Notre
monde compte désormais deux grandes nations qui, partant
d’idéaux diamétralement opposés, semblent avoir le
même objectif : les Russes, et les Anglo-Américains…
Chacune de ces nations voudrait un jour tenir entre ses mains la
destinée de la moitié du monde.
De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, 1835.
L’idée
qu’avait Tocqueville en 1835 du destin de la Russie et des Etats-Unis
était identique à celle de son illustre
prédécesseur Français Michel de Nostredame.
Dans les
années 1830, la Russie était un empire tsariste, et les
Etats-Unis étaient indépendants de l’Angleterre depuis
soixante ans. L’idée de deux nations aux idéaux
diamétralement opposés mais avançant vers une même
destinée, celle de tenir un jour entre ses mains le devenir de la
moitié du monde, était ce que l’on pourrait appeler une
prédiction extraordinaire, tout particulièrement pour un homme
de 1835.
110 ans plus
tard, comme Tocqueville l’avait prédit, la Russie et les
Anglo-Américains, avançant tous deux dans la même
direction, entrèrent en un conflit que l’on appela plus tard la
Guerre Froide et qui ne fut autre qu’une bataille extraordinairement
coûteuse et longue de plusieurs décennies pour
l’hégémonie économique et la domination du monde.
En 1835,
Tocqueville surnommait les deux protagonistes les Russes et les
Anglo-Américains. Il connaissait parfaitement la différence
entre l’Angleterre et l’Amérique, et n’a pas commis
d’erreur en décrivant la future alliance Anglo-Américaine
comme n’étant qu’une seule et même nation.
Il
était le visionnaire d’une coopération étroite
entre l’Angleterre et les Etats-Unis, une coopération qui
étendrait l’influence géopolitique de l’Angleterre
et plongerait les Etats-Unis dans la banqueroute avant de lui coûter
son précieux héritage en tant que promoteur de la
liberté dans le monde.
DES EMPIRES, DES EMPIRES, ET ENCORE DES
EMPIRES
Lorsque
Tocqueville écrivait son livre en 1835, la Russie et
l’Angleterre étaient déjà des Empires. Au XVIIIe siècle, la Russie
tsariste était déjà devenue le grand Empire de Russie,
s’étendant depuis le Commonwealth Lithuano-Polonais
jusqu’à l’océan Pacifique.
http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_Russia
L’Empire
Anglais deviendrait quant à lui bien plus grand et finirait par
couvrir près d’un quart du monde. En 1922, l’Angleterre
contrôlait 20% de la population mondiale et était le plus grand
Empire qu’ait connu l’Histoire.
http://en.wikipedia.org/wiki/British_Empire
Les
Etats-Unis, contrairement à la Russie, n’avaient aucun
intérêt à devenir un Empire. Les idéaux
démocratiques des Etats-Unis étaient l’antithèse
de l’imposition de pouvoir sur des individus, et encore moins sur des
nations entières.
Je n’ai jamais compris comment un
individu rationnel peut tirer du plaisir à exercer son pouvoir sur
d’autres.
Thomas Jefferson
La
participation de l’Amérique à la poursuite d’un
Empire un siècle plus tard aura des retombées catastrophiques.
Laissant de côté leur code moral de protection de la
liberté, les Etats-Unis ont obtenu richesse et pouvoir et vendu leur
âme en cours de route.
Bien que les
Etats-Unis aient plus tard nié leur passé démocratique
pour poursuivre l’extension de leur Empire, ils ne sont pas parvenus
à échapper aux coûts financiers et moraux que cela
impliquait :
Les Empires ont toujours dit vouloir
conquérir le monde pour y imposer la paix, la liberté et la
sécurité, et sacrifier leurs fils au nom d’une cause
noble et humaniste.
Tout
ceci n’est que mensonge, et un mensonge très ancien, bien que
les nouvelles générations continuent d’y croire ! Si
l’Amérique cherchait un jour à devenir un Empire, comme
c’est le cas de nombreuses nations, alors nos règles de vie
domestiques seraient abandonnées et les droits des Etats abolis pour
que nous soit imposé un gouvernement centralisé chargé
de répudier la liberté à l’intérieur de son
pays et partir à l’aventure à l’étranger.
Et
le rêve Américain finira par mourir sur les champs de bataille
du monde. Une nation conçue sur le principe de liberté abolira
celle de son peuple et imposera sa tyrannie aux autres.
George S. Boutwell,
(1818-1905), secrétaire du Trésor sous le président Ulysses S. Grant, gouverneur du Massachussetts,
sénateur et représentant du Massachussetts.
L’ALLIANCE ANGLO-AMERICAINE
En 1945, au
début de ce que nous appelons aujourd’hui la Guerre Froide, l’Angleterre
et les Etats-Unis se ressemblaient bien plus qu’auraient pu le penser
les Pères Fondateurs. Leurs banques centrales en étaient
l’exemple le plus flagrant.
De toutes les
institutions Anglaises auxquelles s’opposait Thomas Jefferson, celle
qu’il méprisait le plus était la banque centrale.
Destinée à transférer les profits de la
productivité, du commerce et de l’ingénuité
sociétale vers le secteur bancaire et financier grâce au
mécanisme de la dette, la banque centrale était au centre du
pouvoir et de la richesse de l’Angleterre.
La banque
centrale Anglaise a permis à son pays de mener la guerre grâce
au crédit, un avantage dont ne bénéficiaient pas les
autres. Tant que les armées Anglaises étaient victorieuses, les
banquiers étaient remboursés, leur richesse accrue et leur
Empire élargi.
La banque
centrale Britannique permettait à l’Angleterre de créer
de la monnaie à partir de rien. Cette alchimie monétaire
pouvait se produire tant que l’Angleterre 1. maintenait la confiance
envers la monnaie papier, 2. maintenait l’équilibre entre le
crédit et la dette, et 3. continuait à étendre son
économie.
Dans les
économies basées sur les dettes des banques centrales,
l’activité économique doit s’étendre, sans
quoi la dette finit par submerger la capacité productive. Lorsque
l’expansion de l’Empire Britannique commença à
ralentir à la fin des années 1800, les banquiers Anglais
réalisèrent qu’ils auraient bientôt besoin de
nouvelles bases sur lesquelles fonder leur franchise financière.
Les Etats-Unis
étaient idéaux pour les objectifs poursuivis par
l’Angleterre, et malgré les nombreux avertissements de Jefferson
en ce qui concerne les banques centrales, en 1913, un consortium de banquiers
Européens, d’hommes d’affaires Américains et
d’industrialistes mirent en place la Réserve
Fédérale des Etats-Unis sur le modèle de la banque
centrale d’Angleterre, cette institution à laquelle Thomas
Jefferson s’opposait tant.
Ce fut
l’établissement de la Banque Fédérale qui permit
à l’Angleterre de reprendre le contrôle de ses anciennes
colonies Américaines. Etablir une banque centrale aux Etats-Unis
était la seule étape nécessaire pour que des banquiers
privés prennent le contrôle de la masse monétaire du pays
et, ultimement, de son devenir politique.
Donnez-moi le contrôle de la
monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de
ceux qui font les lois.
Mayer Amschel
Rothschild (1744-1812)
LA RUSSIE, LES ANGLO-AMERICAINS ET LA
GUERRE FROIDE
Au XXe
siècle, alors que s’affaiblissait le pouvoir impérial de
l’Angleterre, son emprise sur les Etats-Unis se resserra, et avant
1945, les Etats-Unis étaient prêts à tout pour trahir
leur héritage démocratique et s’allier à
l’Angleterre dans sa course au pouvoir.
Après
la seconde guerre mondiale, ce qu’Alexis de Tocqueville avait
prédit en 1835 devint réalité. Les Russes et les
Anglo-Américains entrèrent dans un conflit pour la dominance
mondiale qui fut ensuite surnommé la Guerre Froide.
La Guerre
Froide dura depuis 1945 jusqu’à l’effondrement de
l’URSS en 1990. Bien qu’il semblerait que les Etats-Unis aient
gagné et que la Russie ait perdu, ils ont tous deux perdu la bataille.
Au cours de cinq décennies de dominance, les Etats-Unis et
l’Angleterre ont détruit les fondations de leur hégémonie
économique, c’est-à-dire la capacité de leurs
économies basées sur la dette à s’étendre
indéfiniment.
La poursuite
de la dominance mondiale a également coûté aux Etats-Unis
leurs réserves d’or qui représentaient autrefois la plus
importante réserve monétaire du monde. Le maintien de leur
force militaire a forcé les Etats-Unis à mettre fin à la
convertibilité du dollar en or dès 1971. Le retrait de
l’or du système monétaire a entraîné une
expansion plus rapide que jamais de la monnaie et du crédit.
Cette
expansion de la monnaie et du crédit après 1971 a
débouché sur la naissance et l’éclatement des
trois plus grosses bulles spéculatives de l’Histoire : le
Nikkei Japonais en 1990, la dot.com en 2000 et la bulle de 25 ans sur le
crédit en 2008.
L’incapacité
des Etats-Unis et de l’Angleterre à remettre en marche la
machine du crédit et de la dette qui leur a permis
d’établir leur suzeraineté sur l’Est a remis
l’Orient et l’Occident sur un pied d’égalité.
Et dans ce nouvel ordre mondial, les deux camps emploient désormais
des stratégies radicalement opposées.
Avec ses
fondations économiques plus en danger que jamais, l’Ouest fait
tout son possible pour renforcer son économie en difficulté, et
l’or, autrefois perçu comme nécessaire au maintien de la
stabilité de leurs monnaies papiers, est désormais
appréhendé par les banquiers centraux comme une menace.
Alors que la
confiance envers la stratégie Occidentale du crédit et de la
dette se tarit, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à se
tourner vers l’or. Il en a été ainsi au cours de toutes
les crises monétaires et financières de l’Histoire, et ce
n’est pas moins vrai aujourd’hui.
En revanche,
transférer du capital depuis des actifs papiers comme des actions et
obligations vers l’or menace la base d’actifs à effet de
levier nécessaire au schéma ponzi du
crédit et de la dette sur lequel est fondée
l’économie moderne, c’est-à-dire le capitalisme
basé sur la dette.
Il est
très certainement approprié que les deux communistes
anciennement antagonistes de l’expansion capitaliste,
c’est-à-dire la Chine et la Russie, jouent un jeu contraire.
Alors que la dernière manche se joue sur la scène
géopolitique, la Chine et la Russie optent pour l’or.
L’EST
CHOISIT L’OR
Depuis 2007,
la Russie a plus que doublé ses réserves d’or
officielles. Elle achète aujourd’hui chaque mois environs un
demi-milliard de dollars d’or. En 2012, la Chine prenait la place de
l’Inde en tant que premier importateur d’or mondial. Au cours de
ces cinq dernières années, elle s’est également
trouvée en tête de la production globale.
Aucune once
d’or extraite en Chine et en Russie n’est vendue sur le
marché. Il reste à l’intérieur des
frontières de ces pays. Il est clair que l’Orient a
adopté une stratégie différente de celle de
l’Occident, et que l’or y joue un rôle clé.
L’Ouest,
en revanche, est principalement concerné par la protection de son
système économique capitaliste, celui-là même qui
lui a permis de contrôler une grande partie du monde durant plus de 300
ans. Le fait que cette hégémonie puisse bientôt prendre
fin n’a fait que redoubler les efforts de l’Ouest à la
protéger.
L’Est a
une vision bien plus optimiste du possible effondrement du capitalisme. Il
voit le capitalisme comme une machination. L’or jouera un rôle
majeur au sein du système qu’ils mettent aujourd’hui en
place pour le remplacer.
Darryl Robert Shoon
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