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L’Europe à la recherche d’un mécanisme de crise

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Paul Jorion.
Published : February 06th, 2010
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Ce texte est un « article presslib’ » (*)


Après avoir déversé le froid, les autorités et gouvernements Européens font couler l’eau tiède. En choeur, soudainement, ils assurent la Grèce qu’elle ne va pas être laissée seule dans l’épreuve, continuant de réaffirmer qu’elle doit faire un gros effort et va être surveillée de très près, afin de ne pas se déjuger. Ce que chacun traduira par : « nous sommes peut-être allés un peu trop loin, nous n’avons pas mesuré les conséquences de ce que nous avons engagé, il est temps de calmer le jeu ».

Que faut-il penser de cette histoire qui n’est pas terminée ? Elle est à la mesure de l’improvisation dans laquelle ces autorités et gouvernements agissent, de leur absence de stratégie commune. Car, si l’objectif était de signifier que le temps de la rigueur était venu et de faire un exemple, elles ont surtout illustré qu’elles ne savaient agir que pour montrer qu’elles n’avaient pas l’intention d’intervenir ensemble ! Ce qui augurait, inévitablement, d’une cascade d’autres catastrophes, allant au-delà de leurs intentions, si tant est que celles-ci soient claires. Après la Grèce, c’était au tour du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, commençait-on à dire et à entendre…. (pour ne parler que de la zone euro, et taire la situation de la Grande-Bretagne, le grand malade de l’Europe). Or, elles ne pouvaient pas se permettre ce délitement.

Les alertes des uns, les spéculations des autres, avaient en effet donné petit à petit corps à l’idée que la zone euro était susceptible, sinon d’éclater, de se désagréger. Qu’autour de l’Allemagne, à la manoeuvre dans cette affaire grecque, allait se constituer un pôle économique droit dans ses bottes, auxquels pourraient se joindre ceux des pays qui en seraient encore capables, et qui satisferaient à ses conditions.

Voilà la seconde leçon de cette crise : en reculant, ceux-là mêmes qui étaient soupçonnés des plus noirs desseins ont montré qu’ils n’avaient pas les moyens de l’ambition qui leur était prêtée. Qu’il allait falloir raccommoder le tissu qu’ils avaient déchiré, mettre sur pied un sauvetage qui vaudrait pour la Grèce, mais aussi pour les autres pays désormais dans le collimateur qu’ils avaient braqué, réaffirmer par défaut une vision européenne, n’ayant pas d’alternative, en réalité eux-mêmes plus fragilisés par la crise qu’ils ne veulent l’admettre.

A l’occasion d’une conférence organisée par l’hebdomadaire britannique « The Economist », en présence du premier ministre Grec Georges Papandréou, Joseph Stiglitz a dévoilé mardi à Athènes le pot aux roses en exhortant l’Union européenne et la BCE a créer un mécanisme de crise. Evoquant tout à la fois l’émission d’euro-obligations, l’intervention de la Banque européenne d’investissements (et non du FMI), ainsi que la création d’un fonds destinés à soutenir l’investissement et les entreprises privées. L’affaire n’est pas bouclée, il s’en faut ! mais l’énumération de cette palette de moyens, du haut d’une tribune, avait pour objectif de rendre public qu’il est à portée de sortir collectivement de la crise immédiate, par le haut comme on affectionne de dire dans ces milieux. Les discussions sont en cours, attendons les résultats.

En réalité, ce n’est pas seulement la crainte que s’enclenche une dynamique de crise européenne – qui ne pourrait plus ensuite être maîtrisée, et dont tout le monde, les plus forts compris, feraient les frais – qui a été à l’origine du retournement en cours de la situation. C’est également le besoin de s’épauler dans l’épreuve commune qui s’annonce pour les gouvernements. Leurs tergiversations ne sont pas prêtes de cesser, ici et là, à propos de la réduction des déficits et partant de la dette. Le fossé est trop grand entre ce qu’il faudrait exiger de rigueur, pour y parvenir, et ce qu’il sera possible de mettre en place, pour éviter de redoutées flambées d’explosion sociale. Ou un sourd et profond rejet, qui serait encore pire. La reprise, invoquée telle une pluie bienfaisante dont on prie la venue, a bien peu de chances d’intervenir avec une force qui soulagerait d’autant les restrictions budgétaires.

Il va donc falloir trouver une issue par le haut, tout en rognant autant que possible un bouclier social considéré comme trop dispendieux pour les temps à venir, car l’occasion en est trop bonne. Alors que celui-ci est pourtant la condition, au plan strictement économique, du maintien d’un certain niveau de consommation, et partant de croissance. Et qu’il est illusoire de croire que l’Asie, et en premier la Chine, vont tirer la croissance, permettant de faire l’impasse sur la relance de la consommation en Europe. Cela irait d’ailleurs à l’inverse des objectifs, affichés par les occidentaux, de rétablissement de l’équilibre international (en correction de la global imbalance). Il n’y a décidément pas beaucoup de cohérence dans tout ce que l’on peut observer.

On constate que tous les gouvernements commencent à mettre, devant l’obstacle et chacun à leur manière, de l’eau dans leur vin. Il n’est plus question de sabrer dans les budgets, mais plutôt de réduire sur la pointe des pieds les programmes de soutien à l’économie et les déficits, au cas par cas. On cherche à limiter les dégâts du chômage, déjà redoutables, en fondant les plus fols espoirs non pas dans sa décrue, mais dans la baisse de son inexorable progression. On voudrait impliquer dans des négociations les partenaires sociaux à propos des déficits des régimes de retraite et de sécurité sociale, ou bien faire reposer sur les collectivités locales le poids qu’elles ne peuvent assumer de prestations sociales désormais de leur ressort. Toutes manières de se défausser et de ne pas assumer ses responsabilités. Partout, on retarde le moment où il faudra rendre public un plan de mesures précises.

L’aide était refusée à la Grèce, il y a encore quelques jours, car il ne pouvait être question de donner une prime au mauvais élève. Il a fallu se rendre à l’évidence qu’il n’y en aurait pas non plus pour les bons, tel que c’était parti. Que, pour citer Larry Summers, conseiller économique de Barack Obama, à Davos, « la reprise est dans les statistiques, mais la récession est dans la vie de gens » (il aurait pu aussi ajouter la rigueur, pour renforcer sa démonstration). Le test Grec avait pour objectif d’indiquer à l’opinion publique européenne la route qu’elle devait suivre, et de faire la démonstration que l’Europe était prête à sévir contre ceux qui voulaient rester sur des chemins de traverse. Un message était également adressé aux gouvernements hésitants, pour les inciter à porter le couteau dans la plaie.

Même s’il n’a pas perdu tout son tranchant, ce couteau est un petit peu émoussé. En particulier s’il se confirme la mise en place d’un mécanisme financier de crise ; ouvrant une situation présentée comme sans autre issue qu’une rigueur drastique dont on n’ose même pas dire le nom et qui semble difficilement applicable. Au nom d’une lutte contre une inflation dont on cherche vainement la trace. Si ce mécanisme devait toutefois ne pas être mis en place, il serait donné raison à ceux qui prédisent l’éclatement de la zone euro.

La tentative du FMI d’utiliser des allocations de droits de tirage spéciaux afin de financer la lutte contre le changement climatique, si elle est menée à son terme, est une autre expression du même besoin d’innover dans le montage du financement des Etats. Nous sommes entrés dans l’ère de l’improvisation, dans ce domaine également. Cela ne nous changera guère de ce à quoi nous commençons à nous habituer.




Billet rédigé par François Leclerc


               

Paul Jorion

pauljorion.com




(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).





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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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