In the same category

L’impensable plan A sur le tapis

IMG Auteur
 
Published : September 27th, 2011
1730 words - Reading time : 4 - 6 minutes
( 3 votes, 3.3/5 )
Print article
  Article Comments Comment this article Rating All Articles  
0
Send
0
comment
Our Newsletter...
FOLLOW : Fmi
Category : Editorials

 

 

 

 

Si l’on doutait encore de la volée de bois vert reçue par les dirigeants européens à Washington en fin de semaine dernière, à l’occasion des réunions du FMI et de la Banque Mondiale ainsi que d’un G20 finance, il fallait écouter Barack Obama affirmant hier dans un forum de la Silicon Valley que la crise de l’euro « effrayait le monde » et Tim Geithner expliquer sur les antennes de la télévision ABC que « durant le week-end, ils ont entendu le monde entier [leur dire] qu’il faut s’assurer de faire tout ce qu’ils peuvent pour rassurer les gens… ».


Standard & Poor’s a apporté sa pierre en évaluant que l’on est près de la limite de ce que les Etats peuvent garantir financièrement via le FESF sans mettre en cause leur notation, une menace déguisée incitant à se tourner vers la BCE pour amplifier leur action.


En dépit du poids de ces amicales pressions, les contours possibles d’un nouveau dispositif de sauvetage du système financier européen sont tout juste identifiés, mais l’on en sait déjà qu’il devrait être tout autrement dimensionné financièrement que l’actuel FSEF, ou le prochain Mécanisme européen de stabilité (MES). Reste à ce qu’il voie le jour.


Il est question d’un à deux milliers de milliards d’euros, qui ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. C’est le montant qui doit être réuni pour sauver l’euro, si l’on veut pouvoir faire face à l’exigence absolue : éviter à tout prix que l’Italie et l’Espagne n’entrent dans la zone des tempêtes, une fois un défaut grec écarté. Pour leur permettre de se soustraire d’une manière ou d’une autre aux tenailles des marchés, tout en renforçant parallèlement les banques qui font face à des menaces oubliées dans le plan de charge. Car, au passage, le secteur bancaire européen bénéficierait à retardement de l’équivalent du TARP, ce plan de 700 milliards de dollars, dont son homologue américain a profité dès septembre 2008 et qui n’a que trop tardé. Dès que les accords du 21 juillet seront ratifiés, le FESF pourra engager ce volet.


Les mécanismes permettant de lever de tels fonds sont à l’étude. Ce n’est pas tant leurs caractéristiques techniques qui posent problème mais plutôt les difficultés politiques qu’ils représentent et l’évaluation de leur futur accueil par les marchés, qu’il faut cette fois-ci convaincre une fois pour toutes. De plus, une chose est que les dirigeants européens soient maintenant lancés et décidés à changer de braquet, autre chose est qu’ils parviennent à se mettre d’accord entre eux dans des délais désormais très courts, d’ici à début novembre pour le G20. La pratique systématique du double langage rend à cet égard difficile l’appréciation de ce qui divise et de ce qui pourrait unir. La ratification par le Bundestag dans deux jours de l’accord socle du 21 juillet prioritaire dans l’immédiat n’arrange rien, car il ne faut pas effaroucher les députés allemands… Chut !


Incités à se faire violence, la coalition allemande et la BCE sont en sous-main à la recherche du montage le plus indolore possible et les discussions vont bon train, depuis la descente de l’avion de Washington. De nombreuses options sont à l’étude, depuis une garantie par le FESF des pertes sur les achats des obligations de l’Italie et l’Espagne, à concurrence d’un certain pourcentage, jusqu’à l’intervention sur le marché secondaire obligataire sans limite par les BCE. Options intermédiaires : la garantie des pertes éventuelles de la BCE par le FESF, ou la création accélérée du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui sera financièrement plus solide, reposant sur des apports en capital plus importants et moins de garanties. Nous ne manquerons pas d’y revenir et d’informer nos lecteurs quand le paysage sera un peu éclairci. En attendant, comme dans une bibliothèque, le silence est de rigueur pour ne pas troubler ceux qui travaillent.


Mais la nouvelle problématique qui s’esquisse appelle à la réflexion, une fois constaté – et enfin admise – l’ampleur des dégâts à réparer, ainsi qu’enregistré que le FMI, pas plus que le FESF actuel, n’est financièrement dimensionné pour y faire face, en dépit du renforcement de ses fonds qui est en cours. Par la force des choses, la voie choisie est donc européenne, ce qui impose un montage consanguin, dont on connaît les risques.


Ainsi, en admettant qu’une heureuse issue intervienne, et qu’un refinancement d’une partie de la dette publique et privée y fasse suite, on s’intéressera à ce qui en résulterait pour la BCE. Si elle devait intervenir pour soutenir le FESF – une fois une licence de banque acquise par celui-ci – la banque centrale prendrait en contrepartie en garantie des obligations souveraines. Cela reviendrait, est-il souligné par les mauvais esprits, à en faire une très grosse bad bank. La Fed s’est prêtée à ce rôle en achetant des quantités de titres adossés à des crédits hypothécaires et de dette souveraine, mais le reproduire, même indirectement, serait pour la banque centrale européenne une véritable transgression.


Elle remplit déjà un peu ce rôle, en ne regardant sans doute pas toujours de trop près la qualité des actifs qu’elle prend en garantie, mais il s’agirait cette fois-ci de procéder en grand, en très grand. Un gros défaut qui explique que d’autres solutions sont activement recherchées. On voit toutefois mal comment la BCE pourrait ne pas être partie prenante du nouveau mécanisme étudié, étant donné les sommes en jeu, car les marchés se prêteraient difficilement à de nouvelles simagrées.


Être le sauveur à un prix qui aura une réciprocité, à chercher sur le terrain de la bonne gouvernance de l’Europe. Herman van Rompuy y œuvre activement dans la coulisse, tentant de lier un solide dispositif à la perspective d’une émission ultérieure d’euro-obligations quand il sera opérationnel. La nécessité de la révision du Traité de Lisbonne hante toutefois ce dossier, car elle est considérée comme à très haut risque.


Une prédiction peut être tentée sans par contre prendre exagérément de risque : plus il va être tenté de prendre en compte toutes les contre-indications politiques des options du nouveau dispositif, plus son montage final retenu va être tarabiscoté et fragile !


De son côté, la dette américaine va refaire couler prochainement beaucoup d’encre (une expression désuète qu’il faudrait peut-être abandonner). L’opération « Twist » de 400 milliards de dollars que la Fed vient de décider correspond à un réaménagement de son portefeuille de titres de la dette américaine. Elle a pour objectif déclaré de faire baisser les taux des obligations longues, afin d’abaisser le coût du crédit aux entreprises et aux particuliers – qui y est indexé ou en résulte, le crédit hypothécaire en particulier – et de favoriser ainsi la relance. Vu son précédent, qui date de 1960, des miracles ne peuvent cependant pas en être attendus, ce qui laisse supposer que cette mesure poursuit en réalité un autre objectif.


On peut ainsi émettre l’hypothèse qu’il s’agit de suppléer à une demande insuffisante pour les obligations longues, constatée ou à venir, les investisseurs américains ayant de tout temps préféré les maturités courtes et les étrangers pouvant se détourner des longues, auxquelles ils ont de longue date souscrit. Même si, aujourd’hui, les titres de la dette américaine sont une valeur refuge et leur taux à la baisse, en raison de la demande crée par la crise européenne. Or, les obligations longues ont comme avantage par rapport aux courtes de mieux préserver le roulement de la dette américaine des aléas du marché, qui pourrait se retourner et accentuer la crise de la dette américaine si les taux grimpaient. Réaménager le portefeuille de la Fed, c’est donc permettre au Trésor de poursuivre le renforcement de la dette déjà engagé par ses soins, en accroissant sa maturité moyenne, dans la crainte d’un avenir difficile.


De fil en aiguille, cela induit l’idée que si l’acte II de la crise a commencé en Europe, l’acte III pourrait débuter ainsi aux Etats-Unis, une fois de plus sans attendre la fin du précédent, les marchés en venant à s’intéresser de plus près à la question. La dégradation de la note américaine n’a certes pas produit d’effets – à nouveau en raison de la crise européenne – mais ce pourrait n’être que partie remise.


La dette publique a cet inconvénient d’être très visible et aisément chiffrable, tandis que la dette privée est plus souterraine, compagne attitrée de produits financiers douteux dans des marchés opaques. Elle offre donc une cible de choix, des deux côtés de l’Atlantique.


La crise en cours dans le monde occidental peut se résumer dans sa manifestation principale à celle d’un désendettement impossible : la dette accumulée est trop importante pour être résorbée dans le cadre de l’économie réelle, encore moins avec la croissance atone de prévue. Il n’y a donc que deux issues : soit un montage financier qui finance son roulement et repousse le problème en l’étalant, soit sa restructuration, dont les milieux financiers ne veulent pas plus que de la relance de l’inflation.


A chacun sa dette et son fardeau, les Américains ont celui du crédit hypothécaire, qu’ils n’ont que très partiellement vendu aux banques européennes et que la Fed et le Trésor financent forcés et contraints, sans qu’aucun signe tangible de renaissance du secteur ne soit discernable. Les Européens tentent quant à eux d’être à l’avant-garde, en expérimentant dans leur contexte la première solution : un montage financier que l’on peut déjà qualifier d’acrobatique. Les américains ont via la Fed acheté pour 2.300 milliards de dollars un mixte d’obligations de l’Etat et de titres émis par Fannie Mae et Freddie Mac – et ce n’est pas nécessairement fini, aux dernières nouvelles – s’accrochant à leur privilège monétaire qui remplit encore cette fonction, mais pour combien de temps ?


Que ce soit à froid et au terme d’une transition ordonnée, comme le voudraient les Chinois, ou à chaud et dans la crise, en dépit des manoeuvres américaine pour le retarder, cet artifice ne pourra pas être préservé en raison du basculement économique irréversible que connaît la planète. Quant à elle, la crise américaine de la dette progresse à son rythme, ce qui ne l’empêche pas d’être inéluctable ; elle est facilement susceptible de connaître de nouveaux et brusques accès de fièvre, comme il en est craint dans le secteur du crédit commercial immobilier.


Mais n’anticipons pas le début de l’Acte III, il y a déjà fort à faire avec l’acte II !



Billet rédigé par François Leclerc

 

 



<< Previous article
Rate : Average note :3.3 (3 votes)
>> Next article
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Comments closed
Latest comment posted for this article
Be the first to comment
Add your comment
Top articles
World PM Newsflow
ALL
GOLD
SILVER
PGM & DIAMONDS
OIL & GAS
OTHER METALS
Take advantage of rising gold stocks
  • Subscribe to our weekly mining market briefing.
  • Receive our research reports on junior mining companies
    with the strongest potential
  • Free service, your email is safe
  • Limited offer, register now !
Go to website.