L’idée que les politiques
d’assouplissement quantitatif de la Fed ne stimulent pas directement la masse
monétaire des Etats-Unis demeure populaire, bien qu’elle soit évidemment
erronée. C’est assez remarquable. Ce qui l’est plus encore, en revanche,
c’est que cette idée fausse soit aussi partagée par des analystes
habituellement perspicaces, une réalité qui m’a été remémorée par un article de Doug Noland (en Anglais).
L’article de Noland contient
la citation suivante de Russel Napier. Elle est assez extraordinaire, en
raison d’abord du grand nombre d’erreurs qui se sont introduites dans si peu
de lignes, mais aussi de la confiance suprême avec laquelle ces mauvaises
informations sont transmises et du fait que Russell Napier soit habituellement
un excellent analyste.
« Une majorité des
investisseurs pensent encore que nous vivons dans un monde de devises
fiduciaires. Ils pensent que les banquiers centraux peuvent imprimer autant
d’unités de devises qu’ils le jugent nécessaire. Ce sont des vérités qui font
la Une de tous les journaux financiers, et qui contiennent pourtant autant de
réalité que les gros titres que leurs cousins les tabloïdes. La croyance en
cette capacité de créer de la monnaie est la plus grave erreur jamais
identifiée par cet analyste. La première réalité qu’elle ignore est le fait
que la monnaie, avec laquelle nous achetons des produits et des actifs, est
créée au travers d’une expansion des bilans des banques commerciales, et non
des banques centrales. Les bilans des banques centrales n’ont pas accru la
croissance de la masse monétaire dans le monde développé. Et jusqu’à ce que
cela se produise, les politiques monétaires du monde développé devront être
observées comme étant restrictives et non laxistes. »
Cette citation est un spectacle
époustouflant d’ignorance quant au mécanisme des politiques d’assouplissement
quantitatif de la Fed. Mais Doug Noland la perçoit comme une « analyse
bien pensée et de grande importance ». Comme on dit en Thaïlande,
« Oh mon Bouddha ! » Doug Noland, un analyste intelligent de
plus à avoir mal compris la relation entre les politiques de la Fed et la
masse monétaire américaine.
Le processus de création
monétaire de la Fed n’est pas si compliqué. Il n’existe certainement aucune
bonne raison qui justifie qu’un analyste des marchés financiers ne soit pas
familier avec lui ou ne le comprenne pas. J’ai expliqué ce processus en
détails dans un billet publié sur mon blog le 16 février.
En plus de cela, même un
analyste qui ne comprend pas le fonctionnement du processus d’assouplissement
quantitatif devrait être capable de se rendre compte, grâce à un simple coup
d’œil à la masse monétaire et aux chiffres du crédit bancaire, que bien plus
de monnaie a été créée aux Etats-Unis au cours de ces dernières années que ne
peut l’expliquer l’expansion des bilans des banques commerciales. Par
exemple, la ligne rouge sur le graphique ci-dessous montre qu’entre le début
de l’année 2009 et jusqu’à la fin 2011, la quantité totale de crédit des
banques commerciales n’a augmenté que de 100 milliards de dollars (depuis 9,3
jusqu’à 9,4 trillions de dollars). La ligne bleue montre en revanche que sur
la même période, la masse monétaire des Etats-Unis (devises en circulation
en-dehors du système bancaire + dépôts à vue des banques commerciales +
dépôts d’épargne des banques commerciales) a augmenté de 2,4 trillions de
dollars. S’ils ne sont pas venus de la Fed, d’où sont issus ces 2,3 trillions
de dollars d’expansion monétaire qui ne peuvent pas être expliqués par les
bilans des banques commerciales ?
Ce n’est pas une coïncidence
si l’écart entre la hausse du volume de crédit des banques commerciales et la
croissance de la masse monétaire est approximativement identique à la hausse
du crédit de la Fed. Ce n’est pas une coïncidence, parce que la Fed a créé
cette monnaie.
|