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Dans un monde
sans banque centrale, où la monnaie serait métallique ou
relèverait d’une contrepartie métallique, le taux
d’intérêt indiquerait une propension à
l’épargne. Plus l'épargne serait faible, plus le taux
d'intérêt serait élevé et vice versa.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont faibles, mais
l’épargne l’est tout autant. En maintenant bas le taux
directeur, la banque centrale encourage les gens à consommer sans se
préoccuper de savoir s’il y a eu production au préalable.
Elle encourage les entrepreneurs à investir, mais sans se soucier
qu’il y ait suffisamment d’épargne pour ce faire. Pour
comprendre pourquoi les manipulations de la banque centrale sont
néfastes, il faut revenir aux fondements de la théorie
monétaire.
L’individu qui est disposé à débourser davantage
pour se procurer rapidement produits et services escompte relativement plus
l’avenir, toutes choses étant égales par ailleurs, car il
accorde plus de valeur à une satisfaction immédiate
qu’à une satisfaction future. S’il doit emprunter de
l’argent pour satisfaire sa consommation, il paiera à hauteur de
son désir le titulaire de monnaie pour que celui-ci remette à
plus tard sa propre consommation. Le fondement de l’intérêt
monétaire est une préférence générale pour
une consommation immédiate plutôt que reportée. À
cette fondation doit s’ajouter le risque individuel et circonstanciel.
Pour qu’un
emprunt soit possible, il faut d’abord que des individus aient restreint
leur consommation dans le but de l’épargner. S’il
n’y a pas d’épargne, aucun emprunt et aucun investissement
ne sont possibles. Dans ces circonstances, on consomme ce qu’on
produit. Il n’y a pas d’intérêt monétaire,
mais la préférence pour le temps présent est sans
conteste. L’épargne constitue la pierre angulaire de la hausse
du niveau de vie.
L’épargnant peut thésauriser son argent comme il peut
l’investir dans le but de le faire fructifier. Dans un marché
exempt d’intervention gouvernementale, le taux
d’intérêt en vigueur lui indique s’il est opportun
ou non d’investir. Un faible taux d’intérêt indique
à l’entrepreneur que les consommateurs épargnent beaucoup
et préfèrent patienter pour se procurer biens et services. Il
est temps de saisir l’occasion pour accroître ou améliorer
la capacité de production.
La
« structure de production » est modifiée en
conséquence de ces investissements. L’épargne
tirée d’une restriction volontaire de la consommation est
utilisée dans le but d’accroître la quantité ou
d’améliorer la qualité des biens et services produits. Si
l’entrepreneur a su saisir les désirs des consommateurs, et peut
concrètement les satisfaire, il sera récompensé par eux
sous forme de profits. Idem pour les investisseurs, tandis que les
consommateurs se retrouvent plus riches de biens. Tout le monde y gagne.
Dans un
marché où l’État intervient
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Dans un marché où la monnaie est sous le contrôle de la
banque centrale, elle-même sous le contrôle de
l’État, on doit se méfier de
l’interprétation à donner de la hauteur relative du taux
d’intérêt, car celui-ci reflète les objectifs
politiques et l'idéologie du gouvernement plutôt que les
désirs des consommateurs.
La banque
centrale peut influencer les taux d’intérêt uniquement
parce qu’elle contrôle la production de monnaie. La monnaie
fiduciaire (billets et dépôts bancaires sans contrepartie
métallique) n’est pas le fruit d’un travail, elle est
créée d’après des calculs
ésotériques. Elle est soit mise en circulation directement par
la banque centrale, soit indirectement via le crédit bancaire. Cette
mise en circulation est facilitée par le maintien de taux d’intérêt
qu'on garde artificiellement peu élevé, c'est-à-dire
même si les préférences temporelles de la population
n'ont pas changé.
Un bas taux incite les
gens à s'endetter, à consommer ou à investir. Il y a un
effet de richesse, mais celui-ci est illusoire. En effet, il n’y a pas
plus de biens et de services offerts sur le marché qu’avant cet
ajout de monnaie en circulation. À court terme, il n’y a pas
vraiment de modification à la structure de production, si ce
n’est que chaque niveau a plus d’argent, de moindre valeur, avec
lequel travailler.
Suite à une
addition de monnaie en circulation, le consommateur dépense davantage.
L’entrepreneur agit comme s’il s’agissait d’une
épargne plus élevée et s’engage dans
différents projets. Néanmoins, il réalise assez
rapidement que les ressources n’ont pas augmenté au même
rythme que la quantité de monnaie, de sorte qu’afin de
poursuivre ses projets, il doit payer plus cher pour les mener à
terme. La hausse des prix pousse certains entrepreneurs à abandonner
leurs projets, voire à faire faillite.
La structure de
production qui, au moment de la mise en circulation de monnaie additionnelle,
ne semblait pas affectée, s’avère passablement
modifiée lorsqu’on en réalise les conséquences.
Plusieurs niveaux de production sont réduits, d’autres
abandonnés. Les investisseurs récupèrent ce qu’ils
peuvent et se contentent d’investissements plus sûrs, voire
simplement d’épargner, dans la mesure où cela leur est
possible. L’effet de richesse est de courte durée et se traduit
à moyen terme par une plus grande pauvreté.
Les manipulations de
la banque centrale ne corrigent pas les soubresauts des marchés
financiers. Au contraire, elles les déstabilisent et entraînent
des malinvestissements et des déséquilibres dans toute
l'économie. Pour que le taux d’intérêt puisse
véritablement signaler la préférence temporelle des
consommateurs, la banque centrale doit laisser sa place aux forces du
marché. C’est-à-dire l’ensemble des agents
économiques qui échangent produits et services entre eux sans
les contraintes de l’État. Dans ces circonstances,
l’épargne et l’investissement se traduisent par une
production accrue au bénéfice de tous. Au contraire, la
mainmise de l’État sur la monnaie et le taux
d’intérêt ne font que redistribuer la richesse, et pas
nécessairement aux plus pauvres. Cette façon de procéder
est instable et risque d’appauvrir tout le monde.
André
Dorais
André Dorais a étudié en philosophie
et en finance et vit à Montréal. Essai originellement
publié par Le
Québecois Libre
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