« Vite et bien » : c’est avec ces termes que l’actuel gouvernement a qualifié les prochaines actions qu’il entend mener pour amener fièrement l’État dans tous les interstices possibles de la société civile et n’en laisser aucun libre.
Et si j’évoquais – quelque peu consterné – l’immixtion récente de la gangrène française dans le petit-déjeuner de nos enfants à l’école, je n’imaginais pas qu’il n’aurait fallu qu’un triplet de jours supplémentaires pour voir un nouveau domaine offert en pâture à l’État, ses administrations et tous les ruminants pétogènes qui gravitent autour et dedans.
Après notre poubelle qui, il y a quelques années, devenait la cible des analyses foireuses et des décisions tout aussi pertinentes du gouvernement (rappelez-vous les humoristiques lois anti-gaspi), après notre frigo et notre cheminée qui subissaient à leur tour les pénibles assiduités de la classe politique, voilà venu le temps de … la salle de bain.
Oui, vous avez bien lu et bien compris : le gouvernement va s’atteler à visiter nos salles de bains par voie de décrets et autres lois illisibles pour enfin la remodeler plus à son goût. C’est ce qu’à indiqué en substance le brave Julien Denormandie, dont la rumeur voudrait avec insistance qu’il soit effectivement l’actuel Ministre du Logement (il semble y avoir un ministre pour tout, depuis le logement jusqu’aux charnières de portes, qui sont des espèces de gonds – je parle des charnières, pas des ministres, suivez un peu).
Pour rendre les choses encore plus croustillantes, il va doter l’opération d’un joli budget : 1 milliard d’euros. C’est comme pour Notre-Dame, mais en version Leroy Merlin et pour seulement 200.000 foyers, histoire d’asperger un nombre ciblé d’électeurs humides.
Cependant, rassurez-vous.
Cette somme, que certains esprits simples et modestes pourraient considérer comme colossale, n’en est pas moins la part congrue d’un montant bien plus important de 9 milliards d’euros dédié tout entier à un audacieux plan d’investissement, pondu par le groupe « Action logement », cette association « loi 1901 » chargée de gérer le fameux « 1% logement » versé de force par les entreprises pour que l’action publique puisse joyeusement dilapider orienter/flécher l’investissement immobilier en France.
L’idée est, comme d’habitude, que la société civile est bien trop bête pour savoir ce qui est bon pour elle, et bien trop molle pour s’atteler à améliorer son propre sort. En vertu de quoi, il va falloir l’aiguillonner dans la bonne direction. Dans ce contexte, quoi de plus éco-compatible qu’adapter les logements « au vieillissement et à la dépendance » en commençant bien sûr par les sanitaires dont tout le monde sait que les Français ne savent pas se servir ?
Et pour bien comprendre pourquoi tout ceci sera tendrement écologique, il suffit de noter que le but consiste à faire changer, dans 200.000 foyers, les baignoires par des douches ! En substance et moyennant une grille de critères qu’on pressent déjà particulièrement pointus et assortis d’un ou deux formulaires Cerfa correctement remplis, 200.000 ménages français (forcément modestes) pourront donc faire modifier leur salle de bain afin d’en remplacer la baignoire par une douche dernier cri (celui du contribuable devant la facture je présume).
Outre l’évidente économie d’eau qu’une douche représente face à une baignoire (mais si, puisqu’on vous le dit !), l’opération sera aussi l’occasion de faire installer des équipements adaptés aux seniors. Eh oui : par un curieux raisonnement, l’État semble se soucier à la fois de l’environnement en nous faisant économiser de l’eau sans économiser ses fonds, tout en choyant les plus âgés dont, pourtant, les coûts de retraite et de santé ne font que croître.
Et ce, alors même que dans la bouche du Ministre des Douches à la place des Baignoires, « le nombre de morts est plus important dans les salles de bain que sur les routes ». On frémit à l’idée qu’il aurait pu proposer, alternativement et avec la même décontraction intellectuelle, de remplacer les salles de bain de nos seniors par des départementales et réduire ainsi leurs risques…
Si les sommes n’étaient pas conséquentes, si tout ceci ne participait pas de l’appauvrissement et de la déresponsabilisation générale des Français, on pourrait en rire.
Mais à bien y regarder, ces histoires de remplacement des baignoires par des douches ressemblent à s’y méprendre à une nouvelle tentative d’organiser une pénurie. Ici, un peu à l’instar des pays du tiers-monde (ou de ceux qui, comme le Venezuela, appliquant soigneusement le socialisme, y retournent « vite et bien »), on tente de pallier les problèmes d’économies d’eau, plutôt que la solution de fond qui consisterait plutôt à rendre l’eau facilement recyclable, en améliorer la collecte, la distribution et le nettoyage.
Et encore une fois, on tente de protéger les Français à leurs frais, plutôt que les laisser s’occuper eux-mêmes de leur sécurité en augmentant leur pouvoir d’achat, en leur diminuant la pression fiscale et les prélèvements obligatoires qui financent des services étatiques toujours plus médiocres.
Bref, on continue à fond de train dans le paradigme de la redistribution. Après des petits pains, du lait et des céréales, l’État redistribue maintenant des cabines de douche. L’étape suivante sera probablement le rationnement, via un « ticket-douche » vendu avec force propagande comme Gaïa-compatible et indispensable à la survie de notre espèce sur cette planète que nous détruisons tous en respirant trop fort…
On notera que ceci s’inscrit après la prime à la conversion pour les chaudières au fioul qui marque elle aussi ce désir obstiné de voir la consommation réduire partout, les économies d’énergie et de ressources entièrement pilotées par la force publique, indispensable pour prendre des décisions éclairées (à la bougie, l’électricité devenant chère), un peu comme si le peuple devait se préparer, autant physiquement que mentalement, à des périodes de vaches maigres…
Finalement, on ne peut qu’admirer la cohérence d’ensemble : en passant des chaudières aux douches, l’État fait maintenant dans la plomberie au plus près de l’électeur. Compte tenu de la médiocrité qui le caractérise, on redoute déjà le moment où il s’occupera de nos WC, « vite et bien ».