Sur
les marchés financiers, l’idée que la déflation du crédit présente un
désavantage pour le prix de l’or est très répandue, parce que l’or est devenu
un actif vendu hâtivement contre de l’argent liquide par ceux qui doivent
rembourser leurs dettes.
Quand, il y a quatre
ans, Ron Paul l’a interrogé quant à son opinion de l’or, Ben Bernanke a
répondu qu’il ne s’agissait pas de monnaie, mais d’un simple actif, et a de
nouveau confirmé cette idée.
Il ne fait aucun doute
que le point de vue de Bernanke soit partagé par tous les autres banquiers
centraux des économies avancées et tous les directeurs des banques qui ont pu
tirer profit de l’inflation monétaire et du crédit. Mais il n’est pas partagé
par les épargnants ordinaires, qui le perçoivent encore comme une valeur de
réserve en période d’inflation des devises fiduciaires. Pour eux, l’or est la
monnaie à épargner, qui a été chassée de la circulation par des devises
inférieures. C’est vrai aux quatre coins de l’Asie, où vit une majorité de la
population mondiale. Mais des millions d’Américains continuent également d’accumuler
des Silver Eagles, parce qu’ils reconnaissent encore les attributs monétaires
des métaux précieux.
Crucialement, l’idée des
marchés des capitaux selon laquelle l’or n’est plus une monnaie mais
simplement un actif ou une ressource a détruit notre compréhension de ses
relations monétaires. Les analystes financiers manquent d’apprécier la
différence entre le comportement d’une monnaie saine et celui d’une monnaie
instable en période de contraction du crédit bancaire. C’est un fait qui peut
être établi empiriquement en observant les relations entre l’or et le dollar
pendant la Grande dépression, alors que le crédit bancaire se contractait
suite à l’effondrement de Wall Street, et que l’or était réévalué à la hausse
pour passer à 35 dollars en 1935. L’objectif d’une monnaie instable est de
pouvoir être dévaluée par rapport à une monnaie saine ; ce qui a été
fait à l’époque pour stabiliser des prix qui auraient autrement plongé. C’est
une possibilité dont ne profitent pas les banques centrales qui adhèrent à un
étalon or.
Sous un étalon or – ou plus
précisément un étalon de change-or, l’effondrement du crédit bancaire a
toujours été soudain et vicieux par rapport à son expansion. Puisque le
crédit était élargi à partir de rien par des banques qui ne disposaient pas
des réserves d’or nécessaires à sa couverture, l’effondrement des prix a été
associé aux faillites bancaires, et les banques centrales ont cherché à
protéger les banques commerciales de cette dure réalité. Le sauvetage de ces
banques a toujours nécessité une baisse artificielle des taux d’intérêt et
une expansion de la masse monétaire pour limiter la hausse du pouvoir d’achat
résultant de la baisse des prix. L’or demeure donc une valeur de réserve pour
les épargnants, parce qu’il ne peut pas être dévalué ainsi par les banques
centrales.
C’est une vérité qui
redevient d’actualité au vu des problèmes de crédit qui se développent en
Chine et qui semblent la mener vers un krach similaire à celui de 1929. S’il
se développait comme prévu, il devrait être suivi d’une récession économique.
Aujourd’hui, la Chine est le plus gros consommateur commercial de ressources,
tout comme l’étaient les Etats-Unis à la fin des années 1920. Le
ralentissement de son économie applique une pression baissière sur les prix
des ressources, et fait grimper le pouvoir d’achat des autres devises
majeures. Pour dire les choses autrement, la chute des prix de l’énergie et
des ressources en yuans force le reste d’entre nous à endurer une déflation.
Bien que les investisseurs sur l’or aient vu son prix en dollars baisser au
cours de ces trois derniers jours, son pouvoir d’achat mesuré contre les
autres ressources a en fait grimpé. Plus récemment, l’or s’est prouvé être
une valeur de réserve efficace contre des devises affaiblies, notamment l’euro
et le yen.
Maintenant que la
déflation du crédit chinoise commence à s’exporter aux Etats-Unis au travers
de la baisse du prix des marchandises, beaucoup pensent que le dollar
continuera de se renforcer. C’est une idée qui a encouragé les hedge funds à
se débarrasser de leurs contrats à terme sur l’or afin de capturer la hausse
du dollar. En termes de pouvoir d’achat, il est vrai que la devise fasse
preuve d’un élément déflationniste. Si la Réserve fédérale refusait d’élargir
la quantité de dollars en circulation et laissait les banques commerciales
faire face seules à la contraction du crédit, le pouvoir d’achat du dollar
pourrait grimper comme s’il était une devise saine. Mais la Fed nous a promis
de faire le contraire, et est sur le point d’affaiblir sa devise. Lorsque l’équilibre
du risque penchera vers une contraction du crédit aux Etats-Unis, le prix de
l’or en dollars grimpera, en raison même des politiques de la Fed.
Cela surprendra
également les traders qui pensent que l’effondrement continu du marché
boursier chinois forcera la liquidation de ses réserves d’or par le public chinois.
Il ne fait aucun doute que les spéculateurs les plus inquiets vendront leur
or, mais cet argument ignore le fait que pendant une contraction du crédit,
les devises émises par le gouvernement perdent toujours de la valeur face à l’or.
Ayant acheté des quantités substantielles d’or pour ses propres réserves et s’étant
assuré que le public en ait fait de même, le gouvernement chinois est plus en
mesure d’encourager une réévaluation de l’or afin de stabiliser son économie
en cas de crise que ne l’étaient les Etats-Unis il y a quatre-vingts ans. C’est
la seule solution qui s’offrira à la Chine, et si le gouvernement décidait de
ne pas la saisir, la classe moyenne le ferait à sa place.
La Banque populaire de
Chine s’engage déjà dans les politiques de relance pour contenir l’effondrement
du marché boursier. C’est une réponse normale de la part d’une banque
centrale. Il ne fait aucun doute que le rattachement du yuan au dollar sera
maintenu, en partie parce que la Chine s’est engagée à développer la
confiance en sa propre devise en tant que remplaçante du dollar sur la scène
commerciale internationale, et en partie parce que la dévaluation de sa
devise serait perçue par les marchés comme un échec de ses politiques
monétaires. La Chine peut s’attendre à voir les politiques monétaires
américaines favoriser son travail de relance.
Ainsi, plutôt qu’une
dévaluation face au dollar, une hausse du prix de l’or en yuan devrait faire
son apparition. Que la Chine réévalue ses réserves d’or n’est pas garanti,
mais permettre au prix de l’or de grimper s’inscrit dans la logique de la
relation entre une monnaie saine et une monnaie fiduciaire en période de
contraction du crédit.
C’est un fait très
simple qui pourrait surpasser toutes les considérations géostratégiques sur
lesquels les observateurs de la Chine ont tendance à se concentrer. Une
réévaluation du prix de l’or serait présentée au monde comme liée aux
problèmes économiques domestiques de la Chine, plutôt que comme une décision
visant à affaiblir le rôle international du dollar : une solution moins
conflictuelle qu’un désaccord direct avec les banques centrales occidentales
quant au rôle de l’or dans l’ordre monétaire international.