Vous avez
peut-être déjà entendu parler de l’étalon de
change-or. Il est l’une des nombreuses variétés de
système d’étalon or. Un étalon de change-or est un
système pensé autour d’un objectif
précis qu’est le maintien de la valeur d’une devise
par rapport à l’or. Pour aboutir à un tel objectif, il
est bien entendu nécessaire d’employer des politiques
monétaires capables de fonctionner indéfiniment. Croiser les
doigts et marmonner quelque chose d’incompréhensible au public
ne fonctionne pas. Fixer le prix de l’or ne fonctionne pas non plus.
Voici quelques-uns de mes autres articles sur le sujet écrits en
début d’année :
9
février 2012: quel est le meilleur système d'étalon or
qui soit?
29
janvier 2012: discussions sur les mises en application de l'étalon or
3: automaticité vs. prudence
15
janvier 2012: discussions sur les mises en application de l'étalon or
2: plus de variables
8 janvier 2012: Etude d'une série de mises en
application de l'étalon or
Un
étalon de change-or est un système sous lequel le gestionnaire
d’une devise ne dispose d’aucune indépendance quant au
chevillage de sa devise à l’or. Une devise est chevillée
à une devise internationale qui elle est liée à
l’or, comme l’étaient par exemple autrefois le dollar ou
la livre sterling. Bien évidemment, si la livre sterling était
liée à l’or et que votre devise était liée
à la livre sterling, votre devise était également
liée à l’or. C’est là un exemple de
système d’étalon or basé sur un dispositif de
caisse d’émission automatique et je ne vois rien de mal à
ça. A dire vrai, un lien direct avec l’or n’est pas
réellement différent d’une caisse
d’émission, il nécessite simplement l’utilisation
directe d’or plutôt que d’une autre devise qui y est liée.
Admettons que
la livre sterling soit liée à l’or et que l’actif
de réserve de référence soit l’obligation
Britannique. Les banques centrales n’auraient nul besoin de
détenir de l’or, mais pourraient toutefois en posséder si
elles le désiraient – comme l’ont fait les banques
centrales Européennes sous le système de Bretton
Woods.
Un tel
arrangement a de nombreux avantages. Après une guerre, par exemple, si
vous ne possédiez plus beaucoup d’or, vous auriez la
possibilité d’établir un système
d’étalon de change-or assez rapidement sans avoir à
accumuler de métal. Tous les systèmes d’étalon or
ne nécessitent pas une réserve d’or relative à
100% de la masse monétaire. La raison première à cela
est l’absence de profit. Gérer un système
monétaire n’est pas gratuit et, sans aucun profit, un
système de devises est un système perdant. La seule
entité capable de gérer un système qui coûte plus
qu’il ne rapporte est le gouvernement. En revanche, au cours de ces 200
dernières années, ce sont des entités privées,
d’abord des banques commerciales puis les banques centrales, qui ont
géré les systèmes monétaires. Il est donc dans
leur intérêt de générer des profits. Pour ce
faire, elles doivent détenir en tant qu’actifs de réserve
des obligations et prêts porteurs d’intérêts. Plus
elles disposent d’obligations, plus elles génèrent de
profits. Ainsi, un système fonctionnant sans réserves
d’or et soutenu à 100% par des obligations est un système
profitable. Une banque centrale aurait également intérêt
à rendre ses actifs de réserve indépendants du
gouvernement local, tout particulièrement si ce dernier est
susceptible de faire pression sur elle pour qu’elle finance ses
déficits. Si une banque centrale détient
l’intégralité de ses actifs de réserve sous forme
d’obligations étrangères, alors elle ne possède
pas d’obligations domestiques et est relativement
protégée contre toute demande de son gouvernement de
l’aider à ‘financer son déficit’. Les banques
centrales n’auraient pas non plus besoin de s’occuper de stocker
leur or, de livrer du métal physique ou de répondre à
des demandes de rachat.
Le principal
point faible d’un tel système est que toute devise est
dépendante de la devise qui est liée à l’or. Cela
n’a pas très bien fonctionné lorsque la livre sterling
était liée à l’or, puisqu’elle fut
dévaluée en 1914, en 1931, et de nombreuses fois après
cette date. Il en a été de même avec le dollar, qui a
subi des dévaluations en 1933 et 1971. Mais dans de telles situations,
il n’est pas nécessaire pour une banque centrale de suivre la
dévaluation de la devise de référence. En 1971, lorsque
le dollar fut définitivement délié de l’or, de
nombreux gouvernements prirent la décision de délier leur
devise du dollar. Ils auraient pu dans le même temps établir
leur propre étalon or. Mais il existe une certaine inertie
inhérente à ce système, et une fois qu’une devise
est liée à une devise de référence, elle est
quasiment certaine de suivre ses fluctuations, d’une manière ou
d’une autre.
Ce que
j’essaie de dire ici, c’est qu’un étalon de
change-or est un système parfaitement fonctionnel qui possède
des avantages mais aussi des inconvénients, comme tout autre
système. Il n’y a rien de particulier à en redire. Bien
que le terme ‘étalon de change-or’ soit
généralement appliqué aux années 20, ce
système a été utilisé tout au long du XIXe
siècle par certains gouvernements. Il est devenu plus commun
après 1920, alors que les gouvernements s’affairaient à
ré-établir un étalon or après l’avoir
abandonné au cours de la première guerre mondiale. Que ce soit en
1914, en 1920 ou 1950, il n’a jamais existé de système qui
ait pu satisfaire tout le monde. Certains gouvernements utilisaient un
système d’étalon de change-or, c’est-à-dire
une caisse d’émission associée à une devise de
référence liée à l’or, et d’autres ont opté pour des systèmes
différents.
Nous avons pu
entendre des choses assez amusantes au fil des années concernant le
système d’étalon or. Premièrement, certaines
personnes s'imaginent que l’étalon de change-or est responsable
de la Grande Dépression des années 1930.
Un
système d’étalon or est quelque chose d’assez
simple. Il pourrait vous causer des problèmes potentiels si la valeur
de l’or changeait. Mais cela n’est pas encore arrivé -
c’est pourquoi nous utilisons encore aujourd’hui l’or comme
un point de référence pour les systèmes
monétaires - mais c’est une hypothèse concevable. Si la
valeur de l’or changeait, la valeur des devises qui y sont liées
changerait également, ce qui pourrait avoir des conséquences
très lourdes.
Le
deuxième scénario possible serait qu’un pays
n’applique pas les politiques monétaires liées à
ce système de manière appropriée – en
d’autre termes, qu’il mette en place une sorte de politique
monétaire intérieure ou qu’il soit tout simplement
incompétent – et laisse la valeur de sa devise dévier par
rapport à l’or, ou à la devise de référence
liée à l’or.
Ce sont les
deux seuls problèmes qui pourraient survenir. Observons si un tel
scénario s’est développé dans les années
1920.
La question de
savoir si la valeur de l’or a fluctué de manière à
avoir des effets non-négligeables sur la valeur des devises est un peu
trop complexe. Je pense cette idée bien trop populaire parmi ceux qui
font porter le blâme de la Grande Dépression à
l’étalon or, et en grande partie infondée. Je me suis
longuement penché sur la question sans jamais trouver quoi que ce soit
qui ait la moindre importance. Ce qu’il s’est passé dans
les années 1920, c’est que de nombreux pays, comme la
Grande-Bretagne, ont à nouveau lié leur devise à l’or
au taux d’avant-guerre, ce qui impliquait une déflation
substantielle de leur devise de la part des gouvernements qui avaient
dévalué tout au long de la guerre. Dans certains cas, comme en
Grande-Bretagne, cette décision a engendré une crise. Keynes
s’en est plaint, mais le problème ne venait pas d’un
échec de l’or à remplir son rôle
d’étalon monétaire, mais plutôt la manière
dont les gouvernements ont décidé de le
ré-adopter.
La question
que nous pouvons donc nous poser est la suivante : ces pays ont-ils
correctement géré leur devise respective en la liant à nouveau à l’or ? Pour
la plupart d’entre eux, il semblerait que oui.
Alors que
commençait la Grande Dépression, les Keynésiens
voulaient établir une devise qu’ils pouvaient manipuler pour
venir en aide à l’économie. L’étalon or fut
donc accusé d’avoir empêché une telle manipulation.
Il ne s’agissait pas d’un échec de l’étalon
or, mais simplement d’une modification de l’objectif des
politiques monétaires.
Avec ces
informations en tête, observons de plus près ce qu’il
s’est passé durant les années 1920, en nous appuyant sur
l’ouvrage de Barry Eichergreen
intitulé Golden Fetters: the Gold
Standard and the Great Depression 1919-1939. Eichergreen est un Keynésien, et bon nombre de ses
analyses sont selon moi assez risibles. Il n’en est pas moins que son
livre recèle d’un grand nombre d’éléments
historiques importants et puisse être utilisé comme source
d’informations.
Dans le
chapitre 13, ‘Conclusion’, Eichengreen
résume ses arguments. Il commence par accuser l’étalon or
d’après-guerre d’être responsable de nombreux
déséquilibres régulatoires
à l’échelle internationale. C’est là un
argument qui a toujours été utilisé par les
Keynésiens depuis David Hume, mais qui n’a en
réalité aucune valeur. Les régulations internationales
n’ont en effet rien à voir avec l’étalon or, qui
dépend uniquement d’une bonne gestion de la masse
monétaire dont toute banque centrale est capable de faire preuve sans
assistance. La balance des paiements et les régulations
internationales sont de faux-débats qui peuvent être
réutilisés à tout moment pour servir n’importe
quel dessein politique. Ils ne signifient rien du tout, mais puisque les gens
n’y comprennent pas grand-chose, ils s’avèrent être
des arguments plutôt convaincants.
4 avril
2012: l'étalon or et la balance commerciale
Eichengreen soulève un autre point
important qui a quant à lui plus à voir avec la politique
qu’avec l’étalon or.
Après
la première guerre mondiale, la crédibilité de
l’étalon or fut enrayée par l’érosion de
l’isolation des banquiers centraux par rapport aux pressions
politiques. En réponse aux expériences qu’a subies
l’Europe d’après-guerre, de nombreux analystes ont
développé des arguments liant des politiques monétaires
restrictives au taux de chômage élevé. Bien que ces
argumentations aient été différentes dans chaque pays,
elles ont sensibilisé les peuples à l’impact des
politiques monétaires sur les conditions économiques
domestiques. Les termes ‘politiques monétaires restrictives’
font référence au processus de réévaluation de la
valeur des devises à leur niveau d’avant-guerre, comme nous
avons pu le voir en Grande-Bretagne. Les individus et groupes affectés
par les taux d’intérêt élevés et les
restrictions de crédit ont longtemps résisté à
leur mise en place. L’influence politique grandissante des milieux
ouvriers a largement contribué à l’adoption de politiques
monétaires favorisant les objectifs d’emploi. Les déséquilibres
fiscaux (déficits budgétaires des gouvernements) et
l’expansion des politiques sociales ont renforcé les pressions
exercées sur les décideurs politiques.
Une ombre fut
ainsi jetée sur la crédibilité de l’engagement
à l’or… Les marchés, plutôt que de minimiser
le besoin d’intervention de la part du gouvernement, ont soumis les
engagements des autorités envers l’or à de trop
nombreuses épreuves.
Et
aujourd’hui, c’est devenu un réel problème. Un
étalon or est bien évidemment en danger lorsque les politiciens
commencent à parler de leur volonté de mettre en place un
nouveau système monétaire. Et que feriez-vous dans ce
cas-là ? Vous prendriez vos obligations, vendriez vos devises, et
partiriez vous installer ailleurs, comme le font
les Grecs aujourd’hui à mesure qu’ils lisent des articles
du Financial Times demandant à ce que leur pays dispose de sa propre
devise qu’il puisse commencer à dévaluer dès que
possible. Ce processus est souvent interprété comme un
déséquilibre de balance de paiements, c’est pourquoi on
en entend toujours parler lorsque les marchés privés commencent
à réagir au fait que les gouvernements prennent des
décisions diamétralement opposées à un
système basé sur l’étalon or. C’est ce
qu’il s’est produit dans les années 1960. Une fuite de
capital est apparue et le maintien de l’étalon or (par le biais
d’une réduction de la masse monétaire) aurait
entraîné une hausse des taux d’intérêts sur
le court terme. Les plus longues maturités auraient elles aussi
grimpé face au risque de dévaluation. L’étalon or
aurait été accusé d’être à
l’origine de la hausse des taux d’intérêts. Rien de
tout cela n’est particulièrement surprenant, ni n’est la
preuve d’une déficience particulière de
l’étalon or de l’époque. C’est exactement ce
qui est supposé se produire. Peut-être les hommes politiques
devraient-ils simplement éviter d’ouvrir la bouche ?
Eichenghreen développe ensuite un argument
tout à fait Keynésien qui veut que l’étalon or
empêche les manipulations monétaires nécessaires à
la gestion des difficultés économiques.
C’est
à peu près tout ce que nous pouvons dire des conclusions
tirées par Eichengreen. Et il n’y a
rien de particulièrement surprenant à cela. En
considérant les maladresses commises par les Keynésiens et leur
mauvaise compréhension de ce que sont la balance des paiements et la
coopération internationale, nous n’aurions certainement pas pu
nous attendre à mieux.
Malheureusement,
une majorité de ceux qui défendent aujourd’hui l’or
ne comprennent pas réellement ce qu’il s’est passé
à l’époque. Ils entendent des critiques telles que celles
d’Eichengreen et ne savent pas comment les
interpréter. Plutôt que de prendre le problème à
bras-le-corps – comme le fait Eichengreen
– ils le fuient en répétant que l’étalon or
de l’époque n’était pas très bon et
souffrait de problèmes qui lui était inhérents. Leur
argument semble être que les gouvernements de l’époque,
ceux dont la devise était liée à une devise de
référence elle-même liée à l’or, ne
possédaient que très peu d’or, sinon pas du tout. Dans le
monde superstitieux de ceux qui s’aventurent à parler de
politiques monétaires sans réellement les comprendre, moins
d’or signifie un système d’étalon or moins
efficace. C’est l’une des raisons pour lesquelles, après
1971, nous avons pu entendre parler d’étalons or à 100%,
ou ‘purs’, qui demandent à ce que 100% de la masse
monétaire soit soutenue par de l’or, et qui aussi loin que nous
le sachions n’ont jamais existé. Comme j’ai
déjà pu le noter, la banque d’Angleterre a mis en place
la toute première des devises de référence liées
à l’or, la livre sterling, qui est restée liée
dès 1914 et durant 60 ans. Les réserves d’or du pays
s’élevaient à 1,5% des réserves disponibles
à l’échelle de la planète. Ce système n’a
pas pris fin parce qu’il n’y avait pas assez d’or, mais
plutôt en raison des bouleversements nés de la première
guerre mondiale. L’efficacité d’un étalon or
naît de la volonté des hommes politiques de respecter leur
engagement envers lui, et d’une bonne compréhension des
mécanismes nécessaires à son bon fonctionnement.
Aux
accusations voulant que l’étalon or des années 1920 ait
causé ou exacerbé la Grande Dépression, nous entendons
souvent les avocats de l’or dire que l’étalon de cette
époque n’était ‘pas un très bon
système d’étalon or’. A dire vrai, il était
excellent. Et c’est ce que pensaient les gens de l’époque.
L’étalon or des années 1920 est parvenu à
maintenir son objectif de maintenir la valeur des devises par rapport
à l’or. Son principal problème, du point de vue des Keynésiens,
était d’avoir un objectif allant à l’encontre du
leur et qui leur empêche de pouvoir manipuler les devises pour faire
face aux problèmes économiques.
26 avril
2009: deux paradigmes monétaires
L’idée
d’un étalon or combiné à une manipulation
monétaire domestique s’est développée jusque dans
les années 1950-60. Ainsi, durant une cinquantaine
d’années, de 1920 à 1971, sous un système
basé sur un étalon or qui n’était plus
l’exemple parfait d’avant-guerre où le capital pouvait
être déplacé librement, le monde a subi
d’incessantes fuites de capital et de plus en plus de
difficultés monétaires à mesure que les hommes
politiques d’un pays ou d’un autre exprimaient leur
volonté de manipuler ce qu’un étalon or est
supposé protéger.
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