Si l’or est une relique du passé, pourquoi donc les banques centrales en
possèdent-elles autant ? Si l’on croit les statistiques officielles, les
banques centrales détiendraient environ 20% du stock d’or mondial. Avant de
commencer à supprimer le prix de l’or, elles en détenaient 70%. Depuis la
crise financière de 2008, elles ont recommencé à acheter de l’or. Cependant, si
l’on regarde un tableau des acquisitions d’or des pays en développement, on
voit qu’ils ont commencé à acheter de l’or tout de suite après la crise des
devises asiatiques en 1987. Il semble bien que tout l’or vendu par les pays
développés ait été acheté discrètement par les pays en développement.
Bron Suchecki écrit, dans un article
récent : « Je trouve intéressant que les investisseurs
conventionnels, des adultes qui font confiance aux gouvernements et aux
banquiers centraux pour gérer l’économie, et qui ne font pas confiance à
l’or, ne voient pas de contradiction dans le fait que ces mêmes gouvernements
et banques centrales possèdent de l’or eux-mêmes. Si l’or constitue un
investissement aussi stupide, cela ne fait-il pas des gouvernements et des
banques centrales des entités stupides ? Dans lequel cas vous ne devriez pas
leur faire confiance. Dans lequel cas vous devez posséder de l’or. Alan
Greenspan a dit : « Si, comme l'a déclaré l’économiste anglais John
Maynard Keynes, l’or était une ‘relique barbare’, les banques centrales du monde
entier ne posséderaient pas une telle quantité d’un actif dont le taux de
rendement, en incluant les coûts d’entreposage, est négatif. »
Les États-Unis devraient-ils vendre tout leur or ? Pourquoi cela n’a-t-il
pas été fait encore ? Pendant des années, la Fed, le Trésor et les
économistes américains ont dénigré l’or, mais personne n’a proposé d’actions
concrètes pour aller jusqu’au bout et remplacer ce « métal
inutile », cette « relique du passé », par de la monnaie
fiduciaire ou d’autres actifs tangibles. S’agit-il de « Fais ce que je
dis, pas ce que je fais » ? Si nous jetons un coup d’œil aux deux
graphiques suivants, nous pouvons clairement observer que les réserves
officielles d’or n’ont décliné que d’environ 37,000 tonnes à environ 30,000
tonnes. Cette baisse s’est arrêté juste avant la crise financière de 2008 et,
depuis ce temps, s’est renversé.
Il est aussi intéressant d’observer, dans le graphique suivant,
l’augmentation des réserves d’or des pays en développement comme la Chine, la
Russie et d’autres. Donc, il semble que la majeure partie de l’or vendu par
les banques centrales des pays développés ait été achetée par les banques
centrales des pays en voie de développement. Cette tendance a pris assez
d’ampleur pour contrer les ventes et renverser la tendance à la baisse dans
les réserves mondiales d’or en 2007, juste avant la crise financière de 2008.
Le bas du prix de l’or fut atteint vers l’an 2000. Entre 1999 et 2002,
Gordon Brown, Chancelier de l’Échiquier du Royaume-Uni, a vendu 60% des
réserves d’or du pays quelque temps avant que l’or n’entre dans un long
marché haussier, ce qui a valu à cet épisode le sobriquet de « Brown
bottom ».
James Turk dit : « L’or est le baromètre avec lequel est jaugée
et évaluée la manière dont une banque centrale gère la devise du pays et son
économie. Un prix de l’or à la hausse est un signe précurseur de danger,
comme de l’inflation ou des problèmes bancaires. Un prix de l’or à la baisse
ou qui stagne est interprété par le marché comme un signe que tout va bien
avec la devise nationale et l’économie. Il est clair que les banquiers
centraux préfèrent ne pas avoir l’or qui regarde par-dessus leur
épaule à chacun de leurs mouvements. Alors ils sont en guerre contre
l’or. »
Et Antal Fekete dit que « les gouvernements ont correctement
identifié l’or comme le seul antidote contre leurs efforts à construire la
Tour de Babel de dette impayable », et que « la haine officielle
envers l’or, presque névrotique, apparaît moins irrationnelle si l’on se rend
compte que l’or, et l’or seul, est en mesure d’exposer la mauvaise foi
omniprésente derrière les promesses des pouvoirs en place. »
Cette année, Mario Draghi, président de la BCE, en a surpris plusieurs,
moi inclus, quand il a déclaré, sans hésitation : « Pour les
banques centrales, cet or constitue une réserve de sécurité, c’est ainsi que
le voit le pays. Dans le cas des pays qui n’utilisent pas le dollar, il leur
donne une protection de valeur contre les fluctuations du dollar. » Il
s’agissait d’une déclaration très directe, non ambiguë et fortement pro or,
et qui venait d’un banquier central. Il répondait à une question sur l’or
sans hésiter, ce qui contrastait avec le malaise qu’avait Ben Bernanke,
président de la Fed, lorsqu’il avait à le faire.
Zhang Jianhua, de la Banque populaire de Chine, a déclaré dans une
interview : « Il n’existe plus d’actif sécuritaire maintenant. Le
seul choix pour se protéger des risques est de détenir de la monnaie
solide : de l’or. » Sun Zhaoxue a aussi écrit, dans un article,
que : « De plus en plus de gens réalisent que l’histoire qui dit
que ‘l’or est inutile’ comprend trop de mensonges. L’or souffre d’un ‘écran
de fumée’ créé par les États-Unis, qui entreposent plus de 70% des réserves
mondiales officielles d’or, qui veulent que les autres monnaies se déprécient
afin de maintenir l’hégémonie du dollar US. »
L’expert russe en métaux précieux Dmitri Balkovskiy
dit : « Elvira Nabiullina, récemment nommée par Poutine à la
Banque de Russie, connaît l’œuvre de Ludwig von Mises et est bien connue des
cercles libertaires (libertarian) de Moscou » (von Mises et les
libertaires sont pro or, en général). Sans parler de Vladimir Poutine
lui-même, qui n’a pas hésité à être photographié avec un lingot d’or à la
main, et qui aurait demandé à la banque centrale de Russie de faire grimper
les réserves d’or au-dessus de 10% des réserves totales.
Il a aussi dit récemment à des journalistes étrangers, au Forum économique
de St-Pétersbourg 2014 : « Pour nous (la Russie et la Chine), il
est important de les déposer (les réserves d’or et de devises) de façon
rationnelle et sécuritaire… et nous devons ensemble réfléchir à la manière de
s’y prendre, en tenant compte de la situation difficile de l’économie
mondiale. »
Au contraire de Ben Bernanke, Alan Greenspan, son prédécesseur à la Fed,
n’a jamais caché son favoritisme pour l’or. Cela ne l’a pas empêché de
déclarer que, si nécessaire, la Fed se tenait prête à utiliser le marché des
produits dérivés pour vendre de l’or. En s’adressant au Congrès américain en
1999, il a dit : « L’or représente toujours la forme ultime de
paiement dans le monde. La monnaie fiduciaire, in extremis, n’est acceptée
par personne. L’or est toujours accepté. »
Eveline Widmer-Schlumpf, ministre suisse de la finance, juste avant le
référendum sur l’or en Suisse, déclara que la « crédibilité de la
politique monétaire » serait « grandement mise à mal » si le
plancher de 20% de réserves en or était introduit. Elle a aussi décrit l’or
comme faisant partie des « investissements les plus volatiles et les
plus risqués » des bilans de la banque centrale; pourtant, la Suisse
possède toujours une très grande quantité d’or dans ses réserves.
À noter également que le Fonds monétaire international (FMI) déclare sur
son site web : « Le FMI détient une quantité d’or relativement
élevée parmi ses actifs, non seulement pour des raisons de saine gestion
financière, mais aussi pour être prêt à rencontrer certaines éventualités non
prévues. »
Dans le graphique ci-dessous, on peut voir l’explosion des réserves d’or à
la « banque des banques centrales », la Banque des règlements
internationaux (Bank for International Settlements, BIS). Ce qui est
significatif ici, avec ces transactions de la BIS, est que l’or était utilisé
pour les règlements internationaux après avoir été mis à l'écart du système
monétaire pendant plusieurs décennies. Les transactions elles-mêmes
confirment que l’or est utilisé ainsi, ce qui constitue une confirmation
dynamique du retour de l’or dans le système monétaire. Cet épisode révèle
combien le système financier était fragile, avant avril 2010, et, selon moi,
l’est encore, et démontre comment les gouvernements ont mobilisé l’or pour
supporter indirectement les banques commerciales. La vieille utilité de l’or
en période d’urgence a refait surface durant la crise de 2008, même si
c’était derrière des portes closes au BIS à Bâle, en Suisse.
J’aimerais maintenant que vous jetiez un coup d’œil aux deux graphiques
suivants. Ils représentent l’or déposé par les banques centrales étrangères
aux États-Unis. Comme vous pouvez le voir, les rapatriements d’or ont débuté
dans les années ’60, tout juste avant l’effondrement du système de Bretton
Woods en 1971, et ont continué de manière constante jusqu’en 2000.
Depuis 2000, nous avons eu trois épisodes d’accélération des rapatriements.
Ils correspondent aux attaques du 11 septembre 2001, à New York, et à la
guerre en Irak qui suivit, à la crise financière de 2008 et, maintenant, aux
menaces de nouvelle Guerre froide et de crise monétaire mondiale. Depuis la
fin de 2013, il est devenu évident que l’on cherche à rapatrier l’or
entreposé aux États-Unis, quelquefois ouvertement et, plus souvent, de
manière discrète.
Le pouvoir de l’or semble transcender toutes les théories économiques
modernes, et quelque chose nous dit, que nous soyons analphabètes ou éduqués,
que l’or n’est pas qu’une relique du passé, mais bien plutôt l’actif le plus
liquide et le plus facile à échanger en cas de situations extrêmes.
Le raisonnement derrière la suppression du prix de l’or par les
gouvernements et les banques centrales est que l’or est une monnaie solide et
un métal politique. Depuis que la monnaie existe, les dirigeants ou les
gouvernements sont toujours intervenu, surtout après avoir dilapidé la
richesse du pays en le soumettant à un niveau exorbitant de dette.
Peter Bernstein, à la fin des années ’90, alors que l’or était à son plus
bas, dans un livre excellent sur l’or, même s’il le critique , The Power
of Gold, a fait la mise en garde suivante : « L’or pourrait
encore servir comme protection ultime dans des conditions chaotiques.
Cependant, le retour à son rôle traditionnel de monnaie universelle est
improbable, à moins que ne vienne un temps où le dollar, l’euro et
le yen ne soient plus à même de remplir leur rôle de paiement acceptable
au-delà des frontières internationales. » Il semble que
nous nous approchions de plus en plus de ces conditions chaotiques, depuis
2008.