Nous avons
indiqué que la montée au créneau des clubs de football
contre la taxe à 75% n’était pas le fruit du hasard. Elle
est liée à leur modèle d’affaires qui ne leur
permet pas les mêmes leviers d’optimisation fiscale que les
autres entreprises et sportifs individuels. Ceci montre le caractère
discriminatoire de cette taxe qui visera notamment les clubs de football
français (pour l’instant le club AS. Monaco reste
protégé par la convention fiscale franco-monégasque). C’est
précisément parce qu’ils ne voient pas comment contourner
à terme le filet fiscal tendu par le gouvernement qu’ils ont
menacé d’entreprendre une grève et qu’ils
souhaitent poursuivre des négociations sur le sujet.
Un autre
détail intéressant à noter est que le Président
de la République lui-même a tenu à préciser
qu’il n’y aurait pas d’exception en ce qui concerne le
football. Ceci est en rupture avec ses précédentes reculades
à la moindre protestation, y compris dans le cas de la hausse de la
TVA sur les centres équestres.
D’où vient donc cette résistance sur le dossier du
football, d’autant que, de toute évidence, la taxe à 75% ne
sera pas une panacée pour remplir les caisses de l’État ?
La
réponse à cette question doit être recherchée dans
le rôle symbolique de cette taxe. Le gouvernement y tient car depuis la
campagne présidentielle de 2012, le chiffre de 75% est devenu la
marque du gouvernement au point que l’ensemble de son projet politique semble
concentré dans ce chiffre magique. En France comme à
l’étranger, le nom du Président Hollande et de son
exécutif sont inévitablement associés au projet fiscal
ainsi chiffré. Naturellement, le gouvernement lui-même semble
donc concentrer tous ses efforts de communication sur cette mesure et
s’attache à effacer tout soupçon de recul car, aussi
ironique que cela puisse paraître, un échec de ce projet serait
perçu comme un échec du gouvernement lui-même.
Des
négociations avec les représentants des clubs de foot ont ainsi
été entamées et représentent un véritable
casse-tête car il s’agit de comprendre comment appliquer la taxe
sans en faire ressentir ses effets. En d’autres mots, il s’agit
de l’annuler sans en avoir l’air. La tâche semble
compliquée, mais de nombreux paramètres sont à prendre
en compte. Comme l’on pouvait s’y attendre, les
négociations en cours entre les clubs de football et le gouvernement
ont mis en chantier l’ensemble du modèle économique du
secteur.
En haut de l’agenda des négociations il y a le plafond,
qui devrait limiter le montant de la taxe. Plus récemment, on a
évoqué le chiffre de 5 % du chiffre d'affaires, ce qui permettrait par exemple au PSG (le
club le plus touché) de réduire sa facture fiscale à 20
millions d’euro au lieu des 45 millions qu’il aurait dû
payer pour la vingtaine de ses salariés
gagnant plus d’un million d’euro. Il s’agit maintenant
d’identifier des solutions pour permettre aux clubs de compenser ces
pertes nettes.
Dans les négociations, on retrouvera
certainement d’une manière implicite (car comme on vient de le
souligner, l’objectif est toute de même de ne pas communiquer
à ce sujet), plusieurs affaires comme la question des stades en
construction pour l’Euro 2016, qui prévoit de nouvelles
arènes à Lyon, Nice, Lille et
Bordeaux ainsi que des rénovations importantes à Marseille et
Paris. Puisque dans ces cas, il s’agit d’engagements de la part
des pouvoirs publics qui ne sont plus négociables, les clubs
pourraient obtenir une augmentation des subventions pour ces travaux afin de
compenser les pertes des clubs liées à la nouvelle taxe.
Les clubs pourraient
aussi songer à un système alternatif de
rémunération des salariés, comme cela avait
été le cas avant 2010 grâce aux droits à l’image collective (DIC).
Enfin, une baisse de la TVA, ou encore une augmentation du plafond des aides
des collectivités locales (actuellement limité à 2,3 millions d'euros par an) pourraient
faire l’objet de nouvelles négociations.
En conclusion,
il faut noter que l’introduction de la taxe à 75% ne fait que
souligner la complexité du système fiscal français et,
par répercussion, la complication du modèle d’affaires
des entreprises. Car, rappelons-le, les clubs de foot ne vivent pas
uniquement de recettes privées. Comme l’avait clairement montré
un rapport de la Cours des Comptes en 2009,
ils vivent aussi d’importantes subventions publiques. La remise en question du modèle
économique des clubs pourraient les rendre encore plus
dépendants de ces subventions.
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