Sous l’intendance de Shinzo Abe, le Japon est devenu un leader mondial en
matière de dette, de dévaluation monétaire et d’inflation. Malheureusement
pour les Japonais, l’Abénomie entraîne aussi le
Japon vers une dépression hyper-inflationniste. La première de ses trois
flèches est venue transpercer le yen et faire un trou béant dans les
portefeuilles des citoyens de son pays.
La Banque du Japon a parié
tous ses jetons sur l’hypothèse que l’inflation pourrait régler tous les
problèmes économiques du pays. Faire de la déflation l’ennemi public numéro
un est bien pratique pour un pays dont le ratio dette/PIB est le plus élevé
du monde. Afin de mettre fin à la déflation, la banque centrale a acheté 70%
des obligations japonaises nouvellement émises. Toute cette impression
monétaire a pour objectif de faire grimper les prix, et il faut dire qu’elle
a jusqu’à présent été un véritable succès. Les prix à la consommation ont
enregistré en août une hausse de 3,1% sur un an. Les prix de l’essence, de
l’électricité et de l’eau ont gagné 6,4% sur l’année. Mais à mesure que les
salaires réels continuent de baisser, les yeux du taureau restent fixés sur
la classe moyenne.
Dans l’univers absurde de l’Abénomie, où l’inflation est perçue comme la mère de la
croissance, une hausse de 3,1% de l’ICP semble insuffisante. La raison en est
que le taux de base de 1,1% est bien en-dessous du taux de base de 2% espéré.
En conséquence, et comme nous pouvions nous y attendre, les experts
économiques lobotomisés du pays tout entier appellent à davantage
d’impression monétaire de la part de la Banque du Japon.
Cette expérience du Japon avec
l’Abénomie pourrait être plus intéressante encore
si nous ne savions pas comment elle allait se terminer. Cette expérience, que
l’on appelle monétisation massive de la dette, a déjà été testée par des pays
tels que l’Allemagne de Weimar et, plus récemment, le Zimbabwe, et a eu à
chaque fois des conséquences déplorables. L’idée qu’il soit possible d’avoir
recours à l’inflation pour générer de la croissance génère des bulles sur les
obligations japonaises et les actions. La Banque du Japon ne cesse plus
d’imprimer de l’argent pour monétiser la dette de son pays et acheter des
actions. Son portefeuille d’actions est désormais estimé à 7 trillions de
yens (63,6 milliards de dollars). Et tout cela n’a rien fait pour faire
grimper le PIB réel, équilibrer les échanges commerciaux ou stimuler les
salaires réels. A dire vrai, la production industrielle a perdu 1 ,5%
sur un mois en août, et les dépenses des ménages japonais ont chuté de 4,7%.
L’économie japonaise a atteint
un point de non-retour. La Banque du Japon continuera d’imprimer des yens
jusqu’à ce que les citoyens de son pays soient incapables de supporter plus
d’inflation et demandent un changement de trajectoire. La solution qui
s’offrira alors au Japon sera de faire défaut de sa dette.
Le principal bénéficiaire de
l’Abénomie a été la valeur du dollar américain.
Mais ce ne sera pas le cas beaucoup plus longtemps. Il semblerait qu’une
divergence tranchante apparaisse entre les politiques monétaires de la Banque
du Japon et celles de la Fed. Le marché est désormais convaincu que la Fed
fera grimper les taux d’intérêt, alors que la Banque du Japon continue
d’imprimer sans vergogne. La valeur du dollar a donc fortement augmenté
vis-à-vis de celle du yen.
Le dollar grimpe parce que
beaucoup pensent, à tort, que l'économie des Etats-Unis a entamé une reprise.
Les marchés sont aussi convaincus que la Fed pourra se tirer gracieusement du
QE et qu’une transition sans turbulence vers les taux d’intérêt ne reviendra
qu’à effectuer une simple marche arrière. Mais ce ne pourrait pas être plus
dénué de réalité. L’économie des Etats-Unis est encore hautement sensible à
la moindre hausse des taux d’intérêt. C’est pourquoi le PIB était à -2,1% pour le premier trimestre de cette année. Les
obligations sur dix ans sont passées de 1,6% en mai à 3% à la fin 2013. Les
Keynésiens ont blâmé la neige pour ce premier trimestre négatif, mais la
vérité, c’est que notre économie surendettée s’effondrera dès que le coût de
service de notre dette grimpera – ne serait-ce qu’un tout petit peu.
Alors que la Fed abandonne ses
programmes de QE et prépare le marché à une hausse des taux d’intérêt,
l’indice du marché résidentiel Case-Shiller a perdu
0,5% en juillet, sa baise la plus importante enregistrée depuis novembre 2011
et un troisième déclin consécutif. Le Russell 2000 a perdu 12% depuis son
record du mois de mars, et la moitié du NASDAQ a entamé un marché baissier.
Les prix des ressources baissent à mesure que les chiffres économiques
s’affaiblissent. Les ventes de logements, l’indice manufacturier ISM, les
dépenses de construction et les commandes passées aux usines ont enregistré
des résultats inférieurs à ce qui était attendu.
L’objectif du QE était de
stimuler le marché résidentiel, le marché des actions et le marché des obligations.
Après six années d’inflation des actifs, la Fed a poussé les marchés à croire
qu’elle pourrait sortir de ces manipulations monétaires en toute impunité.
Attendez-vous donc à une chute des prix des actifs digne de celle que nous
avons vu apparaître en 2008.
Souvenez-vous que la peur
numéro un des banques centrales est la déflation. La Fed de Janet Yellen n’est certainement pas une exception, et elle fera
tout ce qui sera nécessaire pour limiter la force du dollar. C’est pourquoi
elle ne fera pas grimper agressivement les taux en 2015, et pourrait de
nouveau lancer un programme de QE dans un avenir proche.
A la manière de la Banque du
Japon, la Fed de Janet Yellen pense que l'inflation
peut mener à la prospérité. Après l’éclatement de la bulle sur les actifs et
le réengagement de la Fed, l’anémie du dollar sera enfin révélée.
Plus important encore, il est
crucial de comprendre que la valeur intrinsèque du dollar n’augmente pas. Les
taux d’intérêt réels sont toujours négatifs aux Etats-Unis, et la masse monétaire
augmente bien plus rapidement que le PIB réel. Le dollar ne fait que grimper
par rapport aux devises de pays dont les banques centrales se lance dans des
politiques de dépréciation monétaire. Et la Fed des Etats-Unis est sur le
point de se joindre à elles.
Les citoyens du japon – s’il
leur reste un quelconque revenu d’investissement – devraient vendre leur
monnaie papier et acheter de l’or. Il ne se passera pas longtemps avant que
tous ceux qui possèdent des devises fiduciaires se retrouvent forcés d’en
faire de même.