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L’Epreuve du feu

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Paul Jorion.
Published : March 29th, 2010
1604 words - Reading time : 4 - 6 minutes
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)


La Grèce devrait, au cours de la semaine qui vient, lancer un emprunt de 5 milliards d’euros sur les marchés. Le taux de l’obligation grecque à 10 ans s’étant détendu vendredi, à 6,193% contre 6,246% la veille, la question est posée : quel taux va devoir être consenti à cette occasion ? Cela va être sans tarder l’épreuve du feu pour l’accord financier des 16 de la zone euro. Dans le cas ou cette annonce ne serait qu’un ballon d’essai, l’objectif poursuivi par le gouvernement grec serait le même: mettre au pied du mur ses partenaires de la zone euro.

Les rendements restant à un niveau proche, va-t-il alors être considéré par les 15 autres pays membres de la zone euro que ces conditions financières justifient (ou non) l’activation du plan de soutien financier adopté en fin de semaine, afin que la Grèce ne soit pas à nouveau dans l’obligation de faire appel aux marchés ? L’ambiguïté qui a présidé à l’accord de compromis à propos de ce plan va devoir alors être levée, avant tout du côté allemand, risquant de faire l’objet d’une bataille d’interprétation sur le sens (dans le texte anglais) de « insufficient market financing » (conditions de marchés insuffisantes)…

A vrai dire, une autre divergence d’interprétation de l’accord est immédiatement apparue, à peine était-il signé, à l’occasion de la traduction par l’anglais « governance » du français « gouvernement » figurant dans le texte de l’accord. Joliment qualifié par le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, de « traduction asymétrique », cet écart sémantique est lourd de conséquences quant à la portée de ce qui a été par ailleurs qualifié, plus modestement, de « coordination économique » européenne.

Les diplomates, comme chacun sait, sont plus à cheval sur les mots que sur les principes, bien qu’ils se drapent volontiers dedans ! Les politiques, eux, savent les solliciter afin de valoriser leur rôle et revendiquer leurs victoires.

Comme il était prévisible et pour confirmer qu’il n’y a pas grand chose derrière ces mots, le sommet des chefs d’Etat a bâclé sa copie sur le sujet qui avait justifié sa convocation : la « stratégie 2020 », selon l’étiquette qui a été collée sur cinq objectifs à atteindre à cette échéance. Si trois d’entre eux ont été formellement adoptés – un niveau d’investissement en recherche et développement, un taux minimum d’emploi des 20-64 ans et une réduction des émissions de gaz à effet de serre – un accord n’a pas pu être trouvé sur les deux autres, en matière de pauvreté et d’éducation.

Avant de discuter de la pertinence et de la crédibilité des objectifs retenus, on peut se demander si la démarche péniblement engagée est à la hauteur de la crise que nous connaissons et si l’exercice n’est pas par trop formel. Se fixer des objectifs à dix ans est pour le moins présomptueux et vain alors que l’Union européenne risque de replonger dans la récession.

Ce ne sont pas les prévisions britanniques qui peuvent à cet égard inciter à l’optimisme et accréditer l’idée que les objectifs adoptés sont crédibles, pas plus que l’on été ceux de la précédente « stratégie de Lisbonne », adoptée en 2000 et dont les objectifs n’ont pas été accomplis. En pleine campagne électorale, Alistair Darling, le chancelier britannique, vient d’annoncer une croissance de 1 à 1,5% du PIB pour 2010, qui bondirait à 3 à 3,5% en 2011. Son optimisme de circonstance a été immédiatement tempéré par son propre secrétaire d’Etat au commerce, Mervyn Davies, qui a refusé d’exclure un retour temporaire à la récession et a insisté sur le fait que la croissance ne serait pas « forcément en ligne droite ». Alistair Darling reconnaissant que des « secousses » étaient inévitables.

En attendant que ces prévisions se réalisent ou non, de nombreuses voix se sont déjà élevées afin de conjurer la crainte d’une contagion de la crise grecque au sein de la zone euro. Jean-Claude Juncker, chef de file de l’eurogroup, a déclaré en sortie du sommet que « Il n’y a pas de pays qui soit dans une situation comparable à celle de la Grèce ». Il avait été précédé, dès jeudi soir, par Herman Van Rompuy, qui avait estimé que les situations de la Grèce et du Portugal n’étaient « pas comparables du tout ».

Il est clair qu’en rester là serait souhaitable, non seulement pour les pays qui pourraient faire les frais de cette contagion, mais pour les artisans d’un compromis politique qui aurait toutes les chances de voler en éclats, bien que présenté comme étant un mécanisme durable de solution de la crise de la zone euro. Il suffit, à cet égard, de faire les additions des besoins de financement des pays qui pourraient demander à en profiter pour reconnaître qu’elles ne seraient pas dans les moyens des Etats supposés accorder des aides bilatérales (et devant pour ce faire emprunter sur les marchés).

La participation du FMI, limitée à un tiers maximum dans l’état actuel des choses, devrait alors nécessairement croître en proportion. Pouvant même placer celui-ci dans une situation difficile, en dépit des ressources dont il dispose. Aboutissant à son intervention en lieu et place des organismes européens et au constat que la zone euro est dans l’incapacité de gérer la situation par elle-même. C’est d’ailleurs ce scénario qui a amené Jean-Claude Trichet à s’opposer en vain à la présence du FMI dans le dispositif, mais il a du capituler en rase campagne devant l’intransigeance allemande, après que ses propos ont fait subir à l’euro une sérieuse secousse sur les marchés.

Un autre aspect de l’accord, pour l’instant un peu négligé, ne va pas tarder à réapparaître : les Allemands ont la claire intention d’engager une renégociation des traités européens, afin de créer des mécanismes de contrainte et de sanction en vue d’obtenir le respect des termes et paramètres du Plan de stabilité. Dans cette perspective, ils ont déjà pris la peine de formuler un projet, celui d’un fonds monétaire européen. Sans attendre, ils avancent sur un autre de leurs projets, celui de la taxation des banques, entendant l’adopter pour l’Allemagne et proposant qu’il soit repris au sein de l’Union européenne. Ils tirent, cherchant à utiliser les leviers à leur portée, les leçons de la campagne avortée qu’ils ont initiée en faveur de l’interdiction des CDS « nus », et qui s’est déjà enlisée à Washington dans les méandres des discussions sur la régulation des produits dérivés.

On ne va pas non plus tarder à reparler de la possibilité d’exclure un pays de la zone euro, en dépit de ce qu’en pensent Jean-Claude Trichet ou Jean-Claude Junker, tous deux d’accord pour en juger l’éventualité « absurde »…

Il y a de ce point de vue une indéniable logique dans la position allemande, qui fait contraste avec la défense intransigeante des intérêts de la City par le gouvernement britannique et le silence radio des Français sur les sujets de la régulation financière, dès que l’on n’en reste pas aux effets de manche. Peut-être est-ce à mettre en relation avec l’état de son secteur bancaire, dont l’OCDE vient de souligner sans plus de précautions l’état alarmant, préconisant l’organisation de nouveaux « stress tests » de celui-ci. Ce qui n’exonérerait pas, si l’on suivait cette analyse, les banques françaises de turpitudes de même nature (si ce n’est de la même ampleur), qu’elles ont simplement su mieux masquer avec l’aval du gouvernement.

La décision de la BCE de prolonger l’assouplissement de ses règles quant à la qualité des titres acceptés en garantie des banques, en contrepartie de leur refinancement, a finalement été soulignée. Mais elle a été interprétée d’une manière restrictive, comme un soutien apporté aux banques et au gouvernement grec. Ce qui est effectivement le cas, sans toutefois oublier que cette mesure joue pour toutes les banques de la zone euro, les incitant non seulement à acheter des obligations grecques (puisqu’elles peuvent les donner sans crainte que leur notation soit abaissée en garantie à la BCE), mais leur permettant également de laisser en dépôt les gros paquets de titres de la dette souveraine qu’elles y ont déjà placé, alors qu’elles auraient étaient obligées de les récupérer. Les banques françaises et allemandes sont dans ce domaine en première ligne. Par ailleurs, ces mêmes banques, notamment les Landesbank allemandes (les puissantes banques dépendant des Länder), en très piteux état et qui se refusent à utiliser les facilités de défaisance (bad banks) proposées par le gouvernement, n’en ont pas été nécessairement mécontentes de pouvoir continuer de donner en garantie des fonds de tiroir.

Cette bonne manière de la BCE n’aura donc pas été entendue comme son auteur l’espérait. La semaine à venir risque sans plus tarder de mettre à rude épreuve le compromis boiteux qui a été passé. La Grèce reste un cas test exemplaire, bien plus qu’il n’avait pu l’être imaginé.




Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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