Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
J’explique depuis plusieurs années qu’attendre la
croissance, enfin son retour, même si notre Normal 1er pense avoir
aperçu la reprise, est une illusion.
La croissance c’est fini, il n’y en aura plus, ou en tout
cas pas comme nous la pensons jusqu’à présent et pour
plusieurs raisons.
La
répartition des profits est indispensable
La croissance est liée à la notion de répartition
des profits et de la création de richesse. La croissance est un
« être » économique complexe. Très complexe
même. Pour qu’il y ait création de richesses futures, il
est nécessaire d’avoir une répartition optimale des
richesses présentes (nous éviterons le mot "juste"
qui n’a aucun sens). En clair, c’est parce qu’il y a des
consommateurs solvables que les entreprises peuvent vendre ce qu’elles
produisent. Point de croissance sans consommateur solvable, or le
consommateur solvable devient une espèce en voie de disparition ces
derniers temps.
Les consommateurs solvables disparaissent sous la double pression de
la mondialisation et de ses cohortes de délocalisations (je rappelle
que délocaliser pour payer le même salaire n’a aucun sens,
donc une entreprise qui délocalise le fait pour pouvoir verser des
salaires de misère participant ainsi à la réduction du
pouvoir d’achat global des consommateurs au niveau mondial), mais
également des progrès techniques qui nécessitent de
moins en moins de bras pour créer les nouvelles richesses. Moins de
bras, égal moins de bras payés, égal réduction de
la masse de consommateurs solvables donc, in fine, baisse de la croissance.
Mais ce n’est pas tout.
L’ère
de la rareté
Comme je le dis et je le répète, le monde, avec plus de
7 milliards d’habitants (de moins en moins solvables), est entré
dans une période de raréfaction des ressources. Moins de
matières premières, difficultés à augmenter les
rendements agricoles, etc. Bref, sans parler de rationnement, il faudra
devenir beaucoup plus économe et frugal… Ce qui est de facto le
cas grâce à la crise économique mondiale qui
réduit la consommation de chacun.
Le plus grave dans tout cela c’est bien entendu les prix de
l’énergie. Nous sommes « oléo-dépendant
». Tout dans notre économie de consommation de masse
nécessite des masses d’énergies dont aucune n’est
fondamentalement satisfaisante. Le nucléaire est très dangereux
puisque sur environ 300 réacteurs nucléaires en service, nous avons
connu trois accidents majeurs aux conséquences dramatiques et
internationales, soit un taux d’échec d’environ 1 %. Appliquée à
n’importe quelle industrie, un tel taux d’erreur serait
insupportable. Imaginez 1 % des mangeurs de camembert tués par leur
fromage préféré…
Les énergies renouvelables sont une bien belle idée,
néanmoins cela fonctionne mal. Le panneau solaire ce n’est que
la journée, l’éolienne que lorsqu’il y a du vent,
bref, ces énergies sont coûteuses et ne sont pas
forcément disponibles lorsque l’on en a besoin, sans oublier que
leur bilan écologique n’est pas forcément brillant.
Il nous reste donc les énergies fossiles avec le pétrole
et le gaz. Évidemment, pour tout ce qui est transport routier,
fluvial, maritime, le pétrole est indispensable, de même que
pour les usages agricoles. Bref, toute augmentation importante du prix du
pétrole viendra fracasser toute velléité de reprise de
la croissance.
Actuellement, alors que l’activité économique est
faible, qu’elle ralentit dans les pays émergents, qu’elle
patine aux États-Unis et qu’elle s’effondre en Europe, les
prix du baril du pétrole se maintiennent à des niveaux jamais
vus lorsqu’il y a aussi peu de croissance.
Le miracle
des gaz de schiste est un mirage !
Alors nombreux sont ceux à s’esbaudir sur la production
de sables bitumineux au Canada. Pour visualiser ce que cela signifie, je vous
propose d’aller jeter un œil sur le dernier numéro de
Capital, dans la rubrique "L’économie en image". Vous
aurez les photos de ce progrès pour l’humanité que
représente l’exploitation de sables bitumineux. Cautionner une
telle exploitation est absurde. Nous sommes en train de nous tuer et de tuer
les générations futures pour continuer à acheter des
trucs complètement inutiles qui n’ont jamais apporté le
bonheur à qui que ce soit.
Reste les gaz de schiste. Évidemment, ils sont un enfer
environnemental et détruisent nos réserves d’eau
potables. C’est complètement là aussi absurde.
Mais il y a plus grave. Il faut creuser des milliers de dizaines de
milliers de puits qui s’épuisent à une vitesse folle, la
durée de vie d’un puits de gaz de schiste
n’excédant pas cinq ans et ne dépassant
généralement pas trois ans. D’ici 5 ans, les gaz de
schiste seront un miracle qui se sera évanoui ou presque.
Enfin, il faut noter que malgré le miracle tant vanté
des gaz de schiste et autres pétroles non conventionnels, les prix du
baril de pétrole se maintiennent largement au-dessus des 100 dollars.
Or un baril durablement au-dessus de 100 dollars casse toute reprise
économique que notre Hollandouille est
vraiment le seul à voir !
Mais ce n’est pas tout !
Le poids des
dettes
Comme l’être humain est ainsi fait qu’il
n’anticipe jamais rien – d’ailleurs dès que
l’on anticipe, on devient vite un pessimiste ou encore un « complotiste » –, nous nous sommes donc tous
(aussi bien dans le monde anglo-saxon qu’en Europe) endettés
massivement pour ne pas lever en impôts immédiatement le
véritable coût de nos dépenses, en imaginant que la
croissance future nous permettrait d’absorber et de camoufler tout
ça tranquillement.
Évidemment, ce qui était prévisible
s’avéra réel. Dans un monde où la croissance est
très faible voire inexistante, il devient très difficile de
payer ses dettes.
Le principe mathématique de l’affaire est assez simple
à comprendre. Imaginez une dette sur PIB de 100 % (le cas de la France
en 2014). Si les intérêts de la dette sont de 3 %, alors il nous
faut 3 % de croissance du PIB pour financer seulement le poids de la dette.
Pour avoir de la véritable croissance, il nous faudra donc plus de 3 %
puisque jusqu’à 3 % de croissance, tout sera absorbé par
le poids de la dette (en gros).
Autant vous dire que même si Hollandouille
voit la reprise venir, cela ne changera rien à l’état
épouvantable de notre pays et des indicateurs qui prouvent tous, tous,
que tout retour de la croissance ici comme ailleurs est devenu impossible, en
tout cas dans sa forme que l’on connaissait jusque-là.
Il y a un
avenir !
Tout cela étant dit, je fais partie de ceux qui pensent
qu’il y a un véritable avenir. Que nous pouvons imaginer une
autre façon de vivre, plus vraie, moins consommatrice, le bonheur de
l’homme n’ayant jamais été dans la consommation.
Nous n’avons jamais eu de technologies aussi puissantes et utilisables
par le plus grand nombre. Nous pouvons vivre localement, produire localement
et pourtant tous posséder une ouverture sur le monde global avec la
fenêtre que représente Internet.
Nous allons tout simplement devoir réinventer notre
façon de vivre, ce qui est important et ce qui ne l’est pas,
définir ce qui doit croître et ce qui doit
décroître.
Vous trouverez dans l’édition d’aujourd’hui
du Contrarien deux vidéos de quelques
minutes. L’une nous vient de Grèce et nous montre comment des
jeunes, des vrais jeunes, pas des crétins de voyous
décérébrés, veulent changer le monde et veulent
être le changement. La deuxième se passe chez nous.
Un mouvement fort est en route et il représente un message
d’espoir pour chacune et chacun d’entre nous. Nous pouvons
changer les choses. Il n’y a aucune fatalité. Beaucoup se
pensent impuissants, pourtant il appartient à chacun de nous de faire
les choix nous permettant d’être le changement pour un monde plus
humain.
Encore faut-il avoir le courage de briser les chaînes invisibles
qui nous emprisonnent tous. Certains ont la force de le faire. Vivre
autrement est possible. Ils nous le montrent. Alors… vive le
peuple !
Ce soir, j’avais envie d’être optimiste. Pour une
fois !
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
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