L’étalon de change-or

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New World Economics
From the Archives : Originally published December 21st, 2012
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Vous avez peut-être déjà entendu parler de l’étalon de change-or. Il est l’une des nombreuses variétés de système d’étalon or. Un étalon de change-or est un système pensé autour d’un objectif précis qu’est le maintien de la valeur d’une devise par rapport à l’or. Pour aboutir à un tel objectif, il est bien entendu nécessaire d’employer des politiques monétaires capables de fonctionner indéfiniment. Croiser les doigts et marmonner quelque chose d’incompréhensible au public ne fonctionne pas. Fixer le prix de l’or ne fonctionne pas non plus. Voici quelques-uns de mes autres articles sur le sujet écrits en début d’année :


9 février 2012: quel est le meilleur système d'étalon or qui soit?
29 janvier 2012: discussions sur les mises en application de l'étalon or 3: automaticité vs. prudence
15 janvier 2012: discussions sur les mises en application de l'étalon or 2: plus de variables
8 janvier 2012: Etude d'une série de mises en application de l'étalon or


Un étalon de change-or est un système sous lequel le gestionnaire d’une devise ne dispose d’aucune indépendance quant au chevillage de sa devise à l’or. Une devise est chevillée à une devise internationale qui elle est liée à l’or, comme l’étaient par exemple autrefois le dollar ou la livre sterling. Bien évidemment, si la livre sterling était liée à l’or et que votre devise était liée à la livre sterling, votre devise était également liée à l’or. C’est là un exemple de système d’étalon or basé sur un dispositif de caisse d’émission automatique et je ne vois rien de mal à ça. A dire vrai, un lien direct avec l’or n’est pas réellement différent d’une caisse d’émission, il nécessite simplement l’utilisation directe d’or plutôt que d’une autre devise qui y est liée.


Admettons que la livre sterling soit liée à l’or et que l’actif de réserve de référence soit l’obligation Britannique. Les banques centrales n’auraient nul besoin de détenir de l’or, mais pourraient toutefois en posséder si elles le désiraient – comme l’ont fait les banques centrales Européennes sous le système de Bretton Woods.


Un tel arrangement a de nombreux avantages. Après une guerre, par exemple, si vous ne possédiez plus beaucoup d’or, vous auriez la possibilité d’établir un système d’étalon de change-or assez rapidement sans avoir à accumuler de métal. Tous les systèmes d’étalon or ne nécessitent pas une réserve d’or relative à 100% de la masse monétaire. La raison première à cela est l’absence de profit. Gérer un système monétaire n’est pas gratuit et, sans aucun profit, un système de devises est un système perdant. La seule entité capable de gérer un système qui coûte plus qu’il ne rapporte est le gouvernement. En revanche, au cours de ces 200 dernières années, ce sont des entités privées, d’abord des banques commerciales puis les banques centrales, qui ont géré les systèmes monétaires. Il est donc dans leur intérêt de générer des profits. Pour ce faire, elles doivent détenir en tant qu’actifs de réserve des obligations et prêts porteurs d’intérêts. Plus elles disposent d’obligations, plus elles génèrent de profits. Ainsi, un système fonctionnant sans réserves d’or et soutenu à 100% par des obligations est un système profitable. Une banque centrale aurait également intérêt à rendre ses actifs de réserve indépendants du gouvernement local, tout particulièrement si ce dernier est susceptible de faire pression sur elle pour qu’elle finance ses déficits. Si une banque centrale détient l’intégralité de ses actifs de réserve sous forme d’obligations étrangères, alors elle ne possède pas d’obligations domestiques et est relativement protégée contre toute demande de son gouvernement de l’aider à ‘financer son déficit’. Les banques centrales n’auraient pas non plus besoin de s’occuper de stocker leur or, de livrer du métal physique ou de répondre à des demandes de rachat.


Le principal point faible d’un tel système est que toute devise est dépendante de la devise qui est liée à l’or. Cela n’a pas très bien fonctionné lorsque la livre sterling était liée à l’or, puisqu’elle fut dévaluée en 1914, en 1931, et de nombreuses fois après cette date. Il en a été de même avec le dollar, qui a subi des dévaluations en 1933 et 1971. Mais dans de telles situations, il n’est pas nécessaire pour une banque centrale de suivre la dévaluation de la devise de référence. En 1971, lorsque le dollar fut définitivement délié de l’or, de nombreux gouvernements prirent la décision de délier leur devise du dollar. Ils auraient pu dans le même temps établir leur propre étalon or. Mais il existe une certaine inertie inhérente à ce système, et une fois qu’une devise est liée à une devise de référence, elle est quasiment certaine de suivre ses fluctuations, d’une manière ou d’une autre.


Ce que j’essaie de dire ici, c’est qu’un étalon de change-or est un système parfaitement fonctionnel qui possède des avantages mais aussi des inconvénients, comme tout autre système. Il n’y a rien de particulier à en redire. Bien que le terme ‘étalon de change-or’ soit généralement appliqué aux années 20, ce système a été utilisé tout au long du XIXe siècle par certains gouvernements. Il est devenu plus commun après 1920, alors que les gouvernements s’affairaient à ré-établir un étalon or après l’avoir abandonné au cours de la première guerre mondiale. Que ce soit en 1914, en 1920 ou 1950, il n’a jamais existé de système qui ait pu satisfaire tout le monde. Certains gouvernements utilisaient un système d’étalon de change-or, c’est-à-dire une caisse d’émission associée à une devise de référence liée à l’or, et d’autres ont opté pour des systèmes différents.


Nous avons pu entendre des choses assez amusantes au fil des années concernant le système d’étalon or. Premièrement, certaines personnes s'imaginent que l’étalon de change-or est responsable de la Grande Dépression des années 1930.


Un système d’étalon or est quelque chose d’assez simple. Il pourrait vous causer des problèmes potentiels si la valeur de l’or changeait. Mais cela n’est pas encore arrivé - c’est pourquoi nous utilisons encore aujourd’hui l’or comme un point de référence pour les systèmes monétaires - mais c’est une hypothèse concevable. Si la valeur de l’or changeait, la valeur des devises qui y sont liées changerait également, ce qui pourrait avoir des conséquences très lourdes.


Le deuxième scénario possible serait qu’un pays n’applique pas les politiques monétaires liées à ce système de manière appropriée – en d’autre termes, qu’il mette en place une sorte de politique monétaire intérieure ou qu’il soit tout simplement incompétent – et laisse la valeur de sa devise dévier par rapport à l’or, ou à la devise de référence liée à l’or.


Ce sont les deux seuls problèmes qui pourraient survenir. Observons si un tel scénario s’est développé dans les années 1920.


La question de savoir si la valeur de l’or a fluctué de manière à avoir des effets non-négligeables sur la valeur des devises est un peu trop complexe. Je pense cette idée bien trop populaire parmi ceux qui font porter le blâme de la Grande Dépression à l’étalon or, et en grande partie infondée. Je me suis longuement penché sur la question sans jamais trouver quoi que ce soit qui ait la moindre importance. Ce qu’il s’est passé dans les années 1920, c’est que de nombreux pays, comme la Grande-Bretagne, ont à nouveau lié leur devise à l’or au taux d’avant-guerre, ce qui impliquait une déflation substantielle de leur devise de la part des gouvernements qui avaient dévalué tout au long de la guerre. Dans certains cas, comme en Grande-Bretagne, cette décision a engendré une crise. Keynes s’en est plaint, mais le problème ne venait pas d’un échec de l’or à remplir son rôle d’étalon monétaire, mais plutôt la manière dont les gouvernements ont décidé de le ré-adopter.


La question que nous pouvons donc nous poser est la suivante : ces pays ont-ils correctement géré leur devise respective en la liant à nouveau à l’or ? Pour la plupart d’entre eux, il semblerait que oui.


Alors que commençait la Grande Dépression, les Keynésiens voulaient établir une devise qu’ils pouvaient manipuler pour venir en aide à l’économie. L’étalon or fut donc accusé d’avoir empêché une telle manipulation. Il ne s’agissait pas d’un échec de l’étalon or, mais simplement d’une modification de l’objectif des politiques monétaires.


Avec ces informations en tête, observons de plus près ce qu’il s’est passé durant les années 1920, en nous appuyant sur l’ouvrage de Barry Eichergreen intitulé Golden Fetters: the Gold Standard and the Great Depression 1919-1939. Eichergreen est un Keynésien, et bon nombre de ses analyses sont selon moi assez risibles. Il n’en est pas moins que son livre recèle d’un grand nombre d’éléments historiques importants et puisse être utilisé comme source d’informations.


Dans le chapitre 13, ‘Conclusion’, Eichengreen résume ses arguments. Il commence par accuser l’étalon or d’après-guerre d’être responsable de nombreux déséquilibres régulatoires à l’échelle internationale. C’est là un argument qui a toujours été utilisé par les Keynésiens depuis David Hume, mais qui n’a en réalité aucune valeur. Les régulations internationales n’ont en effet rien à voir avec l’étalon or, qui dépend uniquement d’une bonne gestion de la masse monétaire dont toute banque centrale est capable de faire preuve sans assistance. La balance des paiements et les régulations internationales sont de faux-débats qui peuvent être réutilisés à tout moment pour servir n’importe quel dessein politique. Ils ne signifient rien du tout, mais puisque les gens n’y comprennent pas grand-chose, ils s’avèrent être des arguments plutôt convaincants.

4 avril 2012: l'étalon or et la balance commerciale


Eichengreen soulève un autre point important qui a quant à lui plus à voir avec la politique qu’avec l’étalon or.

Après la première guerre mondiale, la crédibilité de l’étalon or fut enrayée par l’érosion de l’isolation des banquiers centraux par rapport aux pressions politiques. En réponse aux expériences qu’a subies l’Europe d’après-guerre, de nombreux analystes ont développé des arguments liant des politiques monétaires restrictives au taux de chômage élevé. Bien que ces argumentations aient été différentes dans chaque pays, elles ont sensibilisé les peuples à l’impact des politiques monétaires sur les conditions économiques domestiques. Les termes ‘politiques monétaires restrictives’ font référence au processus de réévaluation de la valeur des devises à leur niveau d’avant-guerre, comme nous avons pu le voir en Grande-Bretagne. Les individus et groupes affectés par les taux d’intérêt élevés et les restrictions de crédit ont longtemps résisté à leur mise en place. L’influence politique grandissante des milieux ouvriers a largement contribué à l’adoption de politiques monétaires favorisant les objectifs d’emploi. Les déséquilibres fiscaux (déficits budgétaires des gouvernements) et l’expansion des politiques sociales ont renforcé les pressions exercées sur les décideurs politiques.


Une ombre fut ainsi jetée sur la crédibilité de l’engagement à l’or… Les marchés, plutôt que de minimiser le besoin d’intervention de la part du gouvernement, ont soumis les engagements des autorités envers l’or à de trop nombreuses épreuves.


Et aujourd’hui, c’est devenu un réel problème. Un étalon or est bien évidemment en danger lorsque les politiciens commencent à parler de leur volonté de mettre en place un nouveau système monétaire. Et que feriez-vous dans ce cas-là ? Vous prendriez vos obligations, vendriez vos devises, et partiriez vous installer ailleurs, comme le font les Grecs aujourd’hui à mesure qu’ils lisent des articles du Financial Times demandant à ce que leur pays dispose de sa propre devise qu’il puisse commencer à dévaluer dès que possible. Ce processus est souvent interprété comme un déséquilibre de balance de paiements, c’est pourquoi on en entend toujours parler lorsque les marchés privés commencent à réagir au fait que les gouvernements prennent des décisions diamétralement opposées à un système basé sur l’étalon or. C’est ce qu’il s’est produit dans les années 1960. Une fuite de capital est apparue et le maintien de l’étalon or (par le biais d’une réduction de la masse monétaire) aurait entraîné une hausse des taux d’intérêts sur le court terme. Les plus longues maturités auraient elles aussi grimpé face au risque de dévaluation. L’étalon or aurait été accusé d’être à l’origine de la hausse des taux d’intérêts. Rien de tout cela n’est particulièrement surprenant, ni n’est la preuve d’une déficience particulière de l’étalon or de l’époque. C’est exactement ce qui est supposé se produire. Peut-être les hommes politiques devraient-ils simplement éviter d’ouvrir la bouche ?


Eichenghreen développe ensuite un argument tout à fait Keynésien qui veut que l’étalon or empêche les manipulations monétaires nécessaires à la gestion des difficultés économiques.


C’est à peu près tout ce que nous pouvons dire des conclusions tirées par Eichengreen. Et il n’y a rien de particulièrement surprenant à cela. En considérant les maladresses commises par les Keynésiens et leur mauvaise compréhension de ce que sont la balance des paiements et la coopération internationale, nous n’aurions certainement pas pu nous attendre à mieux.


Malheureusement, une majorité de ceux qui défendent aujourd’hui l’or ne comprennent pas réellement ce qu’il s’est passé à l’époque. Ils entendent des critiques telles que celles d’Eichengreen et ne savent pas comment les interpréter. Plutôt que de prendre le problème à bras-le-corps – comme le fait Eichengreen – ils le fuient en répétant que l’étalon or de l’époque n’était pas très bon et souffrait de problèmes qui lui était inhérents. Leur argument semble être que les gouvernements de l’époque, ceux dont la devise était liée à une devise de référence elle-même liée à l’or, ne possédaient que très peu d’or, sinon pas du tout. Dans le monde superstitieux de ceux qui s’aventurent à parler de politiques monétaires sans réellement les comprendre, moins d’or signifie un système d’étalon or moins efficace. C’est l’une des raisons pour lesquelles, après 1971, nous avons pu entendre parler d’étalons or à 100%, ou ‘purs’, qui demandent à ce que 100% de la masse monétaire soit soutenue par de l’or, et qui aussi loin que nous le sachions n’ont jamais existé. Comme j’ai déjà pu le noter, la banque d’Angleterre a mis en place la toute première des devises de référence liées à l’or, la livre sterling, qui est restée liée dès 1914 et durant 60 ans. Les réserves d’or du pays s’élevaient à 1,5% des réserves disponibles à l’échelle de la planète. Ce système n’a pas pris fin parce qu’il n’y avait pas assez d’or, mais plutôt en raison des bouleversements nés de la première guerre mondiale. L’efficacité d’un étalon or naît de la volonté des hommes politiques de respecter leur engagement envers lui, et d’une bonne compréhension des mécanismes nécessaires à son bon fonctionnement.


Aux accusations voulant que l’étalon or des années 1920 ait causé ou exacerbé la Grande Dépression, nous entendons souvent les avocats de l’or dire que l’étalon de cette époque n’était ‘pas un très bon système d’étalon or’. A dire vrai, il était excellent. Et c’est ce que pensaient les gens de l’époque. L’étalon or des années 1920 est parvenu à maintenir son objectif de maintenir la valeur des devises par rapport à l’or. Son principal problème, du point de vue des Keynésiens, était d’avoir un objectif allant à l’encontre du leur et qui leur empêche de pouvoir manipuler les devises pour faire face aux problèmes économiques.

26 avril 2009: deux paradigmes monétaires


L’idée d’un étalon or combiné à une manipulation monétaire domestique s’est développée jusque dans les années 1950-60. Ainsi, durant une cinquantaine d’années, de 1920 à 1971, sous un système basé sur un étalon or qui n’était plus l’exemple parfait d’avant-guerre où le capital pouvait être déplacé librement, le monde a subi d’incessantes fuites de capital et de plus en plus de difficultés monétaires à mesure que les hommes politiques d’un pays ou d’un autre exprimaient leur volonté de manipuler ce qu’un étalon or est supposé protéger.


 

 

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Nathan Lewis est l'auteur de Gold: the Once and Future Money, publié par Agora Publishing et J Wiley. Il est le directeur de Kiku Capital Management.
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