Depuis le tremblement de terre du Brexit, les édifices bancaires
marbrés de fissures vacillent plus que jamais sur leur socle. Agent
révélateur plutôt que cause des remous financiers que nous connaissons, le
Brexit vient de faire sa première victime collatérale du côté des banques
italiennes.
Depuis vendredi, les actions bancaires sont malmenées, surtout les
européennes. Comme l’écrit Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph, le gouvernement italien est en état
d’alerte et devrait bientôt intervenir :
« L’Italie est en train de préparer un plan de renflouement de 40
milliards d’euros de son système financier alors que les actions bancaires se
sont effondrées à la bourse de Milan suite aux secousses du Brexit qui ont
ébranlé les marchés européens.
Un groupe de travail spécial du gouvernement italien suit les événements
heure après heure, s’engageant à prendre toutes les mesures nécessaires pour
assurer la stabilité des banques. « L’Italie fera tout ce qui est
nécessaire pour rassurer les gens, » a déclaré le premier ministre Matteo
Renzi.
« Il s’agit du moment de vérité que nous avons longtemps
attendu. Nous ignorions juste que ce serait le Brexit qui
allait lâcher l’éléphant, » a déclaré un banquier italien de
premier plan.
Les actions des banques se sont effondrées pour une seconde session
consécutive : Sanpaolo a chuté de 12,5 %, Banka MPS de 12 %,
Mediobana de 10,4 % et Unicredit de 8 %. Les organismes de crédit ont
perdu un tiers de leur valeur depuis le référendum tenu au Royaume-Uni.
« Lorsque le Royaume-Uni éternue, l’Italie s’enrhume. Il s’agit du
maillon faible de la chaîne européenne, » a déclaré Lorenzo Codogno,
ancien directeur général du Trésor italien et désormais employé de LC Macro
Advisors.
L’Italie est la première victime sérieuse de la contagion du Brexit ainsi
qu’un rappel que les destins économiques de la Grande-Bretagne et de l’Europe
sont étroitement liés. Morgan Stanley a averti dans un nouveau rapport
que le PIB de la zone euro se contracterait presque autant que celui de la
Grande-Bretagne en cas de « scénario à haut stress ».
Les autorités italiennes étudient la recapitalisation directe des banques
par l’État, qui serait financée par une émission obligataire spéciale. Elles
souhaitent également un moratoire des règles sur le renflouement interne et
sur l’annulation des émissions obligataires, ce qui est impossible en vertu
de la loi européenne. M. Renzi a soulevé en urgence ce sujet à l’occasion
d’une réunion avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président
français François Hollande au sommet sur le Brexit qui s’est tenu ce lundi à
Berlin.
« Il doit y avoir une suspension des règles de renflouement
interne (bail-in) et des règles sur les aides d’État au plus haut niveau
politique de l’UE, sinon je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner, »
a déclaré M. Codogno.
Contrairement à la crise de la dette de la zone euro de 2011-2012, il n’y
a pas encore de soucis sérieux sur les marchés de la dette souveraine. La BCE
plafonne de facto les taux avec son assouplissement quantitatif.
Le niveau de stress de cet épisode se mesure via la santé des banques
privées. L’indice des titres bancaires Euro STOXX s’est effondré de moitié,
depuis juillet dernier, pour tester désormais des niveaux atteints au pire de
la crise de la dette. Les titres des banques britanniques ont également
plongé depuis le Brexit sans pour autant atteindre un risque systémique
jusqu’à présent. Cette baisse reflète principalement les craintes de
récession ainsi que la perte d’accès potentielle au marché européen.
Les banques italiennes, talon d’Achille de la zone euro
Les banques italiennes sont le talon d’Achille du système financier de la
zone euro. Les crédits non performants y atteignent 18 % depuis la récession
engendrée par la crise de 2008.
La nouvelle réforme concernant le renflouement interne a empiré les choses
et pris les autorités européennes par surprise. L’objectif était de protéger
les contribuables en s’assurant que les créditeurs supportent en priorité le
gros des pertes en cas de problèmes avec une banque, mais la réforme a été
mal conçue si bien qu’elle a provoqué un désamour pour les actions bancaires.
La banque d’Italie a demandé la refonte complète des règles de bail-in.
Aujourd’hui, il est quasi impossible pour les banques italiennes
d’augmenter leur capital. Elles sont prises en étau alors que la BCE demande
simultanément de respecter des critères de capitalisation toujours plus
sévères, allant jusqu’à demander parfois des injections de capitaux 3 à 4
fois. M. Codogno a déclaré que la BCE déstabilise involontairement les
banques européennes dans sa tentative trop zélée de rendre les banques
européennes plus sûres.
L’Italie est désormais paralysée par la structure de la zone euro. Les
analystes affirment qu’elle a désespérément besoin d’un plan de sauvetage
bancaire à l’américaine, comme ce fut fait en 2008 avec le TARP (Troubled
Asset Relief Program, programme de rachats des actifs toxiques des banques).
C’est cependant interdit dans la zone euro.
Le gouvernement a introduit en début d’année un fonds de sauvetage de 5
milliards d’euros, baptisé Atlante, mais il fut principalement alimenté par
les banques et bien insuffisant pour faire face aux événements. (…)
L’étranglement bancaire est devenu politiquement explosif en Italie après
que des milliers de petits épargnants furent ruinés par la faillite de 4
banques régionales en fin d’année dernière. Ils furent traités en tant que
« porteurs d’obligations juniors », même si la plupart d’entre eux
étaient de simples épargnants qui ne comprenaient pas ce que la banque
faisait avec leur argent.
Renzi pourrait être forcé de prendre les choses en main pour mettre en
place un plan de sauvetage national unilatéral du système bancaire italien en
désobéissant ainsi à l’Union européenne, à moins qu’il n’obtienne des
concessions de Bruxelles. Ceux qui le connaissent bien affirment qu’il ne
descendra pas en enfer au nom de la pureté idéologique européenne. »