés, afin que les relations commerciales entre la Chine et les pays en bénéficiant soient effectuées dans les monnaies des deux parties, excluant donc le dollar ou même l’euro. Il est attendu qu’ils prennent de l’ampleur dans le cadre du développement des relations Sud-Sud (à l’image du commerce sino-brésilien).


D’autres mesures plus techniques ont ensuite été adoptées : la banque centrale de Malaisie a pu acheter des obligations chinoises libellées en yuan. Des entreprises étrangères ont été autorisées à émettre des obligations dans la monnaie chinoise. Les régions et entreprises nationales ont obtenu des possibilités accrues d’utiliser le yuan pour effectuer leurs achats à l’étranger. Enfin, Clearstream – l’une des deux chambres de compensation européennes – a ajouté le yuan à la liste des devises de règlement dans laquelle elle intervient.


Puis, la guerre des monnaies a commencé, bouleversant le paysage. Affectant particulièrement l’Asie. En raison à la fois de l’appréciation du yen japonais et de la bataille qui s’est engagée à coup d’interventions monétaires du Japon et de la Corée du Sud, deux pays exportateurs en concurrence sur les marchés et confrontés au même problème. Tandis que Singapour affecte de rester les bras croisés, la Thaïlande intervient à son tour pour tenter de limiter l’afflux des capitaux étrangers. Ici ou là, des mesures réglementaires de contrôle des capitaux sont prises.


Le fonctionnement du marché monétaire asiatique correspond de moins en moins aux canons de la théorie. Impliquant qu’il faut changer de canons ou faire parler la poudre. Sans surprise et par défaut, la seconde option a été choisie.


Des chiffres assez extravagants circulent à propos de l’invasion des capitaux étrangers, qui s’amplifie d’année en année. L’Institute for International Finance, association des mégabanques et lobbyiste patenté de celles-ci, estime que les pays émergents devraient dans leur ensemble être inondés de 825 milliards de dollars net en 2010, contre 581 milliards en 2009. Sur ce montant, l’Asie recevrait environ 343 milliards cette année, contre 337 l’an dernier.


La ruée de ces capitaux est génératrice de grands déséquilibres, à l’origine d’importantes bulles financières sur les marchés des actions et de l’immobilier. L’ascension des valeurs boursières se fait parallèlement à celle des cours des monnaies. Certains ont tenté de faire porter sur les seuls Chinois la responsabilité du déclenchement des hostilités. Pourtant, c’est la ruée des capitaux vers les pays émergents qui joue un rôle déterminant dans le dérèglement monétaire qui a dégénéré.


Les banques centrales asiatiques sont coincées dans une contradiction, tentées d’augmenter leur taux pour lutter contre l’inflation mais craignant d’attirer ainsi encore plus de capitaux. Il n’y a pas que les pays exportateurs qui sont donc affectés par la guerre des monnaie : elle est généralisée à tous.


Les conséquences de l’affaiblissement du dollar ne s’arrêtent pas là. En Asie, comme dans les autres pays émergents, il joue un rôle qui va au-delà de son poids dans les échanges commerciaux internationaux, encore dominant. En raison de la dollarisation des économies, qui s’illustre par le poids qu’il possède également dans les échanges économiques internes, se substituant à des monnaies locales faibles et soumises à de fréquents accidents de parcours. Dans de nombreux pays asiatiques, le dollar circule autant en interne que la monnaie locale.


L’affaiblissement continu du dollar conduit désormais à une amorce de dé-dollarisation de l’économie, la confiance dans celui-ci s’affaiblissant. La fin de l’asservissement au dollar – qui jouait un rôle stabilisateur – impliquant de trouver à terme un nouveau mécanisme de remplacement.


L’emprise sur le déclin du dollar est donc multiple. Jouant un rôle destiné à continuer de décroître dans les échanges internationaux, stabilisateur monétaire interne amené à ne plus remplir cette fonction. Sa faiblesse contribuant par ailleurs à la dévalorisation des réserves des banques centrales, au fur et à mesure qu’elles en achètent afin de lutter contre l’appréciation de leur monnaie. Tout cela tend irrévocablement vers sa fin.


L’édifice est chancelant et doit être reconstruit sur de nouvelles bases, mais lesquelles ? Une base d’appui existe déjà en Asie. C’est L’initiative de Chiang Mai, du nom des accords passés entre les dix pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN), la Chine, le Japon et la Corée du Sud.


Il s’agit d’un réseau d’accords bilatéraux d’échanges monétaires (swaps) entre les signataires, progressivement mis en place à la suite de la crise financière asiatique de 1997. En 2009, d’après Bloomberg, exprimés en dollars américains, ils contribueraient ensemble à la constitution d’une réserve de change globale de 4.100 milliards. Une énorme force de frappe potentielle.


Ces accords sont l’ébauche d’un fonds monétaire régional, concrétisation asiatique de celui que le FMI voudrait susciter dans toutes les régions du monde, afin de démultiplier ses moyens d’action dans un contexte qui en laisse présager la nécessité. Un fonds monétaire à la formation duquel les américains se sont jusqu’alors opposés, de peur de ne pas le contrôler, et dont la naissance reste toujours très problématique.


Il est peu probable que ce chiffon rouge soit agité à Shanghai, tout du moins depuis les tribunes. Seul l’examen des « politiques prudentielles » est officiellement à l’ordre du jour. Mais le FMI nous a depuis quelque temps habitué à profiter de rencontres organisées sous des prétextes plus ou moins anodins pour en réalité discuter discrètement de plans pour l’avenir sur les sujets qui fâchent, sans que cela mange trop de pain. Leur concrétisation dépendant ensuite d’une opportunité favorable.


Afin d’arrondir les angles – seul objectif tenable dans l’immédiat – les ministres des finances du G20 se réuniront les 22 et 23 octobre prochains : cela sera la dernière station avant le désert – celui que le G20 va donner à contempler, faute de décisions concrètes pour désamorcer la guerre monétaire. Car ses organisateurs sud-coréens ont commencé à préparer le terrain en faisant savoir qu’il ne fallait pas s’attendre à des miracles. Non sans humour, ils annoncent déjà un communiqué final « riche en vocabulaire » ! Ils connaissent leur monde.


C’est à Washington, et nulle part ailleurs, que la décision essentielle devrait être prise. Les 2 et 3 novembre prochains, à l’occasion de la réunion du Comité de politique monétaire de la Fed et au nez et à la barbe du G20. Ce sera probablement celle de l’escalade.


La perspective d’une remise sur ses pieds du système monétaire international va s’éloigner dans le lointain et la guerre monétaire s’en trouver intensifiée. Chacun s’employant simplement à ne pas aller trop loin dans les paroles. Son issue devient plus improbable, tout comme l’est celle de la crise financière et économique.


La crise est devenue à la fois globale et mondiale, c’est tout ce qui peut être constaté. Dans sa nouvelle mise en scène, le G20 va faire la démonstration de son impuissance en tentant de meubler ses silences. La lente chute de l’Empire américain a libre cours pour continuer d’imposer son rythme à la crise et entraîner le reste du monde avec elle.



Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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