La crise de la
dette souveraine n'est pas un phénomène qui ne touche que la
zone euro, puisque l'OCDE prévoit une augmentation du ratio dette
publique sur PIB de 100 % dans l'ensemble des pays avancés (le FMI
fait des prévisions similaires). On a donc ajouté au
problème de la dette privé celui de la dette publique.
Ajoutons
à cela, que la situation budgétaire des États-Unis et du
Japon est pire que celle de la zone euro.
La taille de
son économie, la profondeur de ses marchés financiers, ainsi
que le rôle du dollar en tant que monnaie internationale lui permettent
d’emprunter à des taux relativement faibles. Mais pour combien
de temps encore? .
L’extension
de la crise pourrait résulter de l’abaissement de sa note, du
défaut de paiement d’une collectivité territoriale ou d’un
État confédéré et plus vraisemblablement de
l’activation d’un plan d’aide par l’État
fédéral visant à l’éviter.
Pourquoi
retenir un scénario si pessimiste? Parce que la politique
d’assouplissement quantitatif ne peut aboutir.
L’échec
de la politique d’assouplissement quantitatif :
La baisse des
taux d’intérêts à court terme n’a pas
réussi à stimuler l’activité; espérer que
la baisse des taux d’intérêts à long terme,
grâce à l’achat d’obligation d’état
à maturité longue (ainsi que d’hypothèques),
permettra d’atteindre cet objectif est illusoire. Les chances de
succès sont quasi nulles.
Une
légère baisse des taux d’intérêts
n’aura qu’un effet réduit sur les grandes entreprises qui
n’ont jamais eu autant de cash. Quant aux PME, il y a peu de chance
qu’elles puissent en profiter.
Le
critère de l’offre de prêt est plus pertinent. Compte tenu
de la fragilité financière de nombreuses banques aux
États-Unis, surtout si on tient compte du « foreclosure
gate » (un récent jugement, du tribunal de New-York, a
déclaré le système d’enregistrement
électronique des hypothèques était illégal et
remis en cause celles-ci), celles-ci ne vont pas faire augmenter leurs
encours de crédit.
Elles vont
utiliser l’argent reçu, au titre de l’assouplissement
quantitatif, pour spéculer sur les marchés afin de doper leur
rentabilité comme le montre l’augmentation du prix des
matières premières agricoles et du pétrole.
Un effet
positif de cette politique pourrait résulter de la baisse des taux
d'intérêts des hypothèques, ce qui permettrait de
soutenir les prix du marché immobilier.
Mais ce petit
bénéfice pourrait être contrebalancé par des
coûts significatifs. En effet la FED a acheté pour un trillion
de dollars d'hypothèques, dont la valeur chutera en cas de reprise de
l'économie. C'est pour cette raison que les investisseurs
privés ont refusé d'acheter ce type d'actif.
En
résumé la politique d'assouplissement quantitatif sera
incapable de stimuler l'activité, d'autant plus qu'elle rentre en
contradiction avec la politique de relance fiscale : baisse de la taxe sur
les salaires, prolongation pendant 13 mois des indemnités de
chômage et surtout reconduction des baisses d'impôt
accordées par l'administration Bush au plus riche.
Le
retour de « l’économie vaudou »
C’est la
renaissance de « l’économie vaudou »,
terme utilisé par G.W.Bush, concernant la politique économique
de Ronald Reagan lors de la campagne pour l’investiture à
l’élection présidentielle de 1980.
L’idée
est simple : les baisses d’impôt s’autofinancent
grâce au supplément de revenu qu’elles
génèrent. Il s’agit « de la politique
économique de l’offre » (supply siders) qui repose
sur une application littérale de la loi de Jean Baptiste Say :
"l'offre crée sa propre demande", qui ne fonctionne qu'en
situation de plein emploi.
Il est peu
probable que la simulation fiscale ait un effet durable. Elle peut avoir un
effet temporaire sur la demande qui sera vite compensé par
l'augmentation des taux d'intérêts, les taux de
référence des bons du trésor à 10 ans sont en
hausse, à cause de l'augmentation du déficit budgétaire.
En outre, la
hausse des taux d'intérêts aura un effet négatif sur le
marché de l'immobilier.
La politique
économique américaine est incohérente puisque la politique
d'assouplissement quantitatif a pour objectif de faire baisser les taux longs
alors que la politique de relance fiscale a pour conséquence de les
faire augmenter.
Enfin si on
veut avoir une vision pertinente de la situation de l'économie
américaine, il ne faut pas utiliser le ratio dette publique / PIB mais
les ratios dette publique / recettes fiscales et service de la dette /
recettes fiscales qui sont respectivement de 6,8 années et 10 % (au
premier trimestre 2010). On considère, en général, que
la situation est insoutenable au-delà de 5 années ( ratio dette
publique / recettes fiscales.).
La
crise persistante du marché immobilier américain :
Les taux de
saisies n'ont jamais été aussi importants : 2 millions de
maison ont été saisies en 2008, 2,8 millions en 2009 et ces
chiffres devraient être plus élevés en 2010.
La situation
du marché immobilier ne va donc pas s'améliorer. Depuis la
nationalisation de Fannie Mae et Freddie Mac, le gouvernement contrôle
indirectement environ 50% du marché immobilier américain. Le
marché privé a, en partie, disparu (taux
d'intérêts faussés, garanties officielles,
allégement de charges). S'il se retire c'est la rechute assurée.
La FED n'est
plus le prêteur en dernier ressort, mais celui de premier ressort. Le
risque de crédit associé au marché hypothécaire
est assuré par le gouvernement, et celui de marché, par la FED.
Les
interventions du gouvernement américain visent essentiellement
à faire baisser les taux d'intérêts, alors que la
politique de relance fiscale à pour effet de les faire augmenter. Il a
annoncé que ces interventions seraient temporaires, ce qui suppose une
augmentation des taux d'intérêts à terme. Les
détenteurs d'obligations adossés à des
hypothèques seront exposés à des pertes en capital
importantes.
Tant que le
marché de l'immobilier n'est pas stabilisé, il n'y aura pas de
reprise durable de la consommation. En outre, la mobilité
géographique est une vue de l'esprit plus qu'une
réalité, puisqu'il est impossible de vendre une maison sans
enregistrer une perte en capital et donc d'aller s'installer ailleurs. Le
chômage de longue durée va devenir une donnée
structurelle de l’économie américaine.
Si on dresse
un portrait de l'économie américaine, on est frappé par
l'importance du rôle de la dépense publique: la croissance
dépend essentiellement de celle-ci. Dans un an les effets de la
simulation fiscale auront disparu, la politique d'assouplissement quantitatif
aura échouée et la situation du marché immobilier ne
sera guère meilleur. Le chômage sera élevé (au
environ de 9- 10 %) et le déficit budgétaire sera au environ de
8 à 10 %. Les marchés obligataires seront de plus en plus
fébriles, ce qui induit des paiements d'intérêts plus
élevés, ce qui alourdira encore le déficit
budgétaire avec à la clef une baisse potentielle de la notation
de la dette publique américaine.
Si on ajoute,
à cela, que le manque à gagner pour les États
fédérés pour les années budgétaires 2010
et 2011, est estimé au moins à 350 milliards de dollars. On
peut penser que l’extension de la crise de la dette souveraine aux
États-Unis se produira quand le gouvernement sera obligé de
mettre en place un plan visant à éviter le défaut de
paiement d’un État fédéré
En
définitive, comme le démontre Carmen Reinhart et ken Rogoff
dans leur remarquable ouvrage (This time is different), aucun pays ne peut
échapper aux effets délétères d’importants
déficits budgétaires durables, même les
États-Unis.
Faire tourner
la planche à billet permet de gagner du temps mais ne règle pas
le fonds du problème : l’économie américaine est
incapable de créer de la croissance sans faire augmenter son taux
d’endettement global (dette privée plus dette publique
Paul Bara
Blog de la Finance et de l’Economie.com
Paul
Bara a été trader, économiste de marché puis
directeur financier. Il a parallèlement enseigné l'économie
et la finance à Paris X et à l'ENA. Vous pouvez lire
régulièrement ses analyses sur son site en cliquant ici.
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