La
récente tentative de stabilisation de la crise européenne de la
dette repose comme on le sait sur deux piliers : une union bancaire
destinée à surveiller et renflouer les banques, et un programme
de stabilisation du marché de la dette souveraine soutenu par la BCE.
Leur objectif commun est d’enfin maîtriser un
désendettement chaotique menaçant de
dégénérer en permanence.
Mais
ces dispositifs, annoncés encore une fois à grand fracas, ont
vite pris l’apparence de pétards mouillés, faute de
pouvoir être appliqués dans la foulée et en raison
même de leur conception. Les banques allemandes, finlandaises et
hollandaises ne sont pas prêtes à se cotiser pour contribuer
à aider leurs consœurs en péril, et la BCE ne peut
intervenir tant que le gouvernement espagnol continuera de faire
traîner les choses en longueur, soutenu en cela par un gouvernement
allemand prisonnier de ses échéances politiques de
l’automne prochain.
Un
grand dessein, comme les dirigeants politiques les affectionnent tant
– une vision disent-ils – est parallèlement en
préparation. Il vise à renforcer par étapes
l’intégration européenne sous ses aspects fiscaux,
bancaires, économiques et politiques (écartant comme à
l’accoutumée le volet social). Une longue marche est entreprise,
qui va donner du grain à moudre aux dirigeants européens sur
leur terrain d’excellence : celui du compromis bancal. Le tout
présenté comme étant la solution à la crise et
permettant de poursuivre la stratégie de déflation salariale
entreprise. Tout cela tient beaucoup du discours et prétend isoler la
crise de la dette européenne de celle de toute l’économie
occidentale.
Deux
phénomènes perturbent par avance la bonne marche de ce plan
dont le lent rythme de réalisation n’est pas synchrone avec
celui de la crise : l’approfondissement de la récession
européenne et la crise sociale et politique combinée qui monte.
Symbole du premier, l’économie française va selon l’INSEE
continuer de stagner pour le cinquième trimestre consécutif,
augurant mal la concrétisation des projections gouvernementales de
croissance (+0,8 % en 2013) sur lesquelles le budget est bâti. La
fragilité croissante des coalitions gouvernementales grecque et
portugaise, ainsi que celle du gouvernement espagnol créent de leur
côté une situation potentielle de vide inquiétante : il
n’est plus possible de renvoyer le sortant pour promouvoir son
opposant, cela a déjà été fait !
Les
politologues évoquent le malaise qu’ils ressentent sans
l’analyser, pour souligner le danger populiste,
préférant agiter ce repoussoir plutôt que de prendre
l’exacte mesure de ce qui traverse la société et une
opinion publique à qui les dirigeants politiques ont de plus en plus
de mal à en conter. Quant à la crise sociale, elle n’est
pas de leur ressort ! S’il n’a pas de traduction politique, le
désamour ne s’approfondit pas moins. Il donne une nouvelle
dimension à ce qu’il serait erroné de traduire par de la
simple résignation, mais qui doit plutôt être
qualifié de contestation rampante en mal d’expression. À
qui la faute si les gouvernants ne savent pas y apporter de réponse ?
Progressivement,
la crise s’étale géographiquement et acquiert de
nouvelles dimensions. Dernière étape en date, elle est un
mélange inédit de crise sociale et politique.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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