Le
sommet de Bruxelles a-t-il sauvé la Grèce ?
Pour
moi, ce sont les banques qui sont sauvées. Cela ne veut pas dire que
la Grèce ne va pas être aidée ou que l’euro ne sera
pas aidé.
Que
voulez-vous dire ?
Si
l’on regarde les mesures adoptées, on constate qu’il y a
un assouplissement des conditions dans lesquelles la Grèce doit
rembourser sa dette. Elle pourra le faire de deux manières.
D’une part, on va lui reprêter de
l’argent mais à des conditions plus faciles pour le
remboursement, avec un taux plus bas et des durées de remboursement
plus longues. D’autre part on va diminuer sa dette. On parle de «
reprofilage ».
Les
choses vous semblent aller dans le bons sens ?
Il
va y avoir des conditions plus faciles pour la Grèce. Cela ne veut pas
dire pour autant qu’elle va parvenir à s’en sortir. Car le
pays est sous le coup d’un plan d’austérité
rigoureux pour les citoyens. Cette inflexion de la stratégie
européenne était obligatoire si l’on ne voulait pas que,
après la Grèce, d’autres pays soient confrontés
aux mêmes difficultés : le Portugal, l’Irlande, etc. Il
fallait remettre les choses à plat.
N’est-il
pas question d’une sorte de « plan Marshall » ?
C’est
un bien grand mot. Il s’agit en fait des fonds structurels
européens dont la Grèce pourrait bénéficier. Car
le vrai problème des plans de rigueur c’est qu’ils tuent
toute perspective de faire de la croissance et plongent ces pays dans la
récession, ils diminuent les ressources des États et les
empêchent finalement de remplir leurs contrats. Cela les met dans la
logique d’une spirale descendante. Pour contrecarrer ce mouvement, on
va injecter un peu d’argent.
Qu’est-ce
qui est favorable aux banques finalement ?
La
première d’entre elles, la BCE a réussi à obtenir
que ce soient les États qui jouent le rôle qui est le sien. Et
plus précisément que le Fonds de stabilité
financière ait une mission élargie pour acheter à sa
place des obligations d’État. Autrement dit, ce sont les
États directement qui vont financer le rachat de la dette des
États défaillants et non la banque centrale. Les États,
ce sont les contribuables.
Ce
qui explique un rebond de toutes les bourses ?
Les
bourses sont très contentes. Et plus particulièrement les
valeurs financières, c’est-à-dire les banques, entre
autres. Les bourses réagissent favorablement car c’est une bonne
affaire pour les banques.
Concrètement
?
Parmi
les possibilités qui leur seront offertes, il va y avoir celle
d’échanger les obligations souveraines de la Grèce
qu’elles détiennent contre les obligations à plus long
terme. Cela veut dire qu’elles vont échanger des obligations qui
ont perdu 50 % de leur valeur sur le marché contre des obligations
à long terme, à 30 ans, et qui seront probablement garanties
par l’ensemble des États européens. Ce n’est pas
forcément une mauvaise affaire pour les banques.
Ce
n’est donc pas un si bon accord ?
Au-delà
des apparences qui montrent qu’il y avait une crise et qu’elle
est pour l’instant stoppée, on peut se demander si ce
n’est pas un accord en trompe-l’œil. Je ne vois pas encore
ce qui permet de dire que la crise va s’arrêter. Je crois au
contraire qu’elle va se poursuivre. Les banques sont en moins bonne
santé qu’elles ne le prétendent. Ce sommet
européen leur donne un petit coup de pouce.
Propos
recueillis par Marcel Gay
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
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