|
Il faut sans doute revenir sur ce
G7 de Rome, non pas en raison de ce qu’il a décidé, pas
grand chose, ni même de ce que son communiqué a occulté
de la réalité des discussions qui y ont néanmoins eu
lieu, mais bien pour tout ce qu’il n’a pas décidé
et laissé en plan.
Certes, comme il a
été relevé, le G7 n’est plus ce qu’il
était. Il est devenu le « back seat
», le siège arrière du G20 écrit l’agence
Bloomberg, qui cite Paul Martin, ancien premier ministre et ministre des
finances canadien, qui a contribué à mettre sur pied le G20 il
y a une dizaine d’années. « Le monde a changé
(…) le G20 reflète la réalité de
l’économie globale. Ses ministres des finances deviennent les
principaux décideurs ».
Mais il n’empêche, il
était attendu plus de cette réunion des principales puissances
occidentales, comme il a été espéré plus du plan
de Timothy Geithner quelques jours auparavant.
Pourquoi ces deux déceptions successives ? En raison de la
disproportion constatée entre la crise financière et ses
conséquences économiques d’une part (je pense
particulièrement au Japon, mais la liste des pays très atteints
s’allonge tous les jours), et la timidité des mesures
annoncées d’autre part. Avec pour conséquence
immédiate des doutes profonds sur leur efficacité et des
craintes sur la suite.
Constater l’effondrement
d’un système peut être réjouissant pour ceux qui le
dénonçaient vainement, penser que l’on va se trouver sous
ses décombres est néanmoins peu plaisant.
Revenons sur le plan Geithner. Un article de The Economist
en a expéditivement fait le tour le 12 février dernier, en
quelques paragraphes sans appel. Que montre-t-il, sans le souligner
explicitement ? Que le montage compliqué – dévoilé
uniquement dans ses très grandes lignes – destiné
à faire le ménage des actifs toxiques, repose sur une confiance
dans la réaction des marchés, dont la participation est
sollicitée aux côtés de celle de l’Etat. Mais, en
même temps, qu’aucune confiance n’est accordée
à ce même marché, puisqu’il est prévu de
faire subir aux plus grosses institutions financières des «
stress tests », destinés à révéler ce
qu’elles cachent désespérément, la valeur
réelle de leurs actifs. Il n’est d’ailleurs pas
évident, pour faire un aparté, que le résultat de ces
tests sera rendu public ultérieurement. Ni que le détail des
mesures d’incitation prises par l’Etat afin de convaincre les
investisseurs d’y aller sera une fois mis au point disponible au grand
jour.
Il ne faut pas se méprendre
sur la réaction fulgurante et négative des marchés,
enregistrée à Wall Street, ni sur l’indignation
qu’elle a suscitée chez Barack Obama. Ce que les marchés attendaient, sans
prononcer le terrible mot qui commence par un « N »,
c’était une nationalisation des pertes, afin de pouvoir
réinvestir leur playground, la sonnerie du
début de la récréation. Il n’est pas certain que
la réaction de Barack Obama
ait uniquement exprimé un calcul politique destiné à
cultiver sa popularité, anticipant des mesures qui y contribueront
moins dans l’avenir, quand l’heure des additions sera venue. Il
donnait l’impression d’être outré devant tant
d’ingratitude des banques, vu le deal discret qui leur était
proposé de négocier. Comment, ils en veulent plus encore ?
Il ne faut pas non plus se
tromper, les hésitations, les silences, les reculs que nous
enregistrons, les mesures qui sont finalement prises dans l’urgence et
le désordre, sont bien plus l’expression d’un réel
désarroi, d’une incapacité à forcer le destin et
à culbuter les obstacles, les esquives, les refus et les dénis
dans son propre camp, que d’un quelconque calcul. Il s’agit,
quand même, d’un contre-pied majeur. De quoi être
déséquilibré, de ne plus savoir à quel saint se
vouer quand les dogmes les plus intangibles se sont effondrés.
Dernièrement, Michael Gorbatchev, qui restait un peu
écouté partout sauf dans son pays, mais devrait
l’être encore plus dorénavant pour avoir rencontré
une telle situation d’effondrement, rappelait qu’il avait
reçu une « standing ovation » lors d’une
conférence prononcé dans une université
américaine, en expliquant que c’était au tour des USA de
réaliser leur « perestroika »
(mot devenu magique qui signifie restructuration en russe). C’est le
quotidien financier La Tribune qui lui a donné l’occasion de le
rappeler.
Beaucoup de qualificatifs sont
utilisés dans les médias pour parler de la crise actuelle, dans
sa démesure et en raison de l’incertitude qu’elle propage.
Mais il est un terme qui ne l’a pas encore été et qui
pourtant le mériterait, celui d’« implosion » que
Paul Jorion utilisa comme titre pour son
deuxième ouvrage consacré à la crise (*). Il
représente l’image d’un système qui
s’effondre sur lui-même. Avec effet dévastateur garanti.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
pauljorion.com
(*) Un «
article presslib’ » est libre de
reproduction en tout ou en partie à condition que le présent
alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion
est un « journaliste presslib’ »
qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui
tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé
durant les dix dernières années dans le milieu bancaire
américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il
a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie
(Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La
Découverte : 2007).
|
|