Le capital global cherche
quelque part où se cacher. Mais après des décennies de création monétaire
enthousiaste et d’ingénierie financière, il en existe désormais bien trop
pour qu’un pays puisse l’accommoder à lui seul. L’écart entre les sommes d’argent
qui viennent toquer à leurs portes et les espaces de stockage disponibles
force les derniers paradis fiscaux du monde à afficher complet afin d’éviter
de finir inondés. Parmi les solutions employées figurent les taux d’intérêt
négatifs. C’est-à-dire que pour déposer votre argent auprès d’une banque
suisse ou danoise ou prêter votre argent au gouvernement japonais ou
allemand, il vous faut désormais payer pour le privilège.
Voilà qui semble un peu fou, et
certainement peu habituel d’un point de vue historique. Mais c’est exactement
ce à quoi nous aurions dû nous attendre, dans un monde où la spéculation
financière se fait de plus en plus exotique, et où la dette ne cesse plus de
gonfler : trop de papier toxique est créé qui finit éventuellement par
tout faire exploser, pour laisser derrière lui un climat d’instabilité et des
investisseurs plus inquiets du retour de leur capital que de leurs retours
sur capital. Ils se tournent tous vers ce qui, selon eux, aura le plus de
chances de survivre encore dix ans, permettant ainsi aux gestionnaires de ces
actifs d’imposer plutôt que de verser des frais. Voici quelques récents
articles (en Anglais) sur le sujet :
Less
Than Zero: When Interest Rates Go Negative
In
Denmark, Depositors to Pay Interest to Bank
Negative
interest rates are hammering Germany's savings banks
Riksbank
Preview: Next in Line for Negative Interest Rates?
Swiss
Impose Negative Rate Echoing 1970s Amid Russia Crisis
Get
Ready For Negative Interest Rates In The US
Il existe bien des sous-sujets à
explorer dans un monde de taux d’intérêt négatifs. Mais commençons par le
rôle de l’or. Etant traditionnellement la valeur refuge ultime, l’or est la
seule forme de monnaie qui ne puisse pas être manipulée, et donc l’actif vers
lequel se tourner lorsque la situation dégénère.
Il a récemment vu son prix
grimper au sein des nations qui voient émerger des crises. En Russie, en
Argentine, en Grèce, et dans l’ensemble de la zone euro, le prix de l’or
libellé dans la devise locale a grimpé plus rapidement que le taux de change
des devises refuges que sont le dollar et le franc suisse. Et parce que les intérêts
deviennent négatifs partout dans le monde, toute personne qui dispose de
capital à allouer se trouve confrontée à un calcul risque-rendement très
intéressant. Voyez ceci :
Du point de vue des flux de
trésorerie, de l’or accumulé dans des coffres coûte de l’argent parce qu’il
fait l’objet de frais de stockage. En temps normal – quand les obligations
gouvernementales et les dépôts bancaires rapportent des intérêts de, disons,
6% - l’écart en faveur des obligations et contre l’or est convaincant. Mais
que se passe-t-il lorsque les taux d’intérêt passent dans le rouge, au point
que les coûts liés à la propriété d’or et d’obligations gouvernementales
deviennent similaires, avec environ 1% par an ? Notre investisseur qui
cherche à allouer son capital doit maintenant se poser des questions
supplémentaires, comme par exemple : une devise fiduciaire a-t-elle un
jour enregistré une période de hausse soutenue de sa valeur ? A-t-on
déjà assisté à une déflation de courte durée au sein d’un système où la
banque centrale est en mesure de créer des quantités illimitées de monnaie ?
La réponse est non, pour une raison évidente : la déflation est une
mauvaise chose pour les politiciens, parce qu’elle rend le gouvernement et
les entreprises plus difficiles à gérer, et les élections plus difficiles à
gagner.
Dans de telles circonstances, la
création monétaire est sans douleur. Les partisans de la monnaie saine qui
critiquent habituellement la monétisation de la dette sont réduits au silence
par la baisse des prix. Les inflationnistes, quant à eux, aiment l’argent facile
et chanteront toujours les louanges d’une baisse des taux d’intérêt et d’une
dévaluation monétaire. Quand la déflation d’une devise fiduciaire devient une
possibilité, elle se heurte de toutes parts à un tsunami de monnaie
nouvellement créée, qui finit par la convertir en une inflation.
C’est ce qui se passe
régulièrement de par le monde. Lorsqu’un pays ou bloc de devise enregistre un
ralentissement, sa banque centrale ouvre les valves monétaires, les taux d’intérêt
plongent, et la devise décline contre ses semblables.
Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
La propriété des obligations gouvernementales coûte la même chose que la propriété
d’or. Mais les gouvernements tentent activement de réduire la valeur de leurs
obligations et des comptes bancaires, alors que l’or grimpe à chaque fois que
des troubles se profilent à l’horizon.
La conclusion logique veut que
si l’or et les espèces présentent un coût de propriété identique, alors
peut-être que l’or – qui a su maintenir sa valeur au fil des millénaires,
alors que toutes les devises fiduciaires de l’Histoire se sont évaporées – représente
la meilleure option. Un fait qui, en Suisse, a déjà été accepté :
(Bloomberg) – Les
investisseurs achètent désormais de l’or plutôt que de conserver leurs dépôts
bancaires en francs suisses, selon Vontobel Holding AG, banque et
gestionnaire de fonds suisse.
« L’or semble avoir eu un
regain de faveur auprès des investisseurs, » a expliqué le directeur de
Vontobel, Zeno Staub, après l’annonce de ses bénéfices annuels par la société
basée à Zurich.
Beaucoup s’inquiètent de voir la
Grèce quitter l’euro et l’Ukraine plonger dans un conflit plus vaste, ce qui
a alimenté la demande en valeurs refuge. L’or a gagné 4,2% cette année, alors
même que le dollar se renforçait dans l’attente d’une hausse des taux d’intérêt
américains. Les investissements sur les fonds garantis par l’or sont
désormais au plus haut depuis le mois d’octobre.
Vontobel a augmenté la
proportion des investissements sous gestion discrétionnaire allouée à l’or de
2% après que la Banque nationale suisse a fait grimper les frais imposés aux
banques qui déposent des fonds auprès d’elle, a expliqué Staub. La banque
centrale suisse impose des taux d’intérêt négatifs de 0,75% à certains dépôts
depuis le 22 janvier.