Tiens, encore un rapport de la Cour des Comptes ! Cette fois-ci, il porte sur l’Institut de France, vénérable institution académique vieille de plusieurs siècles, qui regroupe plusieurs académies et dont l’objet consiste à perfectionner les sciences et les arts. Et cette fois encore, le rapport de la Cour n’est guère tendre avec l’institution qu’elle a étudiée : d’après elle, son fonctionnement « demeure très insatisfaisant »…
Rooh. Voilà qui est fort gênant.
Une institution si tranquille, si respectable, on ne peut qu’être surpris que la Cour des Comptes puisse lui trouver des choses à reprocher, d’autant que les remarques ne sont pas légères et les manquements assez notoires.
La Cour explique ainsi que malgré l’importance du patrimoine immobilier dont cette institution a la charge (plus de 1,5 milliard d’euro tout de même), la gestion de l’immobilier locatif et celle des nombreuses fondations musées « connaissent des insuffisances caractérisées » (fouchtra, des insuffisances !). Celle de six institutions souffre de « nombreuses carences et irrégularités » (sapristi, des irrégularités !), et la gestion du personnel de ce nuage de fondations diverses ne bénéficie quasiment d’aucune mutualisation, avec une politique de rémunération opaque et informelle (saperlipopette, de l’opacité !), le tout dans une austérité qui se traduit par une progression de la masse salariale de l’Institut de 6,5% de 2005 à 2013, et de 10% à 60% pour celle des académies (youpi, une progression !). S’y ajoutent les habituelles facilités et autres avantages accordés à des académiciens et des personnels de l’Institution ou en lien avec elle que la Cour qualifie de « parfois discutables » et en tout cas « insuffisamment encadrés ».
Insuffisances, irrégularités, opacité, défaut d’encadrement, voilà qui fait un beau palmarès pour une honorable institution…
Le croustillant rapport de 211 pages (lisible ici) permet d’apprécier à sa juste valeur les remarques de la Cour formulées sur un ton très poli. Si l’on peut passer sur les indemnités annuelles des académiciens, qui sont franchement modestes, les défraiements sont en revanche particulièrement élastiques et permettent une grande souplesse pour ceux qui en bénéficient. En outre, si l’on lit l’épais chapitre consacré à la gestion du patrimoine immobilier de l’Institut, on constate surtout qu’elle échappe à la déroute totale bien plus par chance que grâce à une rigueur et un contrôle efficaces : la formalisation des procédures laisse pour le moins à désirer, et les latitudes dont disposent les gestionnaires feraient largement bondir dans le cadre d’entreprises privées (qui termineraient probablement avec de lourds contrôles fiscaux sur les reins).
Le plus consternant étant qu’en face de ces dérives et d’une gestion qu’on qualifiera pudiquement de minimaliste, plusieurs des fondations-musées faisant partie de l’Institut de France parviennent non seulement à attirer un public considérable mais réalisent l’exploit d’équilibrer leur exploitation, ce qui montre que le potentiel pour éviter les dérives et valoriser cet extraordinaire patrimoine existe bel et bien.
Des remarques pas tendres, une gestion hasardeuse ou inexistante, des abus, des opacités, voilà qui laisse une impression étrange au lecteur de ce petit manuel de Ce Qu’il Ne Faudrait Pas Faire dans le Privé Mais Qui Est Toléré dans le Public, impression d’autant renforcée par la mollesse évidente des suites qui seront données à ce rapport.
Oh, bien sûr, on peut noter quelques articles de presse ici et là qui donnent un peu de corps aux critiques de la Cour. Mais s’en satisfaire en imaginant qu’enfin, quelqu’un va s’occuper de remettre un peu d’ordre là-dedans, ce serait faire preuve d’une belle naïveté qui pourrait vous faire passer de citoyen à … simple contribuable, tiens.
En effet, on pourrait ressortir, un peu méchamment, ce que le Figaro écrivait il y a plus d’un an, sur le même sujet et qui montre que les dérives ne sont pas neuves. D’autant qu’il y a deux ans, l’Opinion en faisait aussi mention, constatant là encore des manquements de gestion. Du reste, tout ceci n’était que la suite logique de rapports de la Cour des Comptes datant quant à eux de 2009 et 2001, qu’on pourra retrouver assez facilement sur internet.
Si vous voyez émerger comme un tableau d’ensemble déjà vu, c’est parfaitement normal.
En substance, la Cour produit un rapport, histoire de faire croire qu’elle sert effectivement à quelque chose. On pourra à présent attendre les nécessaires sanctions qui ne manqueront pas de remettre de l’ordre dans les dérives de gestion observées et on pourra, dans la foulée, se réjouir que les autorités fasse preuve de courage pour remettre la République dans le droit chemin. Tousse. Tousse. Ahem. Et on oubliera bien vite la récente affaire de l’INA dans laquelle sa directrice aura fait preuve d’une légèreté coupable dans ses notes de frais de taxis (40.000 euros tout de même) en se rassurant de constater qu’elle a heureusement démissionné de son poste. Tousse, tousse à nouveau et ahem.
Tout comme l’ex-directrice de l’INA échappera aux poursuites pour abus de bien social, le remboursement des sommes ne pouvant constituer la seule réparation de la faute constatée, tout comme l’ensemble des malversations d’élus dont la République est la victime répétée et qui ne se traduisent pas par des incarcérations largement méritées, les bidouilles et largesses au sein de l’Institut de France n’entraîneront aucune sanction palpable. Il n’y aura pas dépôt de plaintes, même si la Cour s’en étonne elle-même (p. 99 du rapport).
Ce blog contient maintenant des exemples sur une base quasi-mensuelle des exactions scandaleuses dont la République et le contribuable français sont victimes. La Cour des Comptes ensevelit régulièrement les journalistes, les parlementaires et les citoyens sous d’épais compte-rendus indiquant clairement l’étendue de la catastrophe, ainsi que la marche à suivre pour s’en sortir, mais rien ne change.
Il faut se rendre à l’évidence : si tout le monde s’en fout à ce point, c’est probablement parce que tout le monde est complice. Dès lors, ce qui arrive aux finances publiques du pays n’est que la mise à l’échelle (et quelle échelle !) de cette décontraction complète vis-à-vis de l’argent des autres dans ces multiples cas particuliers.
Et comme la très grande majorité ne semble pas vouloir y mettre un terme, comme, de surcroît, tant en profitent directement ou indirectement, une conclusion s’impose d’elle-même : ce pays est foutu.
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