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L’INTERVENTION DE L’ÉTAT DANS LE DOMAINE DE L’EMPLOI

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Published : August 15th, 2004
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Category : Editorials





L’interventionnisme est une doctrine politique préconisant que l’État corrige les défaillances du marché. Cette intervention est nécessairement coercitive, mais justifiée par la prétention à corriger un mal plus grand. La doctrine conclut rapidement aux défaillances du marché et plus rapidement encore prétend le remplacer. Elle s’enrobe d’une fausse morale pour mieux se vendre. N’en soyons pas dupes, car il s’agit d’une croyance fondée sur une incompréhension de l’action humaine. Voyons quelques-unes de ses prétentions dans le domaine de l'emploi.


Assurance emploi 


Le programme d’assurance emploi, au Canada, se divise en deux volets: l’assurance proprement dite de recevoir un montant d’argent advenant la perte d’un emploi et l’aide à la réintégration au marché du travail. Au Québec, à la différence des autres provinces canadiennes, ce dernier volet relève de l’autorité provinciale. En 1997, le gouvernement fédéral répondait ainsi à une demande dite «traditionnelle» du Québec. Il y a de ces traditions dont on se passerait!  
  
          La nouvelle organisation n’est guère mieux que la précédente. Il vaudrait mieux l’abolir. Idem pour son frère fédéral. Il en coûterait beaucoup moins cher aux contribuables si les travailleurs étaient libres d’adhérer à l’assurance publique, sans compter que cela lui donnerait plus de légitimité. De l’assurance privée à cet effet existe déjà et pourrait très bien remplacer le système actuel. De plus, à la différence du système actuel, l’assurance privée vous offre la garantie que vos contributions ne servent qu’à cela plutôt qu'à renflouer les coffres de l'État. 
  
          Plus les politiciens se disent généreux envers les chômeurs, plus ils doivent taxer les autres et plus ils taxent, plus il y a de chômeurs. Plus vous offrez une période prolongée de prestations ou des montants élevés, plus les gens attendront le «bon» emploi. Il n’y a pas de problème à prendre le temps de chercher un emploi particulier, mais que les coûts de cette attente soit compensés par l'argent des autres remet en question sa légitimité. Au-delà du problème éthique, suffisant pour rejeter ce système, il est inefficace car il n’aide pas l’emploi. Non seulement ne l’aide-t-il pas, mais il le réduit, car il reste moins de capital, humain et monétaire, pour la création de richesse qui seule permet l’emploi.  


Aide à l’employabilité 


En ce qui a trait au volet «aide à la réintégration», elle peut se résumer à diverses formes de subventions, c’est-à-dire de l’argent soutiré aux uns et redistribué aux autres. Emploi-Québec en est l’agence attitrée. Ces subventions sont offertes aux individus et aux entreprises sans but lucratif. Les entreprises privées, majoritairement à but lucratif, sont aidées indirectement par l’entremise des subventions offertes aux individus. Précisons que l’entreprise privée est également aidée par d’autres organismes gouvernementaux, quand ce n’est pas de manière ad hoc. Les sociaux-démocrates détestent le capitalisme, mais curieusement ils sont toujours prêts à le subventionner.  
  
          Emploi-Québec travaille en collaboration avec l’aide sociale, erronément appelée «assistance-emploi». Je dis erronément, car l’aide financière publique, l’aide sociale, assiste très peu les gens à trouver un emploi. Les dirigeants gouvernementaux semblent avoir choisi la nouvelle appellation pour laisser croire aux contribuables qu’ils veillent à transformer les prestataires en travailleurs. Les gouvernements sont très forts en marketing, mais très faibles en résultat. Voyons un peu ce que fait cette agence. 


Formation de la main-d’oeuvre 


Au Québec, la loi 90 exige des entreprises qu’elles déboursent au moins 1% de leur masse salariale pour former leur personnel. Le gouvernement croit-il que les dirigeants d’entreprise ont choisi des incompétents pour tenter de faire des profits? Imaginez le fonctionnaire qui va enseigner au capitaliste comment faire des profits. Il lui dit: «Toi, le capitaliste, tu ne sais pas comment faire des profits. Tu es stupide, mais compte-toi chanceux, je suis là pour t’aider. Tu vas investir une partie de tes profits à former tes employés, car là est le secret de la réussite. Et si tu ne fais pas comme je te demande, je te prends ton fric.»  
  
          Cette loi n’aide pas l’emploi. Au contraire, elle réduit les possibilités de l’employeur d’en créer de nouveaux en temps opportun, car il ne lui est pas nécessaire de débourser constamment en formation pour prospérer. Il s’agit là d’un mythe. Cette loi, qui n’est rien d’autre qu’une taxe, constitue une ingérence dans les affaires de l’entreprise qui peut la conduire à la faillite. Les seuls emplois qu’elle maintient sont ceux des fonctionnaires qui veillent à son application. Non seulement elle ne remplit pas son rôle, mais elle est destructrice d’emploi.  


Aide à la formation 


La formation est également offerte aux individus par l’entremise de l’agence. L’aide qui s’y rattache se présente sous forme d’allocation non remboursable au client – disons une bourse hebdomadaire. Ajoutons que dans la majorité des cas, les coûts de la formation sont assumés par le gouvernement. Dans la région de Montréal, cette aide constitue quelque 80% du budget de l’agence. Le nom d’«Emploi-Québec» est donc lui aussi trompeur, puisqu'il y a déjà un ministère, celui de l’Éducation, qui apporte une aide financière aux étudiants. Un nom différent permet de laisser entendre à la population que le gouvernement s’occupe de l’emploi. Or, Emploi-Québec n’est pas du tout structuré pour trouver de l’emploi aux gens et ne l’était guère davantage lorsque l’organisme était sous la gouverne fédérale. 
  
          Cette agence et ses partenaires, qui vivent pour la plupart des contrats que celle-ci lui accorde, donc de fonds publics, font énormément de discrimination, mais ils prétendent qu’elle est «positive». Les agents qui y travaillent se font endoctriner à l’idée que sans cette discrimination réparatrice le mal serait partout. C’est qu’il est sous-entendu que les Québécois «pure laine» sont racistes et sexistes. Par chance, le gouvernement et ses partenaires sont là pour «renverser» cette situation en engageant une proportion plus grande de femmes, de «minorités visibles» et de gens «à mobilité réduite» que ne le justifie leur nombre au sein de la population(1). 


  Cela permet au gouvernement de dire à la fois qu’il crée de l’emploi et qu’il fait preuve d’une morale plus grande que le secteur privé. Le gouvernement peut se permettre d’agir ainsi, car la compétence des agents d’aide à l’emploi n’est pas très importante. Le travail ne consiste qu’à redistribuer la richesse à la clientèle qui en fait la demande. Les employés de ladite agence tenteront de s’en défendre en prétextant qu’ils travaillent beaucoup, mais le nombre d’heures travaillées n’est pas un gage de qualité, ni même d’utilité. Ils doivent leur emploi à la coercition de l’État et rien d’autre. Malgré les apparences, le syndicat qui les représente n’a qu’un rôle marginal à cet égard. 
  
          Étant donné que le service est offert grâce aux fonds publics et au pouvoir de réglementation, il ne répond pas aux véritables besoins. En tentant de servir par la voie réglementaire le gouvernement finit par servir une clientèle qu’il ne cherchait pas à aider. Ludwig von Mises qualifiait ce type de gestion de «gestion bureaucratique». Celle-ci produit inévitablement des effets indésirables. Seule une gestion axée sur le profit permet une juste allocation des ressources. Celle-ci répondra d'autant plus aux besoins si le gouvernement ne contrôle pas les prix. Cela ne signifie pas que tout dans la vie se ramène à une question de profit, seulement que l’échange des biens et services qui n’en tient pas compte n’a comme seul recours pour affecter adéquatement les ressources que les lois, règles et règlements.  


Effets indésirables 


  Illustrons les effets indésirables de ce type de gestion chez Emploi-Québec. L’agence prétend cibler une clientèle, mais en discutant avec ses employés et en scrutant ses lignes directrices on se rend compte que les critères d’admission sont flous et uniquement basés sur la parole des gens. Par conséquent, n’importe qui peut se prévaloir des services. D’ailleurs, pour les politiciens, tout ce qui compte est que le budget soit dépensé; ils pourront ainsi pavoiser au petit écran en prétextant qu’ils font beaucoup pour l’emploi.  
  
          Les formations et les clients qui les suivent sont payés par les contribuables. Une femme abandonne une formation parce qu’elle doit accoucher? «C’est pas grave, on recommencera dans deux ans. En attendant, allez demander des prestations de maternité ou d’aide sociale.» Certaines recommencent ce manège pendant vingt ans. Vous devez quitter la formation pour retrouver votre père malade à l’autre bout du monde? «Bien, on recommencera plus tard.» Les fausses déclarations des prestataires restent le plus souvent impunies, car ils sont prestataires. Un client abandonne une formation parce qu’elle ne lui convient plus? «Bon, alors on va vous diriger vers un orienteur afin que celui-ci puisse vous guider».  
  
          Les fonctionnaires s’aident toujours entre eux. Ils se renvoient ainsi les prestataires. «Je te l’envoie pour l’orientation, tu me le retournes en précisant la formation qu’il désire.» Une subvention avec ça? Les fonctionnaires développent l’emploi, plus particulièrement le leur. Plusieurs clients sont satisfaits, car il s’agit d’une prise en charge qui n'a pas la connotation négative associée au statut de bénéficiaire passif d’aide sociale. Cependant, si un agent du gouvernement ose dire non à un prestataire, celui-ci peut toujours faire appel à un autre fonctionnaire, un superviseur, voire un avocat de l’aide juridique. Ainsi, il arrive que se retrouvent ensemble trois personnes vivant de la taxation, qui se battent entre elles pour savoir combien il faudrait encore soutirer aux contribuables. L’avocat de l’aide juridique n’est pas le dernier recours du client récalcitrant, car il peut toujours demander l’aide d’un autre individu qui vit de l’argent des autres: son député. Ne cherchez pas la loi de la jungle dans le marché, car elle se trouve dans le secteur public.  
  
          Une autre façon pour le client d’obtenir ce qu’il désire est de revenir constamment sur les lieux, quitte à changer d’agent, car il est défendu à celui-ci de refuser de rencontrer un client. Les superviseurs et la direction voient d’un mauvais oeil un agent qui refuse la demande d’un client. Il faut comprendre que dans l’enceinte gouvernementale la morale sociale-démocrate est presque unanimement partagée.  
  
          Le client arrive-t-il constamment en retard à ses rendez-vous? L’agent devra le rencontrer, si ce n’est pas le jour même, alors une autre fois. Plusieurs agents finissent par leur dire oui, question de s’en débarrasser. Mais cela ne dure qu’un temps, car plusieurs de ces clients reviendront quelques années plus tard. Selon le gouvernement, l’argent du contribuable est bien géré et les pratiques d’Emploi-Québec préparent les gens pour l’emploi.  
  
          Les employés de l’agence se rendent-ils compte de leur inefficacité? Ne vous laissez surtout pas berner par leurs statistiques sur l’emploi, car il est impossible d’attribuer à leurs services la création d’emploi. Un client qui se trouve un emploi comme manoeuvre après avoir étudié en télécommunication améliore les statistiques, mais n’a aucun rapport avec le service (formation) rendu. On ne peut davantage établir un lien de cause à effet pour celui qui se trouve un emploi dans son domaine après une période prolongée de recherche, car cet emploi peut être attribuable à plusieurs facteurs. Pis encore, le système informatique, qui sert à établir le nombre d’emplois créé, est sujet à une multitude de manipulations de la part des gens qui y ont accès. Inscrire faussement qu'un client a obtenu un emploi est souvent la seule option qui permet à l'agent de mettre un terme au suivi d'un éternel chercheur d'emploi.  
  
          Les employés de l’agence aident bien certains clients, mais à quel prix? Pour plusieurs d’entre eux aider n’a qu’une seule signification: donner. Ils se disent généreux, alors qu’ils distribuent l’argent des autres. Ils se pensent indispensables, alors qu’ils vivent de l’argent des autres. Ils prétendent aider l’emploi, alors qu’ils lui nuisent. Bref, ils sont endoctrinés aux idéaux sociaux-démocrates.  


Un appauvrissement moral et économique 


L’intervention de l’État dans le domaine de l’emploi réduit le nombre d’emplois en incitant les gens à chercher plus longtemps, voire à chercher l’impossible. Elle offre aux gens la possibilité de vivre de l’argent des autres. Les gens qui vivent ainsi auront tendance à se morfondre, à se plaindre, à développer de l’agressivité, à faire des enfants qui risquent d’être aux crochets du contribuable pendant de nombreuses années, etc. En somme, l’intervention de l’État sur l’emploi conduit à un appauvrissement autant moral qu’économique. 
  
          De manière générale, les étatistes prétendent que le marché privilégie les uns au détriment des autres, mais c’est faux. Il enrichit certains davantage que d’autres, mais tout le monde en bénéficie. C’est fort différent. Ces mêmes gens prétendent que l’interventionnisme se fait peut-être aux dépens de certains, mais au bénéfice de plusieurs. C’est oublier que, dans un régime interventionniste, les bénéfices des uns se font au détriment des autres. Bref, les sociaux-démocrates ont tout à l’envers.  


1.    Pour le gouvernement, la «minorité visible» n’est qu’une autre appellation pour dire «minorité culturelle ou ethnique». Elle renvoie à tout le monde sauf l’homme blanc d’Amérique du Nord et d’Europe.  >>


André Dorais



André Dorais a étudié en philosophie et en finance et vit à Montréal.



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