La
mauvaise haleine de l’ère des taux à zéro pourcent se fait sentir sur
l’économie réelle.
Au plus grand chagrin du
gouvernement, la Chine voit exploser un secteur d’exportation particulier :
la fuite de capital.
De peur de voir le yuan
dévalué davantage et de voir s’intensifier la répression de la corruption et
les purges politiques, les Chinois les plus fortunés tentent de placer une
partie de leur argent en lieu sûr. Selon les estimations, les flux sortants de capital ont
triplé pour atteindre 113 milliards de dollars entre les mois d’octobre et de
novembre.
Pour soutenir le yuan
face à ces fuites de capital, la Banque populaire de Chine a vendu des
devises étrangères et des bons du Trésor américain. En conséquence, ses réserves de devises étrangères ont perdu 87 milliards
de dollars en novembre pour passer à 3,396 trillions de dollar, leur niveau
le plus bas depuis février 2013. L’exportation de capital est un secteur en
expansion en Chine.
Selon l’Administration
douanière chinoise, les autres exportations n’ont pas été aussi chanceuses.
En novembre, elles ont perdu 6,8% (3,7% en termes de yuans) sur un an après
un déclin de 6,9% en octobre. Elles sont en baisse pour un cinquième mois
consécutif, ce qui indique un déclin de la demande globale en produits
chinois.
C’est ce que nous montre
l’indice PMI manufacturier Caixin, qui se penche sur l’activité
manufacturière en Chine au travers de l’étude d’indices directeurs des achats.
Il est désormais en contraction depuis neuf mois.
La Chine n’est plus un
producteur à faible coût et à la devise sous-évaluée. Le yuan est
essentiellement rattaché au dollar et continue de gagner de la valeur à
mesure que grimpe la devise américaine, à l’exception de quelques
dévaluations qui restent limitées. La Chine fait face à un affaiblissement de
la demande globale ainsi qu’à une devise liée de très près à celle de ses
clients.
Les importations chinoises
ont décliné de 8,7% sur un an (5,6% en termes de yuans), et chutent
aujourd’hui pour un douzième mois consécutif ; un signe de
l’effondrement des prix des marchandises et de l’affaiblissement de la
demande en Chine.
Cette réduction des
importations a beaucoup frappé l’industrie des transports maritimes qui très
récemment encore faisait l’objet d’un afflux d’argent gratuit issu des
politiques monétaires globales. Les sociétés de transports maritimes se sont
lancées dans une campagne d’expansion au cours de ces sept dernières années. Drewry
estime que la capacité de la flotte globale des transports gonflera de 8%
supplémentaires cette année, contre une hausse de la demande de seulement 1%
- sa hausse la plus faible depuis 2009.
Les livraisons par voie
maritime se sont effondrées. L’indice chinois de transport par containers (CCFI) a perdu 4,3% la semaine dernière pour passer à
718,58, qui marque un record historique à la baisse.
L’indice hebdomadaire,
opéré par le Shanghai Shipping Exchange, qui étudie les taux contractuels et
du marché au comptant appliqués aux livraisons par containers depuis les plus
gros ports de Chine vers 14 régions du monde, n’est pas joli à voir en
comparaison aux chiffres officiels.
Il a plongé de 33%
depuis le mois de février, et de 28% depuis sa mise en place en 1998, alors
que son niveau était fixé à 1.000. Voici à quoi ressemble cet
effondrement :
Le taux de transports
par containers n’a augmenté la semaine dernière que sur deux des 14 routes
maritimes (Asie du sud-est et Australie/Nouvelle-Zélande). Les taux des douze
autres routes ont baissé, avec -8,6% pour l’Europe du nord, -1,9% pour la
côte ouest des Etats-Unis, et -3,6% pour la côte est des Etats-Unis. Les
livraisons vers la Méditerranée ont perdu 14,5%.
C’est ainsi que se
traduit la stratégie de gonflement des prix des actifs employée par les
banques centrales, qui ne cessent d’imprimer de la monnaie et de forcer les
taux d’intérêt en-dessous de zéro. La conséquence en a été sept années d’apport
de dette peu chère à toutes sortes de secteurs, depuis les transporteurs de
containers jusqu’à la production de schiste aux Etats-Unis, ou encore la
construction de villes fantômes en Chine.
En émettant cette dette,
les entités gouvernementales et sociétés ont porté leurs bilans jusqu’à des
niveaux précaires. Mais cette dette est un actif aux yeux des banques et des
investisseurs qui, parce qu’ils croient en les politiques endossées par les
banques centrales, portent sur leurs épaules des risques immenses en échange
de rendement extrêmement faibles.
Pendant un temps, ces
activités d’expansion de la flotte commerciale globale – de la même manière
que l’expansion des usines de ciment, de mines de cuivre, etc. – ont fait
gonfler le PIB. Cela a fait partie du projet de « reprise » des banques
centrales après la crise. Mais lorsque cette capacité s’est transformée en
surcapacité et que les taux se sont effondrés, la mauvaise haleine des taux
d’intérêt à zéro pourcent s’est faite sentir sur l’économie réelle : les
revenus et marges se sont effondrés, les licenciements se sont multipliés,
des sociétés ont mis la clé sous la porte, ont fait défaut ou ont déclaré
banqueroute, et du capital a été détruit.
Un scénario similaire se
développe aux Etats-Unis : bien que le déficit commercial soit dans l’ensemble
assez catastrophique, le déficit commercial des biens (services exclus) est
dans un état plus piteux encore. Les échanges pétroliers couvrent à peine la
situation décevante des échanges de biens non-pétroliers, et à quel point ils
ont plongé ces derniers mois. L’industrie américaine est en déclin. Voyez
ceci : US
Exports & Manufacturing Debacle Covered up by Oil
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