L’hyperinflation n’est pas
qu’un risque économique appartenant à un avenir lointain.. Malheureusement,
le terme est très mal utilisé aujourd’hui, et donc très mal compris. Une
définition est requise.
La raison pour laquelle le
terme « hyperinflation » est largement incompris est assez
simple : le terme « inflation » est mal utilisé. Sans une
bonne compréhension du concept d’inflation, il est impossible de comprendre
ce qu’est vraiment l’hyperinflation.
L’inflation est un
accroissement de la masse monétaire. C’est la définition économique du
terme. Et la seule définition correcte qui existe.
Le terme
« inflation » est utilisé par erreur (ou délibérément pour le cas
des banquiers centraux) pour signifier une hausse du prix des produits de
consommation.. Mais cette inflation des prix n’est que la conséquence directe
de l’acte initial d’inflation, qui est la croissance de la masse monétaire.
Grâce à des décennies de lavage
de cerveaux (et de statistiques frauduleuses), cette distinction simple mais
toutefois importante n’est aujourd’hui plus comprise des gens. Et pourtant,
c’est un concept qui est bien compris par les marchés : le concept de
dilution.
Lorsqu’une société imprime une
nouvelle action, elle dilue sa structure d’actions, et la valeur de toutes
ses parts en circulation diminue proportionnellement. Ce n’est rien de plus
qu’une simple réalité arithmétique. Si une société qui commence avec une base
d’un million d’actions passe à un total de 2.000.000 d’actions, alors la
valeur de toutes ses actions a baissé de moitié. Si nous évaluions le monde
en termes de valeur des actions (ou du papier des banquiers), alors la
dilution de la structure d’actions résulterait automatiquement en une
inflation proportionnelle des prix.
Ce principe s’applique
d’abord, et de la même manière, à notre système monétaire. Si une banque
centrale imprime une nouvelle unité de monnaie fiduciaire non-garantie, elle
dilue la base monétaire, et la valeur de toutes les unités monétaires en
existence diminue en conséquence. C’est le déclin de la valeur de la devise
au travers de cette dilution qui se traduit directement par une hausse des
prix : une inflation des prix. Et pourtant, chose incroyable (pour
laquelle nous devrions remercier nos laveurs de cerveaux), ce concept
élémentaire n’est pas accepté comme vrai. Une allégorie est nécessaire.
Prenons l’île de
Gilligan : un système fermé, et relativement peu peuplé. Mais changeons
un détail. Pour des raisons de simplicité mathématique, imaginons que dix
naufragés se trouvent sur l’île, plutôt que sept.
Des échanges prennent place
entre les résidents de l’île. M. Howell, le banquier de l’île, suggère de
créer une devise locale, grâce à la planche à billets qu’il se trouve avoir
dans sa valise.
Il appelle sa devise le dollar
noix-de-coco, et chaque résident obtient dix dollars noix-de-coco. Plus
aucune unité monétaire n’est créée ensuite, ce qui signifie que notre base
monétaire est complètement plate. Dans ces circonstances, il ne devrait
jamais y avoir d’inflation sur l’île de Gilligan. Jamais.
Les prix en dollars
noix-de-coco sont initialement déterminés par les préférences des résidents,
et à moins que ces préférences changent, les prix demeurent stables, parce
que les quantités de devises en circulation n’augmentent pas – c’est-à-dire
qu’il n’y a pas d’inflation.
Mais les circonstances
finissent par changer. M. Howell, désormais banquier central de l’île,
annonce aux résidents qu’ils ne devraient pas avoir à endurer un mode de vie
si rustre. Il leur promet d’améliorer leur niveau de vie en imprimant plus de
dollars noix-de-coco afin de créer un effet de richesse.
Il offre à chaque résident 40
dollars noix-de-coco supplémentaires. Chaque résident dispose désormais de 50
unités monétaires. Tout le monde se sent plus riche. Mais que se passe-t-il
sur l’île ?
Les préférences des résidents
n’ont pas changé. Marianne fait un gâteau à la noix-de-coco, la coupe en dix
parts égales et, comme à son habitude, les vend à l’unité. Après des
mois/années, le prix d’une part reste d’un dollar noix-de-coco.
Le pêcheur, qui a un bien plus
gros appétit que les autres résidents et dispose maintenant de cinq fois plus
de dollars noix-de-coco dans sa poche, décide d’augmenter le nombre de parts
de gâteau qu’il achète. Il offre à Marianne deux dollars noix-de-coco pour
une part de gâteau. Mais les autres résidents ont aussi cinq fois plus
d’argent dans leur poche, et paient le même prix que le pêcheur afin de pouvoir
maintenir leur propre niveau de consommation. Le prix d’une part de gâteau
passe donc à deux dollars noix-de-coco.
Le pêcheur, qui dispose encore
d’importantes quantités de dollars noix-de-coco, tente une fois de plus
d’augmenter sa part en offrant trois unités monétaires à Marianne. Les autres
résidents en font de même, et le prix par part passe à trois dollars
noix-de-coco. Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit
établi, pour les parts de gâteau de Marianne comme pour tous les autres biens
et services proposés par les résidents de l’île.
Parce que l’offre est fixe,
les résidents de l’île allouent très rapidement l’intégralité de leur monnaie
additionnelle, et de nouveaux prix émergent. Bien évidemment, leur niveau de
vie reste toujours le même. L’effet de richesse n’est qu’une illusion.
L’inflation des prix prend fin, jusqu’à ce que M. Howell décide d’imprimer
encore plus de dollars noix-de-coco – et fasse gonfler la masse monétaire une
fois de plus.
L’inflation ne sort pas de
nulle part. Elle n’est pas créée par des fées, contrairement à ce que les
banquiers centraux voudraient nous faire croire. Elle est toujours
exclusivement le produit de leurs propres impressions monétaires. C’est ça
qu’est l’inflation dans le monde réel. L’hyperinflation, par extrapolation,
est une création monétaire excessive par les banquiers centraux.
Les sceptiques et les avocats
des banques centrales ne sont pas convaincus. Ils pensent que le monde réel
est quelque chose de bien plus complexe que l’île de Gilligan, et que mon
allégorie n’a absolument aucun poids.
Oui et non. Oui, le monde réel
est bien plus complexe que l’île de Gilligan. Non, mon allégorie ne perd pas
de sa validité en conséquence, parce que les principes sous-jacents peuvent
facilement être appliqués au monde réel.
Notre monde réel est un monde
de croissance démographique, et de croissance de l’offre des biens et
services pour répondre aux besoins de cette expansion de la population. Mais
il reste un système fixe. Nous ne vivons pas sur l’île de Gilligan, mais sur
l’île Terre.
C’est ainsi que mon allégorie
se traduit sur l’île Terre. Alors que notre population augmente à un rythme
alarmant (sur une perspective de long terme), le taux de croissance annuel
est très bas, généralement de l’ordre d’un ou deux pourcents. L’offre de
biens et services augmente au même rythme pour satisfaire la demande de la
population.
En termes économiques, ce
principe est appelé « taux de croissance naturel ». Il peut aussi
être décrit comme le taux de croissance durable. Au sein d’un système fini,
qui dispose de ressources finies, une croissance supérieure à ce taux naturel
est à la fois artificielle
et insoutenable.
Dans notre système monétaire,
si les banquiers centraux maintiennent leur création monétaire autour de ce
taux de croissance naturel, alors l’inflation est représentative de ce taux
naturel, et il n’en découle pas d’inflation des prix. Le taux de croissance
de la masse monétaire correspond au taux de croissance de la population et
des biens, et l’équilibre des prix peut être maintenu.
Il est intéressant de noter
que sur le long terme, la croissance de la masse monétaire globale a toujours
été similaire au taux de croissance naturel. C’est l’une des nombreuses
raisons pour lesquelles un étalon or,
c’est-à-dire un système monétaire garanti par l’or, est une base optimale
pour notre système monétaire.
Dérobés de notre étalon or en
1971 par Paul Volcker et Richard Nixon, les banquiers centraux ont été libres
d’imprimer leurs devises
papiers frauduleuses de leur plein gré. Les « menottes d’or »
tant détestées par John Maynard Keynes leur ont été retirées.
Prudemment d’abord, puis avec
abandon, les banquiers centraux ont accéléré leur impression monétaire. Le
graphique suivant en est la représentation :
Comme je l’ai déjà expliqué
par le passé, c’est là la représentation littérale et mathématique de
l’hyperinflation : l’expansion exponentielle et hors-de-contrôle de la
masse monétaire d’une nation. Comme mes lecteurs le savent déjà, la masse
monétaire d’une économie légitime (et son système monétaire) est supposé
représenter une ligne horizontale, comme nous pouvons le voir avec la base
monétaire des Etats-Unis et celle d’autres devises sous l’étalon or.
A partir du moment où ce qu’il
restait de notre étalon or a été éliminé, la ligne horizontale a commencé à
s’incliner vers le haut. C’était alors une preuve mathématique que le dollar,
désormais devenu une simple devise fiduciaire, se trouvait dilué et finirait
graduellement par ne plus rien valoir.
Est ensuite survenu
l’effondrement de 2008. Ce qui était une ligne linéaire grimpante est devenu
une ligne verticale avec la création de nouvelles unités monétaires à un
taux quasi-infini. Quand la ligne horizontale de la base monétaire est
devenue une ligne verticale, nous avons eu la preuve qu’une hyperinflation
s’était installée : la dilution extrême et irréversible d’une devise
jusqu’à ce qu’elle ne
vaille plus rien.