L’ineptie de la Gestion Publique

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Published : August 15th, 2005
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  La gestion publique ou bureaucratique est fondée sur la loi et le règlement. Cette loi, cependant, est vague et changeante. Certains prétendent qu’elle a pour but de satisfaire les besoins de la majorité, d’autres, les besoins les plus importants, d’autres encore, les besoins que le marché ne saurait offrir. N’existe-t-il pas de loi claire à cet égard? Si oui, pourquoi ne pas l’utiliser? Sinon, quelles sont les conséquences de cette gestion?

 

La gestion bureaucratique et son incapacité à satisfaire les besoins

 

          Dès lors qu’on cherche à établir une juste affectation des ressources, ou selon l’expression consacrée, à satisfaire les besoins, on doit recourir à un principe universel, c’est-à-dire une loi qui ne porte préjudice à personne. Cette loi est le respect de la propriété ou, plus précisément, la non-agression de l’individu et de ce qui lui appartient. Considérant que l’État soutire les ressources des uns pour satisfaire les besoins des autres, cette procédure ne saurait trouver une application universelle. Peut-elle satisfaire la majorité?

          Prétendre que la majorité est satisfaite des « programmes sociaux » limite la satisfaction à l’offre de services tout en essayant d’en justifier le contrôle par l’État. Or, ce n’est pas parce que les gens ont besoin de services qu’ils ont besoin de l’État. L’importance des besoins à satisfaire ne saurait être évoquée pour le justifier, car c’est le marché qui offre la nourriture, les logements et les vêtements; besoins on ne peut plus essentiels. Détenir le monopole sur l’offre des services ne peut satisfaire la majorité que si elle croit qu’il ne peut en être autrement. Elle devrait être en mesure de réaliser que les choix sont plus nombreux dans un contexte de concurrence étant donné que la quête de profit n’y est pas interdite comme dans plusieurs monopoles d’État.

          Un monopole d’État n’offre guère de choix et la qualité des services dont il a le contrôle ne saurait être maintenue longtemps, car elle s’établit au détriment d’autres services qui peuvent être considérés plus importants selon la situation particulière des gens. Ce processus est destructeur de richesse, infantilisant et injuste. Nul n’est mieux placé que l’individu pour identifier et satisfaire ses besoins, qui changent constamment. Par conséquent, on ne peut conclure que l’État satisfait les besoins de la majorité, si ce n’est que de façon rudimentaire et jamais pour longtemps.

          Le « fonctionnaire » (au sens large: tout employé du secteur public) ne pouvant satisfaire ni les besoins de tous, ni ceux de la majorité, il finit par répondre à la réglementation et aux cibles qu’on lui impose; lesquelles, lorsqu’elles sont atteintes, ne satisfont souvent que lui-même et son employeur. Par exemple, quelle satisfaction un contribuable peut-il tirer de savoir qu’un agent d’aide à l’emploi a atteint les objectifs qu’on lui impose, à savoir: rencontrer un certain nombre de clients par semaine, distribuer des subventions et référer un nombre déterminé de prestataires à diverses mesures de formation? Le nombre de clients rencontrés et référés est-il un gage d’efficacité?

          Que cherche-t-on à établir par l’atteinte de ces objectifs? Selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, cela contribue « à la prospérité économique du Québec en favorisant le plein épanouissement des personnes par la promotion de l’emploi, le développement de la main-d’oeuvre et l’amélioration du fonctionnement du marché du travail ». Or, pour déterminer si ces mesures contribuent à la prospérité économique, il faudrait s’assurer qu’elles soient rentables. Toutefois, c’est justement le critère que les gouvernements, et pas seulement ce ministère, ne peuvent et ne veulent pas aborder.

          Ils ont tôt fait de redéfinir la prospérité économique comme étant quelque chose de très large et de très flou pour s’arroger le contrôle de services sous le prétexte de mieux les rendre que le marché ne le pourrait. Ainsi, on ne cherche plus la rentabilité de la formation, mais on considère que toute formation contribue à la prospérité. Or, si l’éducation est généralement une bonne chose, cela dépend encore de plusieurs facteurs: le nombre d’années qui y est consacré, les ressources qui y sont investies, les études effectuées, la raison pour laquelle on étudie, etc.

 

  Il n'y a prospérité économique que s’il y a concurrence, liberté des prix et possibilité d’offrir produits et services profitablement. Or l’État est incapable de susciter la prospérité, car il exclut ces moyens qui seuls permettent de l’établir. Quand bien même on redéfinissait la prospérité de façon à inclure la « prospérité de l’âme », dans le but sous-entendu d’exclure la quête de profit de la gestion des services, on ne pourrait davantage en conclure que l’État est plus apte à les gérer. Non seulement la gestion bureaucratique n’est pas apte à générer la prospérité parce qu’elle impose le contribuable plutôt que de lui offrir un prix, mais justement parce qu’elle procède ainsi elle conduit plus sûrement à l’insatisfaction générale due à l’appauvrissement qui s’ensuit.
 

La gestion bureaucratique comme source de conflit

 

          Un peu partout dans les démocraties on constate que les grèves sont beaucoup plus nombreuses au sein des fonctions publique et parapublique. Est-ce parce que les fonctionnaires et employés du secteur parapublic sont moins accommodants que les travailleurs du secteur privé? Le taux élevé de syndicalisation du secteur public, 81% au Québec, 75% au Canada, y est certainement pour quelque chose. Toutefois, il ne faudrait pas blâmer uniquement les syndicats pour cet esprit de confrontation, mais aussi, voire surtout, le mode de gestion utilisé.

          Lorsqu’on travaille pour un monopole ou quasi-monopole d’État et qu’on exige une augmentation de salaire, ou bien le gouvernement cède aux revendications pour maintenir les services touchés, ou bien il n’y cède pas, mais dans les deux cas les consommateurs écopent. Les fonctionnaires et employés du secteur parapublic risquent peu de perdre leur emploi à faire la grève puisqu’ils sont bien protégés par leur syndicat et, surtout, parce que le gouvernement empêche les gens d’offrir les mêmes services dans le secteur privé. Les employés du secteur privé ne possédant pas la protection légale sous forme de monopole d’État ont donc plus à perdre lorsqu’ils déclenchent une grève. Les consommateurs peuvent se diriger vers les compétiteurs, l’entreprise peut s’établir ailleurs, faire faillite, etc.

          Ces monopoles ou quasi-monopoles sont établis d’après une idéologie qui vise à diaboliser la quête de profit et à promouvoir une conception éthique s’établissant sur la contrainte. Or, comment peut-on prétendre à la justice et à la solidarité lorsqu’on utilise des moyens contraignants pour les établir? C’est que les gens nient cette coercition ou encore tentent de la justifier en prétextant qu’il faut taxer et imposer pour aider, que si on ne taxe pas, il n’y aura pas suffisamment de gens qui aideront autrui, etc. On tend également à qualifier cette aide de «morale» pour détourner l’attention de la coercition qui en est le fondement.
 

Une alternative

 

          On ne peut prédire qui bénéficierait et qui serait désavantagé, à court terme, d’être rémunéré seulement par les consommateurs plutôt que par les contribuables, mais chose certaine on n’assisterait pas aux grèves à répétition du secteur public. À long terme, une privatisation entière de tous les services et le respect de cette propriété serait à l’avantage de tous, car les ressources humaines et matérielles ne seraient employées au détriment de personne. Les choix établis ne seraient certainement pas rentables pour tout le monde, mais ils auraient l’avantage de ne pas être aussi destructeurs de richesse que les choix exercés par les gouvernements. En effet, aussi mauvais que soient les calculs d’un individu, ils ne peuvent avoir un impact que sur lui-même.

          Une gestion qui ne tient pas compte des choix de chacun, ou qui ne cherche pas à être profitable pour chaque individu, ne peut utiliser à bon escient les ressources dont elle dispose. Encore une fois, l’amélioration d’un service public ne peut s’établir qu’au prix d’une réduction des produits et autres services qui peuvent être considérés plus importants par certains individus. Par conséquent, une gestion bureaucratique ne peut satisfaire les besoins des gens aussi bien qu’une gestion privée, car elle ne respecte pas la propriété, ne se laisse pas guider par les prix et ne recherche pas les profits. Elle exproprie et manipule les premiers et juge indigne les seconds.

          Dans la mesure où il y a concurrence dans l’offre des services, le consommateur détermine en bonne partie le prix de ces services et la rémunération de celui ou celle qui les octroie. Plus la concurrence est forte, c’est-à-dire plus les choix des services sont nombreux, moins il y a de grève, celle-ci risquant de se faire davantage au détriment des employés que des consommateurs.

          Dans pareille circonstance, la gestion des services désirés par les consommateurs est prise en charge par des gens tout aussi dévoués que les travailleurs du secteur public, mais qui tentent d’améliorer les services en se laissant guider par les prix que les consommateurs sont prêts à leur offrir. Ce pourrait être les mêmes gens offrant les mêmes services, qui recevraient un salaire plus ou moins élevé que leur emploi comme «fonctionnaires», mais qui le recevraient directement des consommateurs plutôt que des contribuables.

          En somme, aider autrui ne suffit pas, car encore faut-il utiliser des moyens légitimes pour ce faire. La légitimité ne saurait se contenter de la légalité des moyens utilisés. Une action légale, mais illégitime, ne sera jamais aussi efficace qu’une action respectueuse de la propriété. Éthique et prospérité sont indissociables.

          On ne gère pas avec plus de « compassion » lorsqu’on contrôle les prix des services et qu’on exclut la possibilité de les offrir profitablement ou selon les goûts de chacun. Ce faisant, on agit plutôt comme un myope, à tâtons, sans être capable de voir plus loin que le bout de son nez. Non seulement la gestion bureaucratique n’est pas apte à produire la richesse, mais elle ne peut la distribuer aussi bien qu’une gestion privée. De plus, elle engendre la confrontation plutôt que la coopération. La solution aux grèves à répétition dans le secteur public et à l’insatisfaction des besoins ne peut être autre qu’une gestion privée et respectueuse de la propriété.

 

André Dorais

 

André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.  Essai originellement publié par Le Québecois Libre

 

 

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