L’argent
ne pouvait venir que de là où il se trouve : cette leçon
qui semble être administrée pourrait être plus largement
retenue, alors qu’il est si inégalement réparti, entre
régions du monde et au sein de nos sociétés…
Les
Chinois viennent donc à la rescousse des Européens, tels des chevaliers
blancs. Dans la confusion extrême qui dans la journée
d’hier s’amplifiait, l’amorce d’un montage financier
a soudainement pris corps, afin de mettre sur pied l’indispensable
« pare-feu » à l’extension de la crise
européenne. Anticipant sa prise de fonction de quelques jours à
la tête de la BCE, Mario Draghi a
apporté le coup de pouce espéré en confirmant que la BCE
ferait la soudure et continuerait d’acheter des obligations sur le
marché secondaire pour éviter le dérapage des taux. Le
FMI pourrait prendre la suite, véhicule possible d’une
opération qui reste intégralement à monter.
A
quelles conditions les pays émergents vont-ils intervenir ?
Comment les Américains vont-ils réagir à cette
affirmation de leur rôle au sein du FMI ? L’ordre du jour du G20
de la semaine prochaine va en sortir tout bousculé.
Les Chinois ont quant à eux tout intérêt à
recycler une partie de leurs réserves – euros et dollars –
dans le sauvetage de leur premier marché d’exportation,
plutôt que d’attendre passivement qu’elles se
dévalorisent. En attendant, l’espoir fait vivre.
Cette
nouvelle est d’autant plus importante que le crédit dont
bénéficie la coalition politique italienne, péniblement
parvenue dans l’urgence à un compromis a
minima sur les retraites, ne sort pas grandi de l’épisode.
L’Italie ne peut plus sortir du collimateur des marchés
qui rendent insoutenable pour elle – et pour le FESF – son
refinancement dans les trois ans à venir de 600 milliards
d’euros de dette. Quant à la suite, la question n’est plus
de savoir who’s next
? (à qui le tour ?), mais de se demander qui va pouvoir ensuite
échapper à la tempête. Quelle raison y aurait-il à
ce qu’elle prenne fin et qu’après la pluie vienne le beau
temps ?
Avec
les banques, cela coince sérieusement. Elles multiplient les
conditions à leur acceptation volontaire d’une nouvelle
décote de la dette grecque, en exigeant des contreparties de tous
ordres. Tout en affichant un pourcentage de décote destiné
à faire impression – sur lequel il y avait cette nuit encore
désaccord – ces modalités d’échange de
titres réduisent considérablement leurs pertes et les
étalent, ce qui à contrario diminue
la remise de peine des Grecs. Finissant par rendre inopérant
l’ensemble de l’opération financière.
La
résistance des banques européennes est
révélatrice des rapports de force et de leur volonté de
ne pas céder aux injonctions qui leur sont faites. Une fois de plus,
le monde financier est en train de faire une démonstration sans
équivoque : comme à propos de la régulation
financière qu’il s’acharne à bloquer, il impose sa
vision au nom de ses intérêts propres, sans plus se soucier des
conséquences. Tout au plus affiche-t-il sa volonté –
comme le font les banques françaises – de faire son affaire de
la recapitalisation, sans rien demander à personne ; ce qui ne se
révélera exact que pour les plus vaillantes d’entre
elles, et encore, à condition que le niveau de recapitalisation requis
reste complaisant, ce qui est le cas. Si l’on comprend bien, cela leur
donne le droit de faire ce qu’elles veulent par ailleurs, chacun reste
maître chez soi en quelque sorte.
Ces
plats nous sont servis accompagnés d’une sauce douteuse. Au nom
d’une relance de l’Europe dont il est fait grand cas et qui se
résume à une intégration plus poussée des
politiques budgétaires et fiscales, destinée à
prioritairement réduire la dépense publique. Des mots sont
lâchés : fédéralisme, gouvernance économique…
autant d’habillages destinés à masquer le trou de la trappe
à liquidités dans laquelle l’Europe toute
entière va finir par tomber pour y rejoindre le Japon, qui n’est
jamais parvenu à en sortir. L’économie européenne
est dans une spirale descendante, marquée aujourd’hui par la
menace de la récession, qui va aggraver la crise financière,
sans le relais d’une banque centrale comme au Japon. Combien de temps
cela va-t-il être tenable ?
Billet
rédigé par François Leclerc
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