«
Et pourtant, les fondamentaux sont sains !» : cette assurance tient
lieu de réconfort aux yeux des autorités européennes,
prises à contre-pied par la décision de Moody’s de placer
« sous perspective négative » l’Allemagne, tout en
mettant cruellement en évidence qu’elles ne comprennent pas ce
qui leur arrive. Accusant les marchés de « péter
les plombs » confrontés à la panique bancaire
d’hier. Toute la question est en effet de savoir ce qui doit être
rangé dans la catégorie des dits « fondamentaux ».
L’agence
de notation, comme c’est sa mission, anticipe sur les
conséquences qu’aurait pour l’Allemagne un
éclatement de la zone euro, à commencer par une sortie de la
Grèce, l’un pouvant déclencher l’autre. Sans
emphase, les jours qui viennent vont être décisifs.
Un
sauvetage de l’Espagne va devoir d’une manière ou
d’une autre être mis sur pied. El Ecomista
évoque une version « assouplie », qui serait à
l’étude au sein du gouvernement espagnol, qui consisterait
à ce que soit dans l’immédiat accordé au pays une
ligne de crédit sur laquelle il pourrait tirer pour financer ses
proches échéances. Notamment celle d’octobre, d’un
montant de près de 28 milliards d’euros. Une manière de
gagner du temps et d’éviter un sauvetage à la
dimension de la quatrième puissance économique
européenne, assorti d’un train supplémentaire de mesures
de rigueur, car l’effondrement financier est imminent. Les 18 milliards
du fonds réunis avec le concours de la loterie nationale du pays,
destinés à soulager les régions espagnoles étant
par ailleurs probablement insuffisants, ces dernières demandant les
unes après les autres à y puiser. Seul un achat massif de la
dette espagnole par la BCE permettrait de détendre la situation et de
repousser les échéances, sans rien régler.
Il
est également envisagé par Jean-Claude Juncker, chef de file de
l’Eurogroupe, de faire la courte
échelle à la Grèce, sous la forme d’une «
aide intérimaire » qui lui éviterait de faire
défaut le 20 août prochain sur le remboursement de 3,2 milliards
d’euros d’obligations détenues par la BCE. Un simulacre de
négociation permettrait aux autorités européennes de
sauver la face et d’éviter l’effondrement, afin de voir
venir. Mais c’est tout vu, la question se pose désormais
très crûment : faut-il encore verser 35 milliard d’euros
à la Grèce, qui vont s’additionner à ce qui a
déjà été prêté, et prendre le risque
de ne jamais les revoir eux non plus ?
La
déclaration de Mario Monti estimant ne pas voir la
nécessité de convoquer dans l’urgence un sommet ne peut
avoir qu’une seule raison : rien ne serait plus désastreux que
d’ajouter à la situation actuelle – où la
capitalisation boursière des banques continue de se réduire
comme peau de chagrin – un sommet qui n’aboutirait pas à
des décisions concrètes et se réfugierait dans de vagues
proclamations. En attendant, la prochaine réunion des ministres des
finances est programmée pour la fin août, autant dire une
éternité.
Le
Conseil constitutionnel allemand ne rendra son avis à propos de la
constitution du MES – le nouveau fonds de soutien européen
– que le 12 septembre prochain, ce qui permet d’envisager, dans
la plus optimiste des hypothèses, qu’il puisse être
à pied d’œuvre fin septembre. D’ici là, il
faut tenir. Ne disposant que d’un pare-feu aux moyens
limités, et dont les fonds vont devoir être utilisés avec
parcimonie en attendant que le suivant prenne la relève, les
autorités européennes se retrouvent avec sur les bras la
construction d’une union européenne renforcée dont seules
la fondation de l’austérité budgétaire prend
tournure. Les architectes restent en désaccord sur les plans de la
maison et sur l’ordre dans lequel les travaux doivent être effectués.
Hier,
les marchés étaient en panique, aujourd’hui ils sont
fébriles. Dans quel état seront demain les autorités
européennes ? La solvabilité de l’ensemble de la zone
euro est en question et le refinancement de sa dette globale ne fait que
repousser le dénouement. Laisser chacun en
tête-à-tête avec propre fardeau ne produira pas non plus
les meilleurs effets.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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