A
l’occasion du sommet informel de Bruxelles, et en attendant la
réunion formelle de fin juin, les contours d’un plan
A’ a minima ont pris forme sous l’impulsion de François
Hollande. Reste à convaincre un gouvernement allemand isolé et
sur la défensive qui s’y oppose catégoriquement.
Les
mesures qui sont apparues visent en premier lieu à résoudre la
crise du système bancaire, en accordant au futur Mécanisme
européen de stabilité (MES) la mission de les financer
directement, sans passer par les États, « en lien avec la BCE
» est-il précisé ; ce qui pourrait signifier qu’il
se verrait accorder une licence bancaire et pourrait se financer
auprès de la banque centrale. Avec un double objectif : renforcer les
banques qui en ont besoin et dénouer le nœud gordien. Celui-ci
les lie financièrement avec les États et s’est encore
renforcé à la faveur de leurs récentes acquisitions de
la dette souveraine.
Annoncés
par Herman Van Rompuy, et reprenant au vol les
suggestions de la BCE, différents mécanismes
d’intégration européenne seront proposés en
complément lors du sommet de juin, dont un schéma
européen de garantie des dépôts et une supervision
commune des banques (que l’on croyait assurée par
l’Autorité bancaire européenne…).
Au
chapitre de la croissance, la pression est mise sur l’émission
d’euro-obligations, à propos desquelles deux conceptions
s’affrontent : les uns en font « un élément
d’une politique de croissance », les autres « une
perspective lointaine d’intégration » a expliqué
François Hollande. En réalité, les euro-obligations
auraient pour objectif d’aplanir le marché obligataire et de
restreindre les énormes écarts de taux qui continuent de
s’amplifier. Aboutissant à diminuer le coût de la dette
pour les uns et à l’augmenter pour les autres. Ce serait une
manière de desserrer l’étau dans lequel se trouvent les
finances publiques des États qui en bénéficieraient,
sans que cela résulte d’une augmentation de leur
recettes fiscales.
On
peut s’interroger sur la portée effective de cette mesure phare,
dans le contexte de la récession qui frappe nombre d’entre eux
et qui ne serait pas corrigée pour autant. Quant à la
croissance, elle devrait résulter de mesures de
redéploiement des crédits structurels communautaires,
d’une augmentation de capital de la Banque européenne
d’investissement, et d’une manière générale
d’un appel au marché, afin de tenter de suppléer à
la grande modicité de l’effort envisagé. Par le chas de l’aiguille, on fait passer une grosse
ficelle.
Reste
le chapitre de la discipline budgétaire, qui est tactiquement
gardé pour la fin et qu’il faudra bien revoir car les
dispositions envisagées ne sont simplement pas tenables.
Les
dirigeants européens font de la politique et de la mauvaise. Ils vont
consacrer toute leur énergie à convaincre leurs
collègues allemands d’adopter ce plan A’, avec le secret
espoir que la dynamique de la crise sera leur meilleur allié. Une
stratégie de dernier recours qui a pour objet de sauver ce qui peut
l’être. On colmate mieux les trous lorsqu’ils se
révèlent dans les bilans bancaires, on tente de diminuer le
coût de la dette des pays les plus en difficulté et l’on
se prépare à étaler le calendrier de réduction du
déficit public (ou à le calculer autrement, aux choix). Autant
d’ajustements destinés à se donner des marges de
manœuvre mais qui pourraient faire durer le plaisir…
Un
double phénomène d’implosion financière est en
cours au sein de la zone euro : les capitaux extérieurs la désertent,
ne lui laissant d’autre alternative que de trouver en son sein le
financement de sa dette, tandis que celle-ci repose sur un nombre de plus en
plus restreint de pays. Si cela ne se traduit pas via des euro-obligations,
cela se manifeste au travers d’autres mécanismes de
mutualisation financière, y compris au sein de l’Eurosystème (Target 2).
Les
Allemands reculent pour mieux sauter : soit ils se résolvent à
l’éclatement de la zone euro et à ses conséquences
négatives sur leur activité économique, soit ils
assument leur part de la solidarité financière que suppose une
union monétaire. Mais cela ne réparera pas la machine pour
autant. D’autant que le sommet de fin juin s’achemine vers un
fiasco.
Et
la Grèce dans tout cela ? Les cris silencieux si lourds de sens
des indignés espagnols sont en passe d’être mal
copiés par les dirigeants européens qui pratiquent le silence
radio. Ils en conviennent pour une fois : quand on n’a plus rien
à dire, il vaut mieux se taire. Ils font donc l’impasse. Quels
préparatifs désormais revendiqués résisteront
à la secousse d’une sortie de la Grèce de la zone euro ?
La Bundesbank a jugé que « les défis posés
à l’Allemagne et à la zone euro seraient
conséquents, mais surmontables ». C’est un pari comme un
autre.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son
livre, Les CHRONIQUES
DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître.
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