Ma position sur le rapatriement de l’or allemand a reçu de
nombreux commentaires, bons comme mauvais. Le GATA s'y est penché et a
conclu que je ne semblais pas penser que l’opacité qui englobe le sujet soit
la preuve que quelque chose cloche (l’opacité et la transparence des banques
centrales mériteraient un article entier).
Certains m’ont aussi dit qu’il serait facile pour la Fed
d’envoyer tout l’or allemand en une seule fois, et que le fait qu’elle ne le
fasse pas prouve qu’elle ne le possède plus. Avant de me pencher sur ces
points, j’aimerai expliquer mon article à partir d’un autre angle, ce qui
pourrait aider certains à comprendre mon point de vue.
Le dernier article de ben Hunt mentionne le rôle joué par
l’or dans la confiance entre les banques centrales que j’ai moi-même tenté de
développer.
Ben explique que « la signification
de l’or [pour les médias grand public ; les avocats de l’or ont un
discours différent] est passé d’une valeur de réserve alternative à une
assurance contre les erreurs de politique des banques centrales. Le prix de
l’or est susceptible de grimper suite à n’importe quelle information – même
déflationniste – si cette information donne aux abeilles l’impression que
leur reine s’en est trouvée secouée. De la même manière, le prix de l’or peut
baisser suite à une quelconque information, même inflationniste, si tant est
qu’elle laisse sous-entendre que les banques centrales ont repris le
contrôle ».
Ben a déjà noté dans des articles précédents qu’une
nouvelle argumentation a été établie : celle de l’omnipotence des
banques centrales, selon laquelle les banquiers centraux « utilisent la
communication comme outil politique. Yellen (mais
aussi Draghi, Abe et tous les autres membres du
club) continueront d’utiliser les communiqués publics pour contrôler le
marché par procuration ».
La Bundesbank fait partie de ce club, et si elle semblait
ne plus avoir confiance en une autre banque centrale, elle remettrait en
question l’idée d’omnipotence des banques centrales et saperait dans le même
temps son propre pouvoir. Je ne vois pas de raison pour laquelle elle
voudrait se rendre impuissante.
Mais bien que je pense que les banquiers centraux
allemands aient bu de leur propre poison et fassent confiance aux Etats-Unis,
ou comme le dit Ben Hunt, « aient internalisé leur comportement »
et sombré dans ce que Kant appelle un « sommeil dogmatique », et ne
jugent plus nécessaire de justifier pourquoi leur or est rapatrié si
lentement. Même si les Allemands ne faisaient plus confiance en les Etats-Unis
et voulaient récupérer leur or aussi vite que possible, et même si leur or se
trouvait encore où il le devrait, le rapatriement prendrait beaucoup de
temps. La raison en est que son rapatriement immédiat remettrait en question
l’omnipotence des banques centrales.
« Quelle action aurait pu prendre la Bundesbank pour
éviter l’attention et la spéculation ? Si elle avait demandé le rapatriement
immédiat de son or, elle aurait fait preuve d’un manque de confiance extrême
à l’échelle internationale entre les entités les plus puissantes qui soient.
Pour d’autres, cela aurait voulu dire que la Bundesbank sait quelque chose
qu’ils ne savent pas, ou qu’elle s’attend à un effondrement imminent.
D’autres se seraient rués sur leur or et le marché de l’or (et les autres) se
serait effondré instantanément. Même si la Bundesbank avait obtenu tout son
or de la Fed, en demandé l’envoi immédiat aurait causé beaucoup de
dommages. »
Malheureusement pour ceux qui cherchent encore des preuves
que les Etats-Unis ne possèdent plus leur or ou celui de l’Allemagne, le
rythme de rapatriement de l’or allemand n’en est pas une, parce que les
banquiers centraux allemands agiraient de la même manière que l’or soit là ou
non, et qu’ils aient confiance ou non en les Etats-Unis.
Passons maintenant aux autres questions qui ont été
soulevées.
Ceux qui pensent que l’Allemagne pourrait mettre 300
tonnes d’or dans un avion et en achever le transport en seulement quelques jours
ont regardé trop de films Die Hard. Comme je l’ai noté hier, il a fallu 4
mois pour que le Venezuela obtienne ses 160 tonnes. Pensez-vous qu’Hugo avait
confiance en les banquiers centraux ? Ne pensez-vous pas qu’il voulait
récupérer son or aussi tôt que possible ? Dans le cas de l’Allemagne,
ces délais se traduiraient par une période de 8 mois.
Sachez également qu’un camion blindé ne peut transporter
que deux tonnes d’or. En matière d’assurance, une quantité plus importante ne
pourrait de toute façon pas être couverte. 300 tonnes à un rythme de 2 tonnes
par jour nous donne 150 jours soit 7 mois et demi. Peut-être que deux voyages
par jour seraient envisageables s’ils évitaient d’attirer l’attention. Disons
donc 4 mois, comme pour le Venezuela.
Certains pourraient dire qu’il serait possible d’utiliser
des camions ordinaires non-blindés et un important système de sécurité. Mais
même dans ce cas, il ne serait question que de transporter 20 tonnes par
jour, soit 15 camions. Il serait difficile de sécuriser un convoi comme
celui-ci – Google Maps m’indique que le trajet
entre la Fed et JFK est de 30 minutes. Cela voudrait donc dire fermer les
rues de New York pour laisser passer un convoi militaire. Comme si cela
n’attirerait pas l’attention du public et ne présenterait pas un risque de
sécurité à la Die Hard.
Même si c’était possible, un autre problème demeure. Je
vous conseille de regarder ce documentaire
de National Geographic sur la Réserve fédérale. Le
passage sur les coffres d’or est au début. Notez les points suivants :
1. Au mieux, on pourrait faire entrer deux camions
blindés. Il n’y aurait pas de place pour un gros convoi – pensez-vous qu’ils
risqueraient de charger des palettes d’or dans les camions au milieu de la
route ?
2. Observez les labyrinthes de couloirs et d’ascenseurs.
Un ascenseur ne peut transporter que 2 tonnes d’or en une fois.
3. Observez le processus de sortie de chaque barre d’or.
JohnM,
dans son commentaire d’hier, expliquait que l’or de l’Allemagne à la Fed
« consiste en 82.857 barres déposées pour la plupart des containers de
50 barres, qui sont conservés dans quatre coffres séparés. 6.183 barres
seraient conservées sur des étagères ouvertes dans un autre coffre – le
fameux coffre d’or ».
Même en ignorant le temps qu’il faudrait pour placer les
barres d’or déposées sur les étagères sur des palettes puis pour vérifier le
poinçon de chacune des 82.857 barres (à 15 secondes par barre, il faudrait 43
journées de huit heures) et le fait que la Fed n’ait certainement pas la
place de stocker 300 palettes d’une tonne d’or prêt à l’envoi, il faudrait au
moins cinq minutes pour que chaque palette sorte des sous-sols de la Fed et
soit montée dans un camion. 1.500 minutes, c’est 25 heures, ou sept jours.
Juste pour remplir des camions. Sans pause.
Bien que j’aime à penser que les arguments développés
ci-dessus puissent suffire à démentir l’idée que l’Allemagne (ou n’importe
qui d’autre) puisse déplacer des centaines de tonnes d’or en seulement
quelques jours, je ne l’espère pas trop, parce que sans Bruce Willis, ils y
seraient parvenus dans Die Hard.
Je suis d’accord que 4 mois ne sont rien par rapport à 7
ans. Mais que l’Allemagne puisse rapatrier son or plus rapidement ne signifie
pas qu’elle veuille le faire.
Un commentaire anonyme note que « la Bundesbank
s’oppose aussi à cette notion pour une autre raison. Elle a dit elle-même que
l’or est supposé jouer le rôle de solution d’urgence. Dans le cas extrême
d’un effondrement des devises, les banquiers diraient que les barres d’or
pourraient être échangées rapidement contre des livres ou des dollars pour
que des factures urgentes puissent être payées ».
La Bundesbank parle donc de mettre son or à gage, bien que
les banques centrales aiment à appeler cette activité le système de swaps. Je
suis d’accord avec ce commentaire, dans le sens où bien que Londres et les
Etats-Unis soient des centres de négoce majeurs, pour des raisons de
liquidité de dollar, l’Allemagne pourrait simplement demander un changement
de nom de titulaire de barres d’or sans qu’elles ne quittent ses coffres.
Rien de différent avec l’habitude des Etats-Unis de changer le nom du
propriétaire de l’or de l’Allemagne déposé chez eux pour celui d’une autre
banque centrale qui prêterait « temporairement » de l’argent à
l’Allemagne.
Si vous prévoyez de vendre votre or de manière permanente,
vous aurez certainement besoin de le placer en un endroit qui bénéficie de
beaucoup de liquidité. Les opérations de swaps sont le gagne-pain des banques
centrales. Le déplacement de métal n’est en revanche pas nécessaire dans le
cadre de swaps interbancaires (surtout si, dans le futur, l’or redeviendra
celui de l’Allemagne).
Je ne comprends donc pas le besoin des banques centrales
de placer de l’or auprès des centres de négoce si elles ne l’utilisent que
dans le cadre de swaps.
Notez la forme sous laquelle l’or est déposé dans les
coffres de la Fed, qui n’est pas compatible avec les critères fixés par le
LBMA. Puisque la Bundesbank a décrété qu’elle aurait besoin de conserver de
l’or aux Etats-Unis pour faciliter des swaps dans le futur, alors cela veut
dire qu’elle pourrait utiliser pour ce faire de l’or non-conforme au LBMA.
Les swaps ne reposent donc pas sur la refonte de l’or sous les critères
imposés par le LBMA.
Il n’est pas non plus nécessaire de refondre l’or pour des
raisons d’audits. Bon nombre de tests pourraient être effectués pour déterminer
la pureté et le poids des barres sans les endommager.
Ainsi, posséder de l’or sous la forme acceptée par le LBMA
n’est uniquement préférable qu’en cas de vente. Notons aussi que les banques
commerciales sont heureuses de pouvoir acheter des barres non-conformes au
LBMA (avec rabais correspondant aux frais d’affinage). Je ne comprends pas
pourquoi l’Allemagne aurait besoin de raffiner son or aujourd’hui si elle ne
compte pas le vendre. Elle était contente d’avoir des barres non-conformes au
LBMA dans les coffres de la Fed pendant tant d’années, pourquoi ces mêmes
barres ne pourraient-elles pas reposer dans les coffres de la
Bundesbank ?
Carl-Ludwig Thiele, membre de la
direction de la Bundesbank, a déclaré
que la banque « dispose de listes de barres, et que ses partenaires les
banques centrales lui envoient chaque année non seulement la confirmation de
l’existence de ses barres, mais aussi leur qualité ».
Je ne vois aucune raison pour laquelle ces listes ne
pourraient pas être rendues publiques si leur emplacement peut être gardé
secret. Une liste de poids et de pureté de barres devrait être suffisante
pour effectuer des swaps, que l’or soit ou non conforme au LBMA.
- Selon
la Bundesbank, le programme de rapatriement n’a débuté qu’en automne en
raison des arrangements qui devaient être faits avec les sociétés de
transport et les raffineries.
- Les
employés de la Bundesbank ont supervisé le transfert de barres depuis la
Fed de New York grâce à des listes d’inventaires.
- La
conversion des barres en produits conforme au LBMA a été effectuée en
Europe.
- La
Bundesbank a accepté de recevoir des barres non-LGD sur son compte de New
York dans les années 1960 parce que la ruée sur l’or américain avait
réduit les réserves de barres Good Delivery de
la réserve fédérale, et la fed a compensé la
Bundesbank pour les coûts induits, depuis le processus de refonte
jusqu’à l’écart de poids des barres.